Qu’est-ce qu’un Libanais ?

Existe-t-il une ethnie libanaise ? Sommes-nous des Arabes ? Qu’est-ce qu’un Arabe ? Si nous n’étions que des Arabes, alors nous n’existons que depuis le VIIIe siècle. Et nous devons oublier que les Francs et d’autres sont venus se mêler à nous. Si nous n’étions que des Arabes, quelle place pour nos Arméniens ? Quel point commun avons-nous avec les Arabes d’Arabie saoudite ou ceux du Soudan ? Moins qu’avec les Français, il me semble. Et puis, à qui devons-nous notre territoire si joliment dessiné, à la France ou à la Syrie ? Lorsque je regarde mes enfants avec leurs longs cils, leurs yeux immenses et leur regard si profond et intense, je ne peux m’empêcher de penser à nos ancêtres phéniciens qui nous renvoient à un passé si lointain, si riche et si convoité. Trois fois plus de Libanais vivent en dehors du Liban qu’au Liban, dispersés dans le monde entier, et leur sang se mêle à tant de nations, à l’image de ces Phéniciens déjà partout dans le monde, répandus jusqu’aux Amériques. C’est par là que notre passé s’est forgé ; c’est aussi notre présent et cela restera notre futur. Le Liban est une terre d’asile et d’exil. Il n’est qu’une chose qui dépende réellement de nous : notre avenir et notre volonté de vivre ensemble. Et puisque tout cela tourne autour d’un confessionnalisme impossible aujourd’hui, nous devrions nous en débarrasser. Les religions, censées nous relier entre nous et avec Dieu, ne servent, pour l’heure, qu’à nous diviser. Alors qu’elles ont tant d’aspects similaires si nous oublions leurs empiètements sur le temporel. Imaginons que nous fassions le carême et le ramadan ensemble, et que l’argent du repas de midi économisé serve à alimenter un fonds social pour les plus pauvres d’entre nous sans distinction de confession. Cela nous unirait et nous rapprocherait. Cependant, le féodalisme, le clanisme et l’argent participent aussi à notre division et à la corruption. La corruption : un des points que nous avons en commun avec la Syrie... Un Libanais serait un polyglotte méditerranéen (arabophone et francophone essentiellement), monothéiste (chrétien et musulman, plutôt que chrétien ou musulman) vivant sous la future Constitution laïque libanaise. Une Constitution déclarant inconstitutionnelle toute candidature à quelque poste politique des anciens et nouveaux chefs de guerre, et de leur parti. Nous avons donc un passé commun (confus, multiple, complexe et mêlé), un territoire (grâce à la France) et un avenir (probable) : c’est une nation compliquée, mais une nation quand même. Et nous sommes tous des Libanais. Nicolas ZAHAR