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Actualités - OPINION

« Il pleut sur ma rue comme il pleut sur mon cœur »

Ma ruelle est la plus belle. Mon balcon aussi est le plus beau, parce qu’il est le seul à avoir des petits pots de fuchsia, un canari qui chante et un chat qui dort en l’écoutant. Au début de ma rue, au tournant, on tombe sur le Hajj, boutiquier futé qui cache sous sa chaise son argent dans un sac en papier blanc qu’on lui vole régulièrement. Plus loin, derrière une lourde porte en fer dentelée, une couturière qui coud tout ce qui est décousu. À droite, un vendeur de poissons fraîchement péchés, mais déjà morts et qu’il ne faut surtout pas réveiller. À gauche, au cinquième étage, la voisine qui a depuis trois ans étendu sur la rampe de son balcon un tapis aux couleurs imprécises qui n’a pas encore séché. Sur une corde, elle a attaché une serviette usée avec trois pinces à linge de trois couleurs différentes pour l’empêcher de prendre le large avec le premier vent qui passe, celui-la même qui n’arrive pas à sécher le tapis. Une autre voisine, un balcon plus loin, est tranquille pour son armoire rouge car en plastique et embelli par un patchwork de papier adhésif à plusieurs raccords qui a résisté à la même pluie qui revient tous les hivers depuis 10 ans. Ma ruelle est la plus belle, mais c’est triste pour moi et embêtant pour les passants et les voisins, car depuis trois longs mois elle est transformée en ruisseau d’eau douce. Pour la traverser, semelles, chaussures et chevilles sont à essorer. À signaler Raymond, le second boutiquier, célèbre lui par ses « ’Ahla wa Sahla » (qui ne l’ont pas empêché d’être lui aussi délesté de son argent, une fois l’an), qui a érigé un barrage en carton dur près de son trottoir afin de détourner les eaux de Beyrouth vers la plus proche bouche d’égout. A-t-on prévenu un responsable ? Sinon rendez-vous à tous les intéressés, les curieux, les ingénieurs d’Achrafieh, rue Albert Naccache, afin d’évaluer les dégâts, de dépister la fuite et de constater que même inondée par pluie et beau temps, ma ruelle demeure la plus belle. Frida DEBBANÉ
Ma ruelle est la plus belle.
Mon balcon aussi est le plus beau, parce qu’il est le seul à avoir des petits pots de fuchsia, un canari qui chante et un chat qui dort en
l’écoutant.
Au début de ma rue, au tournant, on tombe sur le Hajj, boutiquier futé qui cache sous sa chaise son argent dans un sac en papier blanc qu’on lui vole régulièrement. Plus loin, derrière une...