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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - À l’Assembly Hall (AUB) La grande fidélité de Walid Hourani…

Fidèle, sur scène, à son gilet aux motifs d’une partition, tenue bien légère pour un froid piquant, fidèle à son immense talent, fidèle à son sens alerte de l’humour et à sa royale ponctualité, fidèle au sens de l’émerveillement et à l’agilité des doigts sur le clavier, Walid Hourani a donné un concert de piano, fidèle aussi à son lieu de prédilection, l’Assembly Hall de l’AUB. Pour une salle comble par temps glacial et humeur maussade en temps de crise, une foule nombreuse, composée d’amis et de fervents mélomanes, est venue l’applaudir. Présenté par l’association Alumni, à des fins caritatives, ce concert offrait un programme sagement panaché mais, de toute évidence, pour très large public aux préférences très peu marquées par les innovations et les audaces… Un programme où ont résonné des pages de Jean-Sébastien Bach, Dominico Scarlatti, Piotr Ilitch Tchaïkovski, Ludwig van Beethoven, Fréderic Chopin et Franz Liszt. Joli bouquet de notes groupant plus d’un horizon et plus d’un siècle pour une grande promenade sonore sur un clavier habité de féerie malgré le déplorable équilibre des basses et des aigues du clavier utilisé par l’Assembly Hall et qui gagnerait à être raccordé… Ouverture avec un bref mais intense Prélude et fugue du cantor tiré du Clavier bien tempéré. Empreint d’une certaine piété, conciliant l’humanisme de la Renaissance et les élévations mystiques du cantor, cet opus est d’une tendre et lumineuse beauté. Dans un sens d’équilibre et de douceur, voilà trois sonates (longo 413,23,104) de Dominico Scarlatti qui prennent le relais pour une soyeuse narration entre charme et lyrisme particulier. Contrepointes et notes savamment rythmées sont là les marques distinctives de ce brillant compositeur napolitain qui avait le secret d’un ingénieux badinage dans l’art de combiner les cadences et les mélodies… Changement d’atmosphère avec les deux mois (Janvier et Février) tirés des Saisons de Tchaïkovski, le plus cosmopolite des compositeurs russes. Sans être les meilleurs ni plus éloquents opus de la série tchaïkovskienne, ces deux œuvres (un malicieux clin d’œil de Hourani aux intempéries locales !) reflètent bien les brises givrées, les feux dans les cheminées, la chandelle qui s’éteint et l’approche des festivités du carnaval. Avec la sensibilité et les nuances d’une remarquable frilosité d’un musicien qui avait le don de l’observation… Pour conclure la première partie du programme, un morceau de poids, un joyau du répertoire pianistique, la Sonate en ut mineur op 13, dite la Pathétique de Beethoven. Trois mouvements (allegro molto e con brio, adagio cantabile, rondo) pour traduire toute la révolte, le désespoir et la véhémence du maître de Bonn. Des élans passionnels Confessions à peine voilées des élans passionnels, des tourmentes et des moments de résignation d’un être que le chagrin et l’inquiétude minent. Phrases hachées et mordantes sur un clavier saisi de transes avec des accords impétueux et des arpèges comme une bordée de mots en colère… Fiévreux épanchements marqués par de grandes et amples nappes sonores à la fois sombres et lumineuses. On s’arrête quand même sur ce merveilleux et en tonalités veloutées de l’adagio cantabile. Cantabile, chantant en effet, au sens premier du terme, ce paisible et rêveur adagio, comme un apaisant rai de lumière dans une chambre noire. Furtive et insupportable douceur d’une caresse longuement attendue, telles sont ces notes diaphanes et insaisissables… Petit entracte et place au romantisme absolu avec deux princes immortels du clavier : Chopin et Liszt. De Ballade (n1 op 23) en Études (n1 op 1, n25 op 12 et deux Études posthumes) revivent les grands pans de la poésie du pèlerin polonais. Rubato, chromatismes nacrés, accords somptueux et grappes de notes opalescentes sont ici pure féerie sous les doigts de Walid Hourani. Rarement jouées et peu connues, les Études posthumes, moins tourmentées et périlleuses que d’autres pages d’une incroyable difficulté chez Chopin, étaient un vrai moment de plaisir et de révélation pour l’auditoire totalement subjugué par ces pseudo-exercices d’un grand brio. Pour terminer, un morceau d’anthologie et de bravoure par excellence : l’archi-interprétée et connue Rhapsody hongroise n2 de Franz Liszt. Et qui, parmi ses dix-neuf autres rhapsodies, a toujours toutes les faveurs du public. Elle emballe, saisit et séduit sans retenue. C’est comme un philtre magique qui opère dès les premières gouttes, les premières notes, les premiers accords… Dès les premières mesures, la salle est sans conteste sous le charme. Silence religieux pour une incantation magyare… Cela vole très haut et très loin avec le plus virtuose des pianistes qui a tracé une partition défiant le temps et les modes. Souffle impétueux entre orage et accalmie, entre passion violente et langueur éthérée, entre rage de domination et soif de liberté, entre prosodie rigoureuse et gammes tziganes… Après une gerbe de fleurs (offerte bien avant la fin du concert), c’est sous une salve d’applaudissements que Walid Hourani, épuisé, tire sa révérence au public. Pour ce programme tout en précision, on comprend la fatigue (et même les nombreuses notes écrabouillées !) de ce fringant jeune homme de soixante ans qui s’excuse, en toute humilité, de ne pas pouvoir donner un bis. Dans un élan de sympathie explose un nouveau tonnerre d’applaudissements. Le froid, dehors, est sibérique… Edgar DAVIDIAN
Fidèle, sur scène, à son gilet aux motifs d’une partition, tenue bien légère pour un froid piquant, fidèle à son immense talent, fidèle à son sens alerte de l’humour et à sa royale ponctualité, fidèle au sens de l’émerveillement et à l’agilité des doigts sur le clavier, Walid Hourani a donné un concert de piano, fidèle aussi à son lieu de prédilection,...