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Chavez, héraut du socialisme du XXIe siècle

« Tandis que je le voyais s’éloigner, entouré de ses gardes militaires décorés, je fus saisi par l’étrange sensation d’avoir voyagé et conversé avec plaisir avec deux hommes fort distincts. L’un, auquel la chance obstinée offrait la possibilité de sauver son pays. Et l’autre, un illusionniste, qui pourrait bien rester dans l’histoire comme un nouveau despote. » C’est en ces termes que le célèbre écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez concluait un article sur Hugo Chavez publié dans « le Monde diplomatique », en octobre 2000. De fait, le président vénézuélien n’est pas dénué de contradictions. S’il n’a enregistré son premier échec sérieux qu’en décembre dernier, avec le rejet de son projet de réforme constitutionnelle, si d’aucuns l’accusent de chercher à concentrer le pouvoir entre ses mains, sa popularité reste forte. Catholique fervent, portant en permanence un scapulaire vieux de plus de cent ans hérité d’un arrière-grand-père, Hugo Chavez est l’apôtre de la « révolution bolivarienne », le socialisme du XXIe siècle. Fils d’instituteurs, Chavez, né en 1954, se passionne plus, durant sa jeunesse, pour la peinture, la musique ou le base-ball, que pour le pouvoir. C’est à l’Académie militaire de Barinas, qu’il a intégrée dans l’espoir de rejoindre les plus grandes équipes de base-ball, selon Garcia Marquez, qu’il développe un intérêt pour les sciences politiques et s’interroge sur les conflits qui divisent son pays. À 23 ans, il fonde l’armée bolivarienne du peuple du Venezuela. Un groupe qui se développe lentement mais sûrement. La répression des émeutes de 1989 contre la politique d’austérité du gouvernement est le catalyseur qui incite Hugo Chavez à agir. Trois ans plus tard, en février 1992, le colonel Chavez et ses hommes descendent dans les rues de Caracas bien décidés à faire tomber le régime du président Carlos Andres Perez. Mais le coup d’état fait chou blanc, et Chavez se retrouve en prison. Deux plus tard, Chavez, amnistié, retrouve la liberté. Il se lance alors dans une nouvelle conquête du pouvoir. Avec succès cette fois, puisqu’il est élu président en 1998 avec 56,5 % des voix. Lors de cette campagne électorale, Chavez est présenté comme le « fléau de l’oligarchie et héros des pauvres ». À peine installé au palais de Miraflores, Hugo Chavez lance, en 1999, une première réforme constitutionnelle. Approuvée par 70 % des Vénézuéliens, la nouvelle Constitution prévoit un renforcement des pouvoirs présidentiels. Le mandat du président passe de 5 à 6 ans. Il peut en outre être réélu, une fois uniquement, immédiatement à la fin de son mandat. Selon l’ancienne Constitution, un président ne pouvait être réélu qu’après une période d’au moins 10 ans. La nouvelle Loi fondamentale de la « République bolivarienne du Venezuela » prévoit également l’entrée en vigueur d’un « référendum révocatoire », permettant au peuple de destituer n’importe quel gouvernant, fonctionnaire ou administrateur public, y compris le président. Après l’adoption de la nouvelle Constitution, conformément à la promesse qu’il avait faite, Chavez organise des élections générales en 2000. Il est réélu président avec 59,5 % des voix et ses partisans remportent la majorité aux législatives. Les premières décisions politiques de Chavez visent à améliorer les conditions de vie des plus pauvres et à lutter contre l’inflation galopante. Il se met toutefois rapidement la classe moyenne à dos en licenciant la direction des compagnies pétrolières nationales. En décembre 2001, la principale organisation patronale du Venezuela appelle à une grève générale pour protester contre les 49 décrets-lois adoptés par le président qui bénéficie de pouvoirs spéciaux que l’Assemblée nationale lui a octroyés. Le pays est paralysé et la crise enfle. Début 2002, des officiers de l’armée se rebellent et demandent publiquement la démission de Chavez. En mars, les cadres de la compagnie pétrolière nationale descendent dans les rues. En avril, la confédération des travailleurs du Venezuela appelle à la grève. Le 11 avril, le mouvement de protestation atteint son paroxysme, Chavez est arrêté par l’armée. Deux jours plus tard, les partisans de Chavez ont toutefois repris la main. Le 13 avril, le président revient au palais de Miraflores sous les vivats. Alors que la tension reste vive dans le pays, que les manifestations et journées de grève se multiplient, le gouvernement et l’opposition s’entendent sur l’organisation d’un référendum devant décider la révocation ou non d’Hugo Chavez. Le 15 août 2004, 58 % des électeurs approuvent le maintien au pouvoir de leur président. Politiquement, il va de succès en succès. Le 31 octobre, ses partisans remportent 20 des 23 sièges de gouverneurs. En décembre 2005, ses partisans remportent la totalité des sièges du Parlement, l’opposition ayant boycotté un scrutin marqué par un taux d’abstention de 75 %. Hugo Chavez a les mains libres. Sa politique se radicalise, notamment sur le front externe. Dans sa ligne de mire, les États-unis. Le 24 avril 2005, il annonce la rupture d’un accord militaire avec Washington. Trois mois plus tard, il lance une chaîne de télévision latino-américaine, Telesur, visant à contrecarrer l’influence des grandes chaînes américaines. L’année suivante, en avril, Chavez signe un traité commercial des peuples (TCP) avec ses homologues cubain et bolivien, censé être une alternative à la zone de libre-échange des Amériques que Washington veut instaurer. En septembre 2006, lors d’un discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, il déclare que la salle sent le souffre car le « diable » s’y est exprimé. La veille de son discours, le président Bush était à la tribune. Parallèlement, Chavez renforce les relations du Venezuela avec des pays comme la Russie, la Chine et bien sûr Cuba. Ses déclarations, parfois virulentes, ne l’empêchent pas d’être réélu en décembre 2006, avec près de 63 % des voix. Chavez pousse plus avant sa révolution bolivarienne. En mai, le gouvernement refuse de renouveler la licence de la télévision privée RCTV, après 54 ans d’existence. Chavez reprochait à cette chaîne de télévision son soutien au coup d’État avorté de 2002. Mi-octobre, le Parlement vote une loi qui permet à Chavez de légiférer pendant dix-huit mois par décret dans de nombreux domaines. Et ce alors même que le Parlement ne comprend pas de membres de l’opposition. Le 24 octobre, le socialisme est inscrit dans la Constitution. En novembre, il impose une réécriture des programmes scolaires afin qu’ils aillent dans le sens de sa révolution. Il s’agit d’enseigner de « nouvelles valeurs », afin de créer un « homme nouveau » capable de défendre le « socialisme du XXIe siècle ». Le 2 décembre, le président vénézuélien enregistre son premier sérieux revers, quand les électeurs votent « non » à 51 % contre 49 % pour le « oui », lors d’un référendum portant sur des réformes constitutionnelles qui auraient permis à Chavez de se représenter pour un nombre illimité de fois à l’issue de son second mandat. Le président a accepté la défaite. E.S.
« Tandis que je le voyais s’éloigner, entouré de ses gardes militaires décorés, je fus saisi par l’étrange sensation d’avoir voyagé et conversé avec plaisir avec deux hommes fort distincts. L’un, auquel la chance obstinée offrait la possibilité de sauver son pays. Et l’autre, un illusionniste, qui pourrait bien rester dans l’histoire comme un nouveau despote. »...