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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Chadi Zeineddine signe « Falling from Earth » Le portrait d’un jeune réalisateur-artiste

Attention, talent. Chadi Zeineddine s’apprête à s’envoler pour le grand monde du 7e art. C’est un saut dans l’inconnu pour le jeune réalisateur, dont le long-métrage «Falling from Earth» (avec les acteurs Rafic Ali Ahmad et Carmen Lebbos) sera en compétition au Festival de Rotterdam puis à celui de New York. Après avoir foulé le tapis rouge du Festival du film de Dubaï, le jeune cinéaste jubile car son film fait son chemin sur les écrans internationaux. Avant une sortie prévue en février à Beyrouth. Chadi Zeineddine n’a pas attendu d’avoir trois millions de dollars pour faire son film. Non. Sa fougue, son énergie et son enthousiasme, il ne les a pas dépensés en frappant aux portes des producteurs. Il n’a pas non plus répondu à l’appel, ô combien tentant (et lucratif !), des vidéoclips et autres films publicitaires. Après avoir achevé ses études de cinéma (LAU et Sorbonne), le jeune passionné s’est jeté dans la mare, tout seul comme un grand. Il a écrit son scénario, rallié quelques amis à sa cause et pris sa caméra pour entamer illico presto le tournage. Pour faire un cinéma authentique, plus dans la marge, mais sincère. Après trois ans de tournage, le voilà donc récoltant les fruits de sa témérité. Ce laps de temps relativement conséquent lui a permis de peaufiner son long-métrage en gommant les possibles erreurs et de penser sa réalisation longtemps en amont. Ainsi, il s’est sécurisé, a récolté des fonds au fur et à mesure et n’a pas subi les aléas des premières fois. Son impeccable tenue et son allure d’intello pourraient passer pour de la prétention ; son teint hâlé pour du bronzage artificiel ; et ses Director’s Statement pour de la mégalomanie. Il n’en est rien. Chadi Zeineddine a une classe naturelle et sincère. Ses déclarations se succèdent comme les pages d’un carnet secret, devenu public. Il y consigne – avec un sens de l’ironie aiguisé – ses angoisses, ses doutes, ses interrogations, ses rêves, ses peines et ses joies... Le regard des autres. Le besoin d’une reconnaissance publique. Les échecs. L’envie. Les envies. De changer le monde. L’ambition. D’emblée, on se fait de lui le portrait d’un jeune homme romantique, le portrait d’un jeune homme artiste. Avec tout ce que cela implique pour y parvenir. Les transformations, les réflexions sur le monde qui nous entoure. « Être artiste, c’est voir le monde et être vu par le monde », dit-il. Observer, voir, entendre ce qui nous entoure. Emmagasiner le plus d’émotions. Les vraies. Les dures, comme les bonnes. Vivre et sentir. Et en sortir une œuvre. Une œuvre personnelle, subjective, intéressante, parce qu’elle est le résultat d’un travail intime et profond d’un homme. Beyrouth, encore et toujours Son inspiration, le réalisateur la puise dans Beyrouth. Dans Falling from Earth, il brosse un portrait à 5 visages. Non seulement celui des quatre personnages principaux, mais aussi celui d’un pays et d’une époque. Explications. « Le film aborde l’histoire de quatre personnes et leur rapport avec Beyrouth. Elles vivent un état de guerre intérieure dans la guerre réelle qui dévaste le pays. Les histoires sont différentes. La première est celle de l’acteur Rafic Ali Ahmad (Youssef), qui a décidé de son plein gré de vivre dans un espace détruit. Ce lieu dévasté nous rappelle Beyrouth. Et parce que j’aime cette ville avec toutes ses imperfections, j’essaye, avec ma caméra, de montrer cet endroit de prime abord hostile sous son plus beau jour. »Les trois autres histoires se déroulent dans ce même abri délabré, mais à des époques différentes. « Le film est épuré de paroles, ajoute le jeune réalisateur. À peu près 15 minutes seulement sont dialoguées. Je laisse la place aux émotions vives. C’est pourquoi nous avons essayé de mettre en évidence la guerre intérieure que les personnages vivaient, plutôt que l’état réel de guerre qui ravageait le pays. » Et d’ajouter : « Les personnages ne se rencontrent jamais dans le film, puisque chaque histoire diffère de l’autre. Le noyau de l’histoire réside dans le fait que Youssef, qui vit dans cet endroit très spécial, rassemble des photos diverses, des mémoires, qui forment le paysage de sa chambre. Il a collecté ces photos tout au long de sa vie, beaucoup d’entre elles sont les seules traces laissées par les gens qui se sont enfuis pendant la guerre. Trois de ces images sont celles des histoires que nous suivrons, faisant de ce fait la seule liaison existant entre les personnages. L’espace est le lien unique qui les relie. » Rafic Ali Ahmad témoigne, quant à lui, que lorsque « Chadi m’a demandé de travailler avec lui sur ce film, je n’ai pas eu à lire le scénario, vu qu’il avait déjà tourné les histoires précédentes. Seule mon histoire qui connecte les autres à travers mon caractère n’avait pas été encore tournée. Quand je l’ai rencontré pour la première fois, il m’a dit : “ J’aimerais bien te parler pour te connaître un peu plus. J’ai ce rôle à te proposer. ” On a discuté environ 30 minutes et j’ai immédiatement accepté de jouer ce rôle, vu la manière dont Chadi l’a introduite. J’ai vu en lui un véritable cinéaste, donc je n’ai même plus lu le scénario. Ma perception de Chadi s’est réaffirmée quand nous avons commencé à travailler ensemble. J’ai trouvé qu’il était sûr de lui et avait un langage et une perception cinématographiques propres à lui. »  Boulimique de la vie Le jeune cinéaste est intelligent. Pour un premier film, il présente une ambition relative qui lui permet de maîtriser son long-métrage du début à la fin. Il connaît les dangers correspondant aux premiers films et préfère jouer sur un contexte où les personnages et les lieux sont peu nombreux. « Maints réalisateurs commencent leur carrière avec un appétit trop gourmand et, finalement, se perdent en route faute d’expérience et de maîtrise suffisantes », dit-il avec lucidité. Zeineddine tient à rester modeste et mettre toutes les chances de son côté, sans présenter une posture trop imposante aux aléas et imprévus du tournage. Nourri aux influences de cinéastes divers comme De Palma, Pasolini, Wong-kar Wai, Paradjanov. Boulimique, voilà un qualificatif qui collerait bien à ce jeune cinéaste. Dans ses tiroirs, un fouillis d’idées et de projets plus ou moins aboutis, dont certains attendent de voir le jour. Dans le lot, on citera un long-métrage intitulé Ibrahim, le dernier des conteurs, premier volet d’une trilogie qui nous mènera aux quatre coins du monde des conteurs. Un autre trait de caractère: la claustrophobie. On voit bien que Chadi n’est pas le meilleur ami de l’enfermement, dans son quotidien comme dans son métier. Alors, il papillonne, expérimente et presse son imagination jusqu’à la limite du surréalisme. Celui que les copains surnomment désormais « The Director » reconnaît tout de même qu’il a des points à développer. « Mais j’ai l’excuse du premier long-métrage » confesse-t-il. Il n’empêche que pour un premier, Zeineddine savait exactement ce qu’il voulait et a fini par l’avoir. Le scénario, le casting, quelques moyens… et suffisamment de foi pour croire qu’en trois ans de tournage, il réussira à faire de sa vague blanche un bel objet. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Maya GHANDOUR HERT
Attention, talent. Chadi Zeineddine s’apprête à s’envoler pour le grand monde du 7e art. C’est un saut dans l’inconnu pour le jeune réalisateur, dont le long-métrage «Falling from Earth» (avec les acteurs Rafic Ali Ahmad et Carmen Lebbos) sera en compétition au Festival de Rotterdam puis à celui de New York. Après avoir foulé le tapis rouge du Festival du film de...