Rechercher
Rechercher

Actualités

EXPOSITION - À la galerie Aïda Cherfan (centre-ville) jusqu’au 31 décembre Mohammad el-Rawas : L’art est un jeu sérieux

Photos, peinture et mixed-média. Passé et présent, construction et déconstruction. Autant d’expressions dans ce dialogue pictural qui s’établit entre l’objet et l’interprétation visuelle, les plages de teintes plates et la texture du tridimensionnel. À travers une vingtaine de toiles à la galerie Aïda Cherfan (au centre-ville) et un ouvrage d’œuvres récentes, signé Antoine Boulad, qui paraît à l’occasion de l’exposition, c’est tout l’univers particulier de Mohammad el-Rawas qui est présenté. Un ordonnancement cérébral qui invite le regard à pénétrer dans l’intimité de cet esprit à la fois clair, soigné et libre. Jusqu’au 31 décembre. Sur ses toiles, Diane chasseresse devient une « plombière » militant pour l’écologie et le Joseph (image de la Bible) de Vélasquez n’apporte plus un manteau à Jacob, mais à une gentille figurine manga. Les forêts sont high-tech, le modèle devient un clone et les sauveurs de l’humanité ont l’allure de Tintin et Milou. Tout est humour et jeu pour Mohammad el-Rawas, qui s’amuse à créer son propre univers. « L’art est un jeu, mais un jeu sérieux, confie-t-il. L’essentiel est de trouver une joie dans la découverte et la création.  » Certes, la technique de l’assemblage remonte au dadaïsme, mais l’artiste et enseignant, qui a à son actif plus d’une quarantaine d’expositions internationales, s’en sert pour livrer non un message (car il abhorre ce mot), mais une simple déclaration. Sa déclaration. Tel dans un laboratoire, el-Rawas s’amuse à multiplier les expériences, à invertir les éprouvettes. Rien n’est formel pour lui et certainement pas définitif. « La vie est comme un cercle et tout va dans un sens rotatif » , affirme l’artiste. Raccordant des baguettes en aluminium, des fils de fer, forgeant des petites sculptures et articulant en 3D des figurines miniatures, il recycle les images et les scènes déjà livrées par les grands artistes, les prédécesseurs. «  J’aime à reproduire, à assembler, à amalgamer, à coller, à construire », avoue-t-il. Dans le souci d’adapter la technique picturale à l’idée exprimée, el-Rawas, en orfèvre du détail, réalise une composition qui n’obéit à aucune loi et ne se limite à aucune règle. Jusqu’à ce jour, ses toiles s’interrogent et explorent continuellement sur la définition et le but de l’art. Est-il simplement utile ? Doit-il uniquement servir le beau ? « S’il y a une seule certitude, c’est que je déteste être catégorisé, labellisé, affirme-t-il. Certes, je puise mes influences d’une culture orientale, mais je ne suis pas obligé d’intégrer des symboles ou une calligraphie arabe pour affirmer mon identité ou me définir par rapport à mon travail. Il suffit de dire à haute voix ce que l’on pense pour posséder une identité. » Et d’ajouter  : « Mis à part cette certitude, tout n’est qu’ambiguïté. » Dans ce jeu de parallélisme entre la pensée visuelle et la déconstruction mentale, dans cette confrontation ou juxtaposition des images du passé et du présent, l’artiste propose une restructuration totale de la pensée analytique. Si les différentes cultures se mélangent sans délimitations géographiques ou historiques, les disciplines artistiques, mais aussi scientifiques, comme l’optique, la géométrie et l’art de la précision, voire bricolage, s’y trouvent également confondues. Intrigante réalité Qui définit la limite entre le passé et le présent ? « Le temps n’est-il pas une division artificielle ? » s’interroge l’artiste. En effet, grâce à la similarité intrigante entre deux entités d’apparence différentes et la combinaison imprévisible de deux espaces, el-Rawas parvient à casser les barrières, à briser les tabous et à engager un langage visuel, cependant immatériel. L’entière liberté est donnée à ce travail qui démarre parfois à partir d’une idée ou d’une association d’idées. Un élément, une photo ou une image déclenchent le processus de créativité et, dans un mélange hybride où tout s’organise, s’échafaude, s’empile, un scénario est créé. On y retrouve les thèmes récurrents à ses œuvres, tels que les cadres, les ouvertures et les points de fuite, les figures féminines ainsi que des éléments historiques et architecturaux des civilisations différentes. Rien n’est pourtant planifié, et place est laissée à l’improvisation. « Une toile ne se termine jamais, précise-t-il. On peut s’arrêter de travailler, mais jamais achever une œuvre. » Modifiant souvent ses toiles (parce qu’il n’est pas convaincu du résultat et que l’art n’est pas une chose divine ou sacrée qu’il ne faut pas refouler ou retoucher), l’artiste souligne que cet art peut évoluer, mais les qualités humaines restent immuables : respect et bonnes manières sont les pivots de la vie déteignant ainsi sur un travail artistique honnête. Détaché de son œuvre, Mohammad el-Rawas joue le rôle d’observateur passif, laissant les autres plonger leur regard et scruter son travail tout en y ajoutant leurs idées personnelles et leurs propres scénarios. Colette KHALAF
Photos, peinture et mixed-média. Passé et présent, construction et déconstruction. Autant d’expressions dans ce dialogue pictural qui s’établit entre l’objet et l’interprétation visuelle, les plages de teintes plates et la texture du tridimensionnel.
À travers une vingtaine de toiles à la galerie Aïda Cherfan (au centre-ville) et un ouvrage d’œuvres récentes,...