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Actualités - CHRONOLOGIE

PORTRAIT D’ARTISTE - Du judo à la danse Que la fête continue pour Patrick Dupond

« Que la fête continue… » C’est en ces termes, solennellement festifs, que se clôt le livre autobiographique Étoile (éditions Fayard) de Patrick Dupond, vendu à plus d’un demi-million d’exemplaires. Curieuse phrase quand on sait la lueur vacillante du danseur étoile de l’Opéra national de Paris, avec un incroyable cycle de revers, comme un sinistre conte noir, depuis son malencontreux accident de circulation en l’an 2000. Du courage, de la détermination, de la volonté pour ce battant qui, à dix-sept ans, fut sacré, en 1976, aux Olympiades de Varna, en Bulgarie, comme le meilleur danseur au monde. Flash-back sur le parcours, exceptionnel mais hectique, d’un artiste récemment hospitalisé suite à l’incendie de sa maison à Guainville, près de Dreux. Un parcours qui a atteint d’enviables cimes de gloire, mais aussi de tristes éclipses où adversités et forces contraires du destin ont leur mot à dire et un rôle à jouer… Né le 14 mars 1959, privé de la présence de son père qui a déserté le domicile conjugal, Patrick Dupond a très vite compris que la rue était son meilleur moyen d’évasion et de consolation… Trop-plein d’énergie d’un enfant turbulent que sa mère canalise en l’inscrivant dans un club de football et de judo. Mais… Il y a toujours un « mais » avec cet insoumis, ce rebelle au goût marqué par les belles ballerines s’exerçant aux barres devant des miroirs interminables… Et l’éblouissement ne tarde pas à venir : coup de foudre irrévocable devant un spectacle de ballet classique ! Coup de foudre, mais aussi coup de tête pour le futur danseur qui sera aussi bien directeur de danse de l’Opéra national de Paris (de 1990 à 1995) ainsi que directeur artistique du Ballet français de Nancy (1988), sans oublier les lauriers d’une prestigieuse carrière internationale qui le mènera outre-Atlantique. Consécration internationale et accident grave Après sa rencontre en 1967 avec Tessa Beaumont, formation à part entière avec Max Bozzoni qui sera son mentor, son père spirituel, son entraîneur mais aussi celui qui sera là quand un grave accident de route le terrassera et le privera de ses ressources corporelles… Talent, force de la nature, tempérament et présence scéniques sont vite repérés chez ce jeune homme au physique avantageux, malgré un « petit ventre » et une corpulence plus proche des rugbymen que de la grâce éthérée des Siegfried tenant la main et les hanches des belles au bois dormant… À l’époque, malgré les succès fulgurants de certains danseurs, il était toujours mal vu qu’un jeune homme fasse le grand écart ou des pirouettes, même étourdissantes… Patrick Dupond va fracasser ces tabous ridicules et imposer une virilité qui ne s’embarrasse pas du qu’en dira-t-on populaire fortement ancré dans des esprits frileux ou sclérosés de conservatisme suffisant… Un corps d’athlète est aussi un corps de danseur. À seize ans, il est quadrille stagiaire à l’Opéra national de Paris. Poste convoité, mais forcément insuffisant pour les ambitions du sémillant danseur…. Tout en se faisant remarquer pour son indiscipline et son insubordination, il ne manque pas d’attirer les regards et l’attention. Il travaillera sous la férule de grands professeurs, tels Daniel Franck, Michel Renault, Gilbert Mayer. Pris en charge par Claude Bessy, il côtoiera à son école de danse Maurice Bejart, Michel Denard, Cyril Atanassof, Vladimir Vassiliev, Barychnikov et Roland Petit. Il dansera pour Rudolf Noureïev (dont il vit avec émerveillement Le lac de Cygnes avec Dame Margot Fonteyn), Alvin Ailey, John Neumeir, Youri Grigorovitch, Twyla Tharp. De la danse classique avec sauts et bonds périlleux aux contorsions de la gestuelle contemporaine, Patrick Dupond avait la même rigueur, la même conscience professionnelle, le même élan pour le labeur et le beau. Son nom rivalise avec les plus grands de la danse et il donnera la réplique à Noëlle Pontois, Monique Loudières, Sylvie Guilhem, Isabelle Guerin et M.C. Pietragalla. Coqueluche de ces dames, son charme et son talent lui valent tous les applaudissements du public, et la presse ne manque pas de lui jeter force fleurs… Mais brusquement, la roue tourne mal. Depuis cet incident du Festival de Cannes où il s’absente pendant trois jours de l’opéra. Licencié, il se tourne vers le tribunal et sa requête est rejetée par les prud’hommes. Mais un malheur n’arrive jamais seul, et voilà qu’un accident de circulation aggrave la situation. Réhabilitation et rééducation (avec l’ami de toujours, Max Bozzoni), cependant la danse n’est plus ce qu’elle était et le public n’a plus le même regard. Malgré une comédie musicale en 2001, la gloire ne sourit plus à Patrick Dupond de la même façon qu’autrefois. Cinq ans d’enfer, cinq ans de galère. Écrire ses Mémoires, enseigner la danse, être membre du jury télévisé, Incroyable talent, sont certes des orientations nouvelles dans la vie de ce danseur de moins de cinquante ans, en lutte aujourd’hui avec son image de marque, le déclin de sa carrière et les performances d’un corps rudoyé par les impondérables de la vie. Mais Patrick Dupond, féru de Chopin, Beethoven et Mozart, se définissant volontiers comme un acteur qui danse, a fait le pari de toujours gagner… Il est vrai, les étoiles ont une lumière qui ne s’éteint pas… Edgar DAVIDIAN

« Que la fête continue… » C’est en ces termes, solennellement festifs, que se clôt le livre autobiographique Étoile (éditions Fayard) de Patrick Dupond, vendu à plus d’un demi-million d’exemplaires. Curieuse phrase quand on sait la lueur vacillante du danseur étoile de l’Opéra national de Paris, avec un incroyable cycle de revers, comme un sinistre conte noir,...