Quelques notes d’espoir

Je guettais le calendrier et voulais que le temps passe plus vite afin de commencer l’une de mes occupations préférées : la décoration de la maison pour la belle fête de Noël. Tout en posant ici et là les objets choisis avec amour, mes pensés se bousculaient dans ma tête et semblaient vouloir imiter les lumières clignotantes du sapin. Pour les calmer, j’ai décidé de jouer un morceau au piano. La mélodie commençait à emplir la pièce d’un air de fête. Mais voilà que tout comme mes pensées, mes notes se sont mises à bouger et ont quitté une à une ma partition me laissant bouche bée. Je me levai de ma chaise bien décidée à savoir où elles allaient, je les ai trouvées éparpillées autour des figurines d’anges posées près de la crêche. Les yeux des anges brillaient, ceux qui tenaient des instruments de musique se sont mis à en jouer en regardant tour à tour les notes concernées. Ce petit orchestre était accompagné d’autres anges qui battaient la mesure en tapant des mains et en remuant leurs belles ailes blanches. Je restai là figée, remerciant le Ciel pour cette parenthèse de beauté dans notre monde fou. Les notes ont ensuite entamé une conversation avec leurs nouveaux amis ailés. Ceux-ci se plaignaient de leur vie : « Nous sommes enfermés dans des boîtes en carton pour en ressortir une fois l’an veiller sur le divin enfant endormi dans la paille. Mais nous aimerions vraiment sortir et aller vers les gens qui semblent peu à peu perdre espoir. Regardez comme Noël nous offre de belles choses avec ses couleurs, ses... » L’une des notes s’écria alors : – « Chut ! Ne parle pas de couleurs au Liban ! » Le plus âgé des anges s’indigna et dit : – « Je sais et j’en suffoque vraiment. Les couleurs sont faites pour égayer la vie et non pour se disputer. Allez les notes, vous détenez un grand pouvoir, vos accords calment les esprits et attirent les foules. Vous pouvez aider le Liban durant cette période difficile de son existence. Une belle musique doit sortir de cette souffrance afin que les sacrifices ne soient pas vains. » Alors je vis les notes revenir sur mon cahier de musique m’invitant de la sorte à regagner ma place sur mon siège. Elles se mirent toutes sur une même ligne et me dirent : – « Tu seras chargée de composer la symphonie que nous demandent les anges. » – « Moi ? Je joue du piano certes, mais je serai vraiment incapable de composer un morceau. » – « Tu te trompes. Chaque Libanais peut, si il le désire vraiment, composer des accords capables de surmonter les difficultés. Il suffit que vous ayez du bon sens et de la volonté de tirer des leçons de vos erreurs passées. Les plus belles symphonies naîtront de votre entente, quelques sons aigus feront grincer les oreilles si des discours haineux sont tenus, d’autres sons graves vous feront assumer vos erreurs et essuieront vos larmes qui ont bien trop coulé et, enfin, des sons mélodieux seront parfois la preuve que vous êtes un peuple merveilleux qui se relève toujours. Nous comptons sur vous pour ce beau projet. Que vos cœurs battent à l’unisson et ne perdez pas espoir, retrouvez-le dans les pas d’un élève qui reprend le chemin d’une école à moitié détruite, dans la verdure qui pousse parmi les ruines, dans les chansons patriotiques d’une vieille cassette retrouvée dans un tiroir poussiéreux, dans les images d’une certaine manifestation où les drapeaux libanais semblaient se multiplier... » Et me voilà dotée d’une mission enrichissante bien déterminée à la mener jusqu’au bout avec qui voudra bien m’accompagner. Puisse l’esprit de Noël aider notre pays à traverser enfin ce long tunnel sombre, éclairé au bout par la foi en de jours meilleurs. Léna NJEIM