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Actualités - OPINION

Impression Intraterrestres

Le fait est désormais établi qu’il existe, à grossièrement parler, deux peuples différents sur la terre du Liban. Deux peuples siamois, collés au corps, séparés à la tête. Quand on pense qu’une sorte d’incompatibilité affective et culturelle pousse l’un à s’élancer vers l’Est et l’autre vers l’Ouest, avec seulement deux jambes pour deux, forcément, chacun trébuche entraînant l’autre dans sa chute. Comment faire alors ? Seules deux lois peuvent résoudre cette quadrature : la force ou la raison. Qui est le plus fort ? À observer cet éternel match nul avec ses zéros partout, il est clair qu’aucune des deux parties n’a encore réussi à imposer son point de vue. Individualiste, frondeur et libéral, le Libanais aime bien les icônes viriles auxquelles il s’identifie, mais ne supporte ni répression ni soumission. Nul n’a jamais su mettre au pas ce peuple qui a du mal à coordonner sa démarche : ni le mandat français, ni le régime des milices, ni la tutelle syrienne. Un jour ou l’autre, après avoir joué l’obéissance par intérêt, il se révolte par amour-propre. Reste la raison. En cette fin de saison festive, touristique par excellence, tous les indicateurs économiques sont miraculeusement au vert. Les plus pessimistes interprètent ce phénomène comme une bulle qui aura tôt fait de crever. C’est un hasard du calendrier, disent-ils. Une coïncidence des fêtes chrétienne et musulmane, qui surviennent cette année en même temps. Peut-être aussi l’usure du discours politique qui n’impressionne plus personne en l’absence d’une authentique colère de la rue. Provisoirement repu, l’estomac unique des remuants siamois ne gronde plus. Faut-il croire que le cœur suit la tendance et bat soudain à l’unisson du double organisme, au mépris de la résistance que croient encore exercer les deux cerveaux ? L’humanité n’a jamais su réussir la symbiose des cultures. Cet échec n’est pas une spécificité libanaise. La différence a toujours secrété de la peur, et la peur, de la violence. Peut-on cependant avoir peur de sa propre substance ? Le Liban s’est construit, on ne le répétera jamais assez, sur la volonté de vivre ensemble d’un ramassis de refoulés de tous horizons. Dans les gènes de chacun d’entre nous est inscrit le souvenir d’une oppression, d’une douleur lancinante survenue dans l’histoire et qu’une nouvelle histoire réveille. Pour autant, d’avoir connu un jour, sur ces bords bénis, la sérénité qu’apporte l’acceptation de l’autre, notre ADN est marqué d’une expérience du bonheur après laquelle il se languit. À chercher son salut hors de sa terre, chacun est devenu pour l’autre un extraterrestre. Que ne retrouvons-nous, dans l’histoire qui nous est commune, ce paradis perdu dont nous fûmes les intraterrestres, et dont l’un de nous a avalé la clé ! Fifi ABOU DIB
Le fait est désormais établi qu’il existe, à grossièrement parler, deux peuples différents sur la terre du Liban. Deux peuples siamois, collés au corps, séparés à la tête. Quand on pense qu’une sorte d’incompatibilité affective et culturelle pousse l’un à s’élancer vers l’Est et l’autre vers l’Ouest, avec seulement deux jambes pour deux, forcément, chacun...