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Actualités - ANALYSE

la situation La feuille de route arabe s’embourbe dans les dédales des clivages politiques

Tout le monde était pourtant d’accord. C’est ce que le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, excédé, avait lancé fin décembre à la presse, avant d’affirmer qu’il désirait savoir « qui bloque » et « pourquoi ». Hier, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a dû se poser la même question. Si véritablement, et comme l’ont confirmé à plusieurs reprises des sources diplomatiques informées, le document du Caire a été taillé, ciselé sous l’égide, entre autres, des chefs de la diplomatie saoudienne et syrienne, si tous ont réellement donné leur aval à la feuille de route « historique » de la Ligue arabe, alors d’où provient ce pernicieux blocage? Le document est « clair » et n’a pas besoin d’être explicité, a souligné Amr Moussa hier, sur le perron de Bkerké. La mission du secrétaire général n’est donc pas d’expliquer les trois points du document, mais bien de mettre en avant désormais la manière de l’appliquer concrètement, sur le terrain miné de la politique locale. Or, si le consensus prévaut toujours sur la personne du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, majorité et opposition continuent d’être en désaccord sur le mécanisme qu’il faudra adopter pour le conduire à Baabda. La majorité de son côté semble avaliser le document du Caire, dans ses moindres détails, et acquièsce sur le caractère prioritaire et urgent de l’élection présidentielle. L’opposition remet quant à elle sur le tapis la question du package-deal, en accordant une attention spéciale au partage des portefeuilles ministériels. Car même si Amr Moussa a martelé hier que sa mission « ne consiste pas à distribuer les portefeuilles ministériels », il n’en reste pas moins que le numéro deux du Hezbollah, Naïm Kassem, a fait savoir que les discussions actuelles sont axées « loin des médias » sur « le nombre de portefeuilles » qui sera accordé à chacun des deux camps. Difficile de voir dans cette attitude une volonté de faire fructifier l’initiative arabe. La mission Moussa est-elle une fois de plus condamnée à l’échec? D’ailleurs, pourquoi la Ligue arabe réussirait-elle là où la diplomatie française n’a pas réussi ? Partage des portefeuilles : l’opposition réclame la formule 10+10+10, alors que le général Michel Aoun a soumis à M. Moussa l’équation 14+11+5. Toutefois, et de source bien informée, les diplomates arabes étaient tombés d’accord dimanche dernier sur la formule 14+10+6 même si cela n’avait pas été annoncé explicitement à la presse. Cette formule aurait – aussi étrange que cela puisse paraître – été validée par tous les chefs de diplomatie, y compris Walid Moallem, alors contacté au téléphone par le prince Saoud el-Fayçal. Là où les choses se compliquent encore plus, c’est lorsque Walid Moallem déclare que la Syrie « ne se résoudra pas à sacrifier ses intérêts afin de permettre la réussite du sommet arabe ». Ces propos sont venus répondre à une déclaration de Ahmad Aboul Gheit qui avait indiqué que « le succès du sommet arabe dépend de la manière dont se dérouleront les élections présidentielles libanaises », comme l’a souligné notre correspondant diplomatique Khalil Fleyhane. De plus, et au-delà du simple partage de portefeuilles, c’est en insufflant une nouvelle dynamique à la présidence de la République que l’initiative arabe est réellement surprenante et « historique ». « Si cette proposition avait émané de la France ou des États-Unis, elle aurait été moins solide, moins convaincante pour les différentes parties. Cette proposition est aujourd’hui en quelque sorte “légitimisée” du fait qu’elle émane des Arabes », souligne à cet égard un parlementaire du 14 Mars. Ce renforcement des prérogatives du président de la République vient toutefois contredire l’esprit du texte de Taëf et les circonstances dans lesquelles il a été rédigé. L’amendement constitutionnel de 1990 a surtout consacré dans les textes un rééquilibrage des forces au profit de la communauté sunnite. Difficile de croire aujourd’hui – alors que le Liban a évité à plusieurs reprises et de justesse une discorde sunnito-chiite latente et que la communauté chrétienne est plus que jamais divisée – que les forces régionales, Syrie comprise, vont se résoudre à renflouer les prérogatives de la magistrature suprême. Michel Sleimane, pour peu qu’il soit élu un jour, pourra jouer un véritable rôle d’arbitre et les ministres qui lui sont affiliés seront en mesure de faire pencher la balance en faveur d’un camp ou de l’autre. Un schéma idyllique en somme qui détonne singulièrement avec les divers incidents sécuritaires qui se sont produits récemment, ainsi qu’avec la fermeture de la frontière libano-syrienne de Abboudiyé par Damas hier. La séance parlementaire de samedi serait à cet égard bel et bien compromise et son report ne serait plus qu’une formalité, la décision ayant vraisemblablement été prise, d’autant que la rencontre Moussa-Nasrallah ne s’est soldée hier soir par aucune avancée. Le secrétaire général du Hezbollah aurait en effet déclaré à M. Moussa que seul Michel Aoun était habilité à négocier au nom de l’opposition. Lélia MEZHER
Tout le monde était pourtant d’accord. C’est ce que le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, excédé, avait lancé fin décembre à la presse, avant d’affirmer qu’il désirait savoir « qui bloque » et « pourquoi ». Hier, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a dû se poser la même question. Si véritablement, et comme l’ont...