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Actualités - CHRONOLOGIE

ANNIVERSAIRE - Une librairie qui fait partie des piliers culturels libanais Antoine, la réussite et la continuité

Pour ses soixante-quinze printemps, Antoine se refait une jeunesse. Nouveau look, plus « décoiffé », des couleurs plus définies, un discours certes mûri, mais internationalisé et mis au goût du jour, une culture diversifiée… Et une signature dynamisée qui se contente d’une lettre en majuscule et un point. Pour une librairie, c’est un gage de réussite. Pour la Librairie Antoine, c’est un signe de continuité. Soixante-quinze ans et toute sa mémoire. L’énergie est intacte, l’âme d’Antoine Naufal habite encore chacun des 10 points de vente et des livres présentés à un public devenu de plus en plus exigeant. Un anniversaire de diamant, ça se célèbre. L’occasion de se rappeler, de s’enorgueillir du destin d’un magasin d’une trentaine de mètres carrés qui est vite devenu une institution. Et de lui souhaiter le meilleur… Un beau roman L’histoire débute donc en 1933. Le héros, Antoine Naufal, jeune employé de 21 ans, qui travaille à la Librairie du Foyer, décide, avec un capital dérisoire, de voler de ses propres ailes. Il inaugure alors sa première librairie face au Grand théâtre, en plein cœur du centre-ville. L’espace exigu portera son prénom. L’homme a du flair. Et des frères, Pierre et Émile, qui vont se joindre à lui. Ensemble, ils vont agrandir la librairie de quelque 300 m2 en sous-sol. Dans les années 40, ils s’installent à Bab Idriss. Les tâches alors sont clairement définies : Pierre est en charge de la librairie « classique », située dans l’immeuble Lazarieh, qui est essentiellement scolaire, Antoine et Émile s’occupent de littérature générale et de presse. Le succès aidant, la librairie, qui se transforme en véritable institution culturelle, continue son expansion. Les Messageries du Moyen-Orient, société de distribution de presse et de livres français, est fondée par les Naufal en 1968. Quelques années plus tard, en 1970, ces derniers s’associent à la Levant Distributors, fondée en 1950 par Marco Hazan, pour couvrir la presse et le livre de langue anglaise. Un lieu de rencontre Un troisième point de vente est créé dans les années 60 au centre Starco, alors symbole de modernité. Dans un même souci d’être présents partout et au-devant de la scène, Antoine prend en 1971 ses quartiers rue Hamra. « C’était une des plus belles librairies au monde et des plus contemporaines, se souvient Sami Naufal, son PDG actuel. Les hommes et femmes de bonne société avaient leur casier chez nous, où on leur réservait la presse. » Tous les journalistes et les intellectuels s’y croisaient, avant de se retrouver à l’Express ou au Horseshoe. Puis vint la guerre de 1975. Guerre également culturelle, une insulte aux bien-pensants, les locaux de Bab Idriss et du centre-ville sont incendiés. La ville se fissure. « Il a fallu s’adapter. Nous avons progressivement ouvert à Sin el-Fil (1976), Achrafieh (1977), ABC Dbayé (1983), Baabda (1994), Métro Supermarket (1997), Centre Dunes (1998), Tripoli (1999), ABC Achrafieh (2003) et, enfin, sur le campus de l’AUB en 2007. Parallèlement, en 1995, nous nous sommes embarqués dans un programme ambitieux d’édition pour être présents dans tous les domaines du livre. Notre objectif a toujours été d’associer notre nom à la culture. Lui donner une adresse, un slogan. L’ambition d’Antoine, qui était un homme généreux et travailleur, était d’être le premier dans son domaine. Il a pris beaucoup de risques pour développer le sens de la lecture chez le Libanais et attirer une clientèle diversifiée, qui ne soit pas exclusivement francophone. » Pour mener cette mission à bon port, les tâches n’ont pas toujours été faciles. Assurer le courrier par bateau, de Chypre, quand l’aéroport est inaccessible ; fournir les livres scolaires à la rentrée qu’il pleuve, qu’il vente ou que les combats fassent rage ; continuer à donner aux gens l’envie et les moyens de lire, c’était un même combat quotidien. « Nous essayons de donner au Libanais le goût de la lecture en organisant des événements, des signatures, en sponsorisant des pièces de théâtre et en éditant des auteurs locaux. Nous faisons tout ce qu’il faut pour maintenir notre passion pour ce métier, dans un climat qui est rarement propice, et continuer à poursuivre l’excellence, même si l’on ne peut et l’on ne doit sans doute jamais l’atteindre. » « Mon regret, conclut Sami Naufal interrogé au sujet de la cherté du livre, est de constater que de nombreuses personnes regardent encore le livre comme un simple objet et non un objet qui a une âme, une vie, ayant nécessité de nombreuses années de travail, voire de souffrances. »   Carla HENOUD
Pour ses soixante-quinze printemps, Antoine se refait une jeunesse. Nouveau look, plus « décoiffé », des couleurs plus définies, un discours certes mûri, mais internationalisé et mis au goût du jour, une culture diversifiée… Et une signature dynamisée qui se contente d’une lettre en majuscule et un point. Pour une librairie, c’est un gage de réussite. Pour la...