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ARCHÉOLOGIE - Le site possède la source thermale antique la plus grande et la mieux conservée au monde Allianoï, la « Pompéi anatolienne », bientôt engloutie sous les eaux d’un barrage

La cité thermale antique d’Allianoï, dans l’ouest de la Turquie, parfois comparée à Pompéi pour son extraordinaire état de conservation, sera bientôt engloutie sous les eaux d’un barrage, au désespoir des archéologues. Une source chaude alimentant un bassin encore protégé par des murs de près de cinq mètres de haut, une salle ornée de colonnes monolithes intactes et de mosaïques, des allées couvertes, des vestiges d’avenues et des pâtés de maisons, des fontaines et près de 11 000 artéfacts. Il a fallu près de neuf ans au docteur Ahmet Yaras et à son équipe d’archéologues pour mettre au jour ces vestiges conservés grâce à une providentielle coulée de boue, qui ne représentent qu’une petite partie des trésors d’Allianoï. Car 20 % seulement de la surface de l’ancienne cité thermale égéenne, qui a connu son heure de gloire au IIe siècle après Jésus-Christ, ont été explorés. Les chercheurs n’auront cependant guère le temps de fouiller les 80 % restants : à l’issue d’une procédure controversée, une commission scientifique a tranché en octobre 2007 en faveur de l’engloutissement du site, prenant le contre-pied de deux décisions antérieures. La mise en eau du barrage de Yortanli, destiné à l’irrigation de quelque 8 000 hectares de terres agricoles et dont la construction s’est achevée l’an dernier, n’est désormais plus qu’une question de semaines, le temps d’achever d’ultimes relevés et de procéder aux derniers peaufinages techniques. « Ce qui me fait mal en tant que scientifique, c’est que ces vestiges nous soient enlevés pour toujours sans qu’on ait pu connaître toutes leurs richesses », déclare M. Yaras, venu rendre début février un dernier hommage au site avec quelques dizaines d’amis d’Allianoï. « Ce que les 20 % fouillés nous ont permis de comprendre, c’est qu’Allianoï possède la source thermale antique la plus grande et la mieux conservée au monde – rien que ça devrait suffire pour qu’on protège ce site », s’indigne le chercheur. « On y a trouvé quelque 400 instruments médicaux en métal, plus que dans n’importe quelle autre ville antique au monde. » Plusieurs scientifiques interrogés par l’AFP partagent l’amertume de leur confrère et déplorent la disparition probable d’un site qu’ils qualifient d’« exceptionnel ». Pierre Chuvin, spécialiste de la Grèce antique et directeur de l’Institut français d’études anatoliennes (IFEA), relate les obstacles placés devant les archéologues : interruption soudaine des financements de la fouille, éloignement de son directeur, M. Yaras, muté à Edirne (Nord-Ouest), multiplication des commissions scientifiques jusqu’à obtenir le verdict souhaité. « L’Administration turque a fait preuve d’une très grande mauvaise volonté, résume-t-il. Ils avaient peur que le site se révèle tellement important qu’ils n’auraient plus la possibilité de le noyer. » Pour l’archéologue Aksel Tibet, fondateur de la plate-forme d’Istanbul – un groupe de chercheurs engagé dans la défense du patrimoine historique de la métropole turque –, la disparition programmée d’Allianoï est d’autant plus absurde que la durée de vie du barrage sera des plus réduites. « Ce barrage ne pourra être utilisé que pendant une cinquantaine d’années, à cause des dépôts d’alluvions, explique-t-il. Alors que si on conservait Allianoï, cela pourrait vraiment être une deuxième Pompéi. Ça pourrait rapporter gros et il n’y a pas de date de péremption. » Dernier espoir de la communauté scientifique : la candidature présentée par la ville d’Izmir, à 120 kilomètres au sud-ouest d’Allianoï, pour accueillir l’Exposition universelle 2015. Alors que le grand port égéen a choisi comme thème « la santé pour tous », les archéologues espèrent alerter l’opinion publique et faire de la préservation d’un des plus beaux centres thermaux de l’Antiquité une condition sine qua non de cette candidature.
La cité thermale antique d’Allianoï, dans l’ouest de la Turquie, parfois comparée à Pompéi pour son extraordinaire état de conservation, sera bientôt engloutie sous les eaux d’un barrage, au désespoir des archéologues.

Une source chaude alimentant un bassin encore protégé par des murs de près de cinq mètres de haut, une salle ornée de colonnes monolithes...