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Actualités - CHRONOLOGIE

UNE TOILE, UNE HISTOIRE Ses œuvres ont été le miroir le plus sincère d’une époque de l’Espagne Les fantômes de Goya*

Quel est ce mal étrange qui terrasse en 1792 le peintre Francisco José de Goya y Lucientes le laissant inerte et sans voix pendant quelques mois ? Saisi par un brusque vertige alors qu’il se trouvait à Séville, le peintre espagnol assistera à un tournant important dans sa vie. Si certains prononcent le mot « syphilis », la maladie s’avère plutôt être une méningite qui aura pour conséquence de rendre l’artiste définitivement sourd et isolé du monde extérieur. Un état qui a néanmoins favorisé l’éclosion de son génie. C’est par un concours de circonstances que Francisco Goya devient un jour le portraitiste officiel de la cour d’Espagne. Alors qu’il est dessinateur à la manufacture des tapisseries royales de Santa Barbara, l’artiste est présenté au roi et va peindre le premier de ses portraits en 1782. L’année suivante, c’est le Premier ministre Godoy, favori de la reine, qui posera pour lui. Il est ainsi adopté par la noblesse qui lui passera de nombreuses commandes et il acquiert très vite la maîtrise et le génie du pinceau grâce à son travail et à sa persévérance, ainsi qu’à ses maîtres Rembrandt et Vélasquez dont il revendique l’influence. Comme il est impossible de parler du Madrid des Habsbourg sans mentionner Vélasquez, ce sera de même pour Goya, en évoquant les Bourbon. Le peintre allait devenir témoin des événements de Madrid sur plusieurs périodes. Si les poses de ses portraits en pied ou assis demeurent conventionnelles, Goya porte cependant toute son attention sur l ’expression des visages, traduisant avec acuité la psychologie de ses modèles. À travers ses œuvres, l’artiste reproduit non seulement les caractères de la gent féminine, mais également la société de l’époque. Une société particulièrement régie par des femmes, notamment à la cour par la reine Marie-Louise et dans l’aristocratie par des personnalités brillantes comme les duchesses d’Osuna ou d’Albe. Ces femmes de la haute noblesse s’émancipaient en cette période faste de l’Espagne et choisissaient des toréadors pour amants. Tel était le cas de la reine, mais aussi de la resplendissante duchesse d’Albe, seconde en rang, qu’on décrivait comme « tendre, hautaine et fière, mais démocrate en amour ». Un tournant dans sa vie Goya va portraiturer à maintes fois cette noble dame, alors âgée de 33 ans et dont il s’éprend peu à peu. Sur la toile où elle est représentée sur un fond de paysage évoquant l’Andalousie, la duchesse désigne de la main droite des lettres tracées sur le sable. Le petit chien placé à côté est symbole de soumission et de fidélité. Il est paré du même nœud rouge que sa maîtresse, faisant allusion aux sentiments du peintre, amoureux de son modèle. Lorsque le duc d’Albe disparaît en juin 1796, Goya rejoint la jeune veuve dans son domaine andalou. Leur intimité se fait plus étroite et ce n’est plus la signature du peintre qui est tracée au bas de la toile, mais l’inscription « Solo Goya » (Seul Goya). Sur le côté de l’une des bagues que porte le modèle, on peut y lire même Alba et de l’autre Goya. Lorsque l’artiste l’a représentée, il était déjà sourd et malade. Ses contemporains se sont demandé si ce n’est pas par pitié ou par caprice qu’elle lui accordait ses faveurs. Ainsi, quand la duchesse d’Albe, seconde dame du royaume après la reine, commençait à recruter ses protégés parmi les toreros, l’artiste, déçu d’avoir été traité comme un pantin, va se venger dans un recueil de dessins intitulé Los Caprichos. L’un des dessins montre le peintre en train de dormir. Les traits crispés, il rêve qu’il serre une femme au double visage. L’un lui donne un baiser, l’autre se détourne, pendant que l’infidèle tend la main à un compagnon étendu sur elle. Malgré sa rancœur et sa forte déception, Francisco Goya restera inconsolable après la mort de la duchesse d’Alba qu’on dit avoir été empoisonnée. Colette KHALAF * Titre emprunté au film qui passe à présent dans les salles de Beyrouth.
Quel est ce mal étrange qui terrasse en 1792 le peintre Francisco José de Goya y Lucientes le laissant inerte et sans voix pendant quelques mois ? Saisi par un brusque vertige alors qu’il se trouvait à Séville, le peintre espagnol assistera à un tournant important dans sa vie. Si certains prononcent le mot « syphilis », la maladie s’avère plutôt être une méningite qui...