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CORRESPONDANCE - « Plumages resplendissants et yeux perçants » La peinture Edo dans toute sa splendeur à la Sackler Gallery

WASHINGTON, d'Irène MOSALLI Lorsque le Japon s’était sciemment coupé du reste du monde (1615-1868), sauf de la Chine et de la Hollande, sa créativité artistique a connu une prospérité très diversifiée. Cette période, nommée Edo, était l’âge d’or des mécènes – riches marchands et seigneurs – féodaux, des samouraïs, du kabuki, de Hokusai et de ses estampes aux paysages exotiques et colorés (ukiyo-e) qui inspirèrent en leur temps Degas, Émile Gallé et même Van Gogh. Aujourd’hui, on peut admirer un très large éventail de cette production à travers une exposition qui se tient à la Sackler Gallery à Washington sous le titre « Plumages éblouissants et yeux perçants ». Au total, plus de cent chefs-d’œuvre qui, comme le titre l’indique, donnent la part belle au monde animal. Et, ici, son approche est nouvelle. Les peintres passent outre l’aspect symbolique et allégorique des différentes espèces et s’intéressent davantage à leur morphologie et à leur comportement. Ils tracent avec minutie leurs plumages, leurs pelages, leurs expressions, leurs attitudes, mettant ainsi en relief toute la beauté dont la nature les a dotés. Leur univers, figé jusqu’ici dans les mythes et les légendes, s’anime de sa propre vie. Les paysages aussi perdent de leur distance, alors qu’ils étaient perçus comme des émanations des divinités. Le souffle de la faune et de la flore dégage une certaine familiarité. L’un des grands noms de ce courant est Ito Jakuchu (1713-1800), un peintre visionnaire qui a donné naissance à une expression picturale originale qui mêle étrangement naturalisme et fantastique. Son style bien singulier ne cesse d’intriguer. Ses peintures d’animaux et de plantes, dans lesquelles il excellait, semblent décomposées en petits carrés, un peu comme des mosaïques ou des pixels sur un écran de télévision. Des images de synthèse avant l’heure. La plus importante collection privée Aujourd’hui encore, on ignore pourquoi Jakuchu a peint de cette manière. On suppose que ces œuvres servaient d’esquisses pour le tissage de kimonos, indiquant ainsi où placer les couleurs. Sans le savoir, il s’était dirigé sur les routes de l’informatique. Une coïncidence qui n’a pas échappé à Norihiro Hirayama, l’enfant prodige de la création graphique sur ordinateur et designer surdoué pour qui la technologie numérique est une seconde nature. Les moments forts de l’exposition portent sur les images suivantes : les tigres aux yeux exorbités et fourbes, mais au poil magnifique, le coq en mouvement, la grande mosaïque sur paravent de l’éléphant blanc. Immaculés aussi, les paysages calmes ou perturbés par la neige. Tout cela est interprété sur toiles, écran, paravents et rouleaux, formant la plus importante collection privée d’art japonais Edo dans le monde. Elle avait été constituée par Joe Price, ingénieur de formation, qui, dans les années 50, avait été familiarisé à ce genre par le célèbre architecte américain Frank Lloyd Wright. La première acquisition de Price était signée Ito Jakuchu et s’intitulait Vigne. Et, de coup de cœur en coup de cœur, il s’est retrouvé avec une collection de 200 chefs-d’œuvre du pays du Soleil-Levant, qu’il a en définitive offerte à la Freer Gallery, qui opère en coopération avec la Sackler Gallery. À noter que l’accrochage s’est fait de la manière dont Price aimait regarder ces peintures : à la lumière naturelle. Ce qui est généralement difficile à réaliser dans un musée. Néanmoins, pour respecter cette vision des choses, la Sackler a utilisé, dans l’une des salles, un éclairage spécial qui reproduit les différents moments de la journée. Et ainsi les visiteurs peuvent admirer les créations Edo, comme aimait à le faire le mécène.
WASHINGTON, d'Irène MOSALLI

Lorsque le Japon s’était sciemment coupé du reste du monde (1615-1868), sauf de la Chine et de la Hollande, sa créativité artistique a connu une prospérité très diversifiée. Cette période, nommée Edo, était l’âge d’or des mécènes – riches marchands et seigneurs – féodaux, des samouraïs, du kabuki, de Hokusai et de ses estampes...