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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - L’OSNL en l’église Saint-Joseph (USJ) La musique, une résistance contre la barbarie

En ce vendredi noir et sanglant où les morts jonchent les autoroutes et les voitures flambent en un sinistre feu d’artifice, en ce jour de deuil et de désolation, en ce jour où le radieux soleil de janvier n’arrive pas à réchauffer les vivants, en ce jour où le terrorisme aveugle sévit, une fois de plus, en toute impunité, comment parler encore de… culture et de musique ? Avec quel cœur et quel esprit retrouver l’Orchestre symphonique national libanais (placé sous la férule de maestro Wojcieh Czepiel ce soir-là) inébranlable dans ses activités, déterminé dans son courage à toujours mieux entreprendre, et fidèle à ses rendez-vous et ses prestations ? Contre toute attente, et n’en déplaise à tous les Cassandre de mauvais augure, l’église Saint-Joseph était illuminée comme d’habitude et pleine jusqu’aux derniers rangs. La musique, de toute évidence, est une résistance contre la barbarie… Placée sous les auspices de l’ambassade d’Ukraine au Liban, la soirée réservait un programme, grave et solennel, concis et simple, alliant les fastes de la musique baroque vivaldienne et les éclats rougeoyants d’un fiévreux romantisme avec Johannes Brahms. Ouverture avec le Stabat Mater de Vivaldi interprété par la mezzo-soprano Nina Hawi, familière au paysage des concerts beyrouthins et professeure au Conservatoire national supérieur de musique. Vêtue d’une robe noire longue rehaussée de broderies du même ton, coiffée en gaufrettes blondes comme les angelots du Quatre cento, la cantatrice était accompagnée des violons et de l’orgue d’un orchestre réduit pour la partition de musique sacrée du  prêtre Roux. Une partition nimbée de piété et où la seule douleur de la Vierge éplorée est pure émotion. Mélodie fluide et sinueuse pour une voix qui reste quand même sage et trop maîtrisée dans ses timides fluctuations pour certains emballements qui gagneraient à être plus ostentatoires… Tout en apportant une touche particulièrement attachante, dans sa réserve et son côté feutré, à cette prière teintée d’une infinie tristesse, mais aussi de toute la mansuétude du monde de la Vierge, Nina Hawi n’a pas le timbre de voix qu’il faut à ces partitions aux vibratos plus profonds et intenses… Changement d’atmosphère absolu avec la présence du fougueux pianiste de vingt-cinq ans Sasha Grynyuk, originaire de Kiev. Pour son talent et sa fringante jeunesse, une œuvre de choix, étincelante comme un diamant pur, le célèbre Concerto pour piano et orchestre de Johannes Brahms. Tumulte passionné pour un opus à la fois flamboyant et torrentiel charriant l’amour fou. L’amour fou pour la musique et pour Clara Schumann dont l’ombre se profile entre accords rageurs et chromatismes incendiaires. Dialogue intense et vif entre le soliste et l’ensemble pour des mouvements (maestoso, adagio, rondo) où se mêlent une certaine poésie diaphane et d’irrépressibles élans passionnels. Ampleur, majesté et rêverie pour un mode sonore chatoyant et grondant parfois comme un fleuve menaçant. Entre roulement de tambour et déferlement des cordes en transe, le clavier se réserve de saisissants moments de beauté que le talent du soliste rend encore plus perceptibles, plus impétueux. Dans une salle religieusement recueillie et dominée par un silence grave, celui des évènements inconcevables qui brouillent et secouent toutes les valeurs humaines, explose, aux dernières notes, une salve d’applaudissements. Une spontanée « standing ovation » pour un jeune prince du clavier… En bis, la douce légèreté, caresse de plume ou bulles de sons, d’un opus de Scarlatti, comme les pas agiles et enthousiastes d’un chat se faufilant en catimini entre touches d’ivoire et portes entrebâillées pour retrouver un grand pan de lumière… Edgar DAVIDIAN
En ce vendredi noir et sanglant où les morts jonchent les autoroutes et les voitures flambent en un sinistre feu d’artifice, en ce jour de deuil et de désolation, en ce jour où le radieux soleil de janvier n’arrive pas à réchauffer les vivants, en ce jour où le terrorisme aveugle sévit, une fois de plus, en toute impunité, comment parler encore de… culture et de...