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Actualités - OPINION

Israël a perdu. Le Liban a-t-il vraiment gagné ? Raymond NAMMOUR

Présidé par un juge à la retraite, Eliahu Winograd, le rapport de plus de 600 pages établi par la commission du même nom, vient d’épingler l’establishment politico-militaire israélien pour les graves dérapages de la guerre de juillet-août 2006 contre le Liban. De nombreux observateurs attendaient les conclusions de cette commission. La possibilité d’élections anticipées taraudait en effet de nombreux esprits israéliens qui souhaitaient voir dans Winograd une occasion de raccourcir le mandat d’Ehud Olmert. Or ce dernier semble non seulement soulagé par les conclusions du rapport, mais même revigoré au point de vouloir se maintenir à la barre au moins jusqu’au scrutin législatif de 2010. Le même soulagement s’est fait sentir aux États-Unis également. L’Administration Bush aurait en effet usé de ses réseaux israéliens pour tempérer les conclusions du rapport à l’égard de son protégé Olmert. La perspective de changement de majorité à la Knesset ne pouvait que déplaire à une Administration empêtrée dans son initiative de paix au Proche-Orient. Un grand ouf de soulagement se serait fait entendre à la Maison-Blanche suite à la publication du rapport. Déjà deux vainqueurs clairement identifiés, donc : Olmert et Bush. Qu’en est-il du Liban ? Le rapport Winograd vient de confirmer ce que tout le monde savait : Israël a prémédité la guerre contre le Liban et a échoué dans la réalisation de ses objectifs. Le parti de Dieu, accusé d’être à l’origine de la guerre destructrice de juillet 2006, semble satisfait de ce sauf-conduit. Il y trouve même une confirmation de sa victoire « divine » que lui contestait une partie de citoyens. Et quelle victoire ! 1 200 civils tués côté libanais pour 160 morts côté israélien, militaires pour la plupart. Avec des destructions par milliards de dollars au Liban contre quelques millions de dollars de dégâts en Israël. N’empêche, aucun des objectifs fixés par les Israéliens pour cette guerre n’a pu être atteint : se débarrasser de la menace chiite et obtenir la libération de leurs soldats enlevés par le Hezbollah. Malheureusement pour ce dernier, le rapport confirme également et indirectement l’instrumentalisation de la Résistance islamique au Liban au service de causes autres que celles du pays. En effet, les Israéliens se préparaient à attaquer le Liban pour détruire ce qu’ils estiment être une menace pour leur sécurité, à savoir, l’arsenal militaire iranien présent dans les régions chiites libanaises. Mais comment se fait-il que cet arsenal ait pu atteindre une telle dimension, poussant l’État hébreu à en planifier la destruction ? Est-ce uniquement pour libérer les hameaux de Chebaa et obtenir la libération des prisonniers libanais des geôles sionistes que le lointain cousin iranien a inondé le Hezbollah de missiles de toute sorte ? Ou est-ce simplement pour défendre le Liban contre les agressions sionistes ? Face à ces interrogations, une certitude se dessine : le Hezbollah a résisté face à l’envahisseur, l’empêchant de détruire sa force militaire. Il est non moins certain que les arsenaux iraniens n’ont pu s’ouvrir qu’en échange d’un « retour sur investissement » d’une manière ou d’une autre. Le Hezbollah se serait donc mis au service d’autres intérêts que ceux du Liban. Auquel cas, il est du droit et même du devoir de tout Libanais de se poser des questions sur l’utilité pour la communauté nationale de cette « filiale » iranienne. Même si les membres du parti de Dieu restent des Libanais patriotes purs et durs, qu’en est-il des véritables motivations des dirigeants de ce parti ? Et n’a-t-on pas vu dans l’histoire des mouvements politiques adopter des objectifs affichés en totale contradiction avec les objectifs poursuivis ? Si les membres du Hezbollah sont au courant des visées réelles de leur parti, cela induira une remise en cause des bases du consensus national. Et s’ils n’étaient pas au courant, le problème serait encore plus grave, car cela signifierait une mainmise étrangère sur une composante essentielle de la société libanaise. Comment se fait-il que la seule menace contre les Israéliens provienne du plus petit de leurs voisins, alors que tous les autres voisins vivent en paix ? La Syrie a des territoires occupés autrement plus vastes que Chebaa. Les Palestiniens ont des prisonniers par milliers dans les geôles israéliennes. Et qui est en train de négocier, en public pour les uns et en secret pour les autres, avec l’ennemi de toujours ? Ne sont-ce pas ces mêmes Syriens et ces mêmes Palestiniens ? Le Hezbollah a le droit de s’engager au service d’une idéologie qui lui est propre. Il n’a aucunement le droit d’impliquer tout le pays dans les conséquences de son engagement. Sauf s’il vise la remise en cause de l’architecture de la République libanaise. Si la Résistance islamique était uniquement au service du Liban, comment se trouve-t-il que la moitié des Libanais lui contestent le rôle qu’elle prétend jouer ? La seule institution qui peut se prévaloir du soutien de tous les citoyens et de toutes les communautés est l’armée libanaise. Si le Hezbollah se souciait réellement de la souveraineté du pays, il se mettrait corps et âme dans les rangs de l’armée nationale et faciliterait sans plus tarder l’élection du général Sleimane à la présidence de la République. Faute de quoi, il restera une menace, certes pour l’ennemi israélien, mais hélas, mortelle pour le pays qu’il prétend défendre. Article paru le vendredi 8 février 2008
Présidé par un juge à la retraite, Eliahu Winograd, le rapport de plus de 600 pages établi par la commission du même nom, vient d’épingler l’establishment politico-militaire israélien pour les graves dérapages de la guerre de juillet-août 2006 contre le Liban.
De nombreux observateurs attendaient les conclusions de cette commission.
La possibilité d’élections...