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Actualités - OPINION

« La sœur de l’émir chez les impressionnistes »

Par Philippe de Saint Robert À la une du « Figaro littéraire » de la livraison du 3 janvier, un article de Philippe de Saint Robert sur le récent ouvrage de notre consœur Carole Dagher, « La Princesse des Batignolles », intitulé « La sœur de l’émir chez les impressionnistes » que nous reproduisons ci-dessous. Carole Dagher est une romancière-née. L’art du récit, des descriptions, des personnages à travers toute une vie atteste d’une nature romanesque qui a la passion de projeter sur le présent l’exploration du passé, ici du passé d’un peuple, celui du Mont-Liban, toujours aux prises avec cette obstination de survivre que l’auteur, dans La Princesse des Batignolles, dépeint dans la période qui va voir la chute de l’Empire ottoman. Cet ouvrage fait suite au Couvent de la lune et au Seigneur de la soie (*) et clôt une saga historique habilement menée à travers quelques destins tragiques. Cette fois, toute l’intrigue est menée autour de l’énigme d’un tableau volé. Marina Chéhab, toute sa vie, aura deux maris, ce qui est audacieux dans le contexte historique où nous sommes. Le premier est peintre ; il est l’auteur du tableau volé, qui la représente. Le second est un diplomate français épousé au Caire. Le frère de Marina, l’émir Mikaël Chéhab, se métamorphose peu à peu en meneur nationaliste, vite considéré comme un dangereux dissident. Toutes ces vies s’enchevêtrent en un constant mélange de bonheurs et de drames, jusqu’à l’établissement du mandat français sur l’ensemble syro-libanais, qui apparaît alors comme une délivrance et suscite encore quelque nostalgie, du moins chez l’auteur. Ce destin particulier d’une princesse orientale, douée pour les arts, commence à Paris en 1874 dans le cercle des impressionnistes où elle engage une carrière brillante aux côtés de son premier mari, de Monet, de Cézanne, de Renoir, de Berthe Morisot… « Ils sont trente indépendants dont une femme. On dirait qu’ils s’amusent. Leur peinture a un air tremblé, presque enfantin. Ils font éclater les lignes, étalent la nature sur leurs toiles aux contours mal définis… » Marina va se joindre à eux, développer son talent, peindre des visages qui vont choquer l’intégrisme ottoman, dont la raison, à cet égard, reste mystérieuse : « Elle quittait l’ancien monde pour le voisinage des boulevards haussmanniens, ce Paris des impressionnistes qui ouvraient la voie de l’avenir. Il lui semblait que son frère s’accrochait inutilement au passé. » Ce qui étonnera le lecteur chez Carole Dagher, c’est son exceptionnelle connaissance du Paris de l’époque et du milieu artistique en particulier. Nous sommes dans un déploiement d’érudition qui nous éblouit sans se faire pesant ; nous savons tout des amitiés, des mœurs, de la vie de ces peintres d’après le second Empire, dont la révolution artistique nous bouleverse encore. De même qu’à la lire nous savons tout – ou presque – sur les tractations diplomatiques qui vont aboutir au démantèlement de l’Empire ottoman, et les habituelles roueries de l’Angleterre aux dépens de la France. Nous ne serons pas surpris du rôle que joue l’émira Marina Chéhab lorsqu’elle rencontre et sermonne Clemenceau chez Monet à Giverny. Dire que La Princesse des Batignolles (**) se lit comme un roman serait une tautologie, puisque c’en est un. Mais on y trouve, sur le plan du vocabulaire, une grande maîtrise de notre langue – fréquente, certes, chez les écrivains libanais qui en usent, mais qui ici a une force et un naturel saisissants. * Plon 2002 et 2004. ** « La Princesse des Batignolles » de Carole Dagher. Éditions du Rocher, 461p., 19 euros.
Par Philippe de Saint Robert

À la une du « Figaro littéraire » de la livraison du 3 janvier, un article de Philippe de Saint Robert sur le récent ouvrage de notre consœur Carole Dagher, « La Princesse des Batignolles », intitulé « La sœur de l’émir chez les impressionnistes » que nous reproduisons ci-dessous.

Carole Dagher est une romancière-née. L’art du...