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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - « En’kephale », création collective dirigée par Nagy Souraty au théâtre Gulbenkian (LAU) Jeux de miroirs et expressions corporelles…

Dans un esprit d’équipe, la Major Theater Production de la LAU, sous la férule de Nagy Souraty, a opté pour un « spectacle » érigé en création collective où le verbe, en ces temps de malentendus et de dégradation de la parole, est visiblement absent. Un théâtre sans paroles semble bien le dada de Nagy Souraty, qui traque depuis un certain temps une vision dramaturgique tablant davantage sur l’expression et la gestuelle corporelles, et un esthétisme de groupe, mécanisé et sophistiqué. Et où le message, si message il y a, reste noyé dans une nébuleuse surcharge de mouvements d’ensemble, certes habilement synchronisés, mais gratuitement esthétisants. Dans un décor froid d’alvéoles de ruche ou de couloir de prison, dominé par le vide, l’espace est architecturé en une géométrie de cellules et d’écheveaux de fils multicolores avec, en arrière-fond, un trio de musiciens pour une sonorité musicale « live ». Dans un univers silencieux, le geste de chaque « actant », échappé à un monde sans limite ni frontière, ni espaces, ni temps définis, est symbole et renvoi à la vie. Dans un sens de rituel dansé se déroule cette représentation mystérieusement (ou ouvertement) intitulée En’kephale. Titre énigmatique quant à ses références linguistiques : en arabe, ce serait l’enfermement, l’isolation, le mutisme ; en racines grecques, on tomberait du côté des limbes et des méandres du cerveau… Toujours est-il que ni futur, ni présent, ni passé ne sont évoqués par ces jeunes comédiens attifés d’une manière insolite (bon travail de Sue Z. Chamaa) entre sandales spartiates grecques, camisoles d’internement et débraillés d’une mode ultrabranchée, outrancière et un peu trash, entre Galiano, Gaultier et Westwood en transe d’inspiration hors norme… Pour les idées qui gèrent cet ensemble de personnages délibérément anonymes, chorégraphié comme un spectacle de ballet moderne (à certains moments très boîte de nuit huppée), il y a surtout le règne de l’image. Plus chorégraphique que dramaturgique… Entre virtualité et réalité, la toile du monde électronique est au cœur d’un débat et d’une interrogation contemporains où les émotions sont mises au rancart. Une quête muette entre doute, ambiguïté, obscurité, emprisonnement, lumière, piège et évasion. Une jeunesse débordée et dépassée par une civilisation et une technologie de plus en plus de pointe et « speedées » s’exprime par un silence un peu pompeux, habité quand même par la musique. Une musique « soft », qui rappelle les mélodies aseptisées des « lounges », entre Vangelis et les interminables lamentos au clavier d’un Claydermann ivre de chromatismes, d’arpèges et de sirupeux effets vibratos. Les teintes en noir du décor, comme un tableau de deuil, reflètent bien une sorte de pessimisme ombrageux pour ces multiples interrogations, que les spectateurs perçoivent en fait très mal du fait d’une formulation peu claire alternant un obscur érotisme aux gestes désespérés et grandiloquents des êtres privés de… paroles ! Plus visuel qu’auditif, avec des moments de grâce aussi bien que de maladresses (notamment les changements de costumes), ce spectacle expérimental, entre jeux de miroirs et expressions corporelles, certes un bon filon mais usé ici jusqu’à la redondance, est plus chorégraphique que dramaturgique, plus exploratoire qu’affirmatif. Mais aussi, par-delà ses aspects pseudo-innovants, entre goût d’exposition des corps et légère provocation, ce spectacle plus mécanique que vibrant, plus travail de gymnastes et d’équilibristes que d’acteurs, tente de traduire, en termes d’images orchestrées en mouvements d’ensemble, l’incurable mal du siècle, les secrets non éludés de la vie, les désirs refoulés, la servitude devant une technologie galopante et l’angoisse de la survie… En’kephale, pour un labeur quand même intense, vu la précision du geste, la gravité de l’énoncé, l’approche philosophique, un peu désordonnée de la débâcle de l’être, est toutefois comme une flammèche qui prend feu vite, sitôt vue, sitôt oubliée. Edgar DAVIDIAN
Dans un esprit d’équipe, la Major Theater Production de la LAU, sous la férule de Nagy Souraty, a opté pour un « spectacle » érigé en création collective où le verbe, en ces temps de malentendus et de dégradation de la parole, est visiblement absent. Un théâtre sans paroles semble bien le dada de Nagy Souraty, qui traque depuis un certain temps une vision dramaturgique...