CINÉMA - Un film fantastique avec Nicole Kidman crée la polémique aux États-Unis « À la croisée des mondes » fait perdre la boussole (d’or) aux groupes religieux

Après « Da Vinci Code » et « Harry Potter », c’est au tour d’un film fantastique avec la star australienne Nicole Kidman de se retrouver la cible de groupes religieux, qui lui reprochent de porter un message hostile aux Écritures. À la croisée des mondes : la boussole d’or, qui sort vendredi en Amérique du Nord, est adapté d’une trilogie de romans pour la jeunesse de l’écrivain britannique Philip Pullman et raconte la quête d’une petite fille dans un monde déchiré dans un combat entre le bien et le mal. Le studio New Line, qui compte à son actif la réussite du Seigneur des anneaux, vise le développement d’une franchise aussi juteuse que les Harry Potter (déjà cinq longs-métrages signés Warner Bros.) et Le monde de Narnia, dont le deuxième film sort en mai 2008 chez Disney. Mais si Narnia a été encensé par les puissants groupes conservateurs américains, le monde créé par M. Pullman, agnostique militant, possède tous les ingrédients pour les hérisser, à l’image des Harry Potter un temps accusés de promouvoir la sorcellerie. Le « Mal » dans les romans À la croisée des mondes est en effet incarné par l’Église (appelée dans le film « Magisterium »), dont les séides enlèvent des enfants dans toute l’Angleterre pour les soumettre à d’horribles expériences dans les solitudes glacées du Grand Nord. Le message anti-Église, assumé par l’auteur, a été fortement atténué dans ce film voulu comme grand public. Cité par le Daily Telegraph de Londres, le réalisateur Chris Weitz a reconnu que « dans les livres, le Magisterium est une version très déviante de l’Église catholique ». Mais, a prévenu M. Weitz, « si c’est ce que voulez voir dans le film, vous allez être déçus ». La Ligue catholique, une organisation américaine revendiquant 350 000 membres qui s’était déjà illustrée en 2006 dans le combat contre Da Vinci Code pour son postulat d’une descendance de Jésus, a tout de même appelé au boycottage. « La Ligue catholique veut que les chrétiens se tiennent à l’écart de ce film, précisément parce qu’elle sait que ce film constitue un appât pour les livres », a expliqué William Donohue, président de ce groupe qui a même édité une brochure destinée à réfuter la trilogie. « Des parents, sans s’en rendre compte, emmèneraient leurs enfants voir le film et pourraient être incités à acheter les trois livres comme cadeau de Noël. Et aucun parent souhaitant élever ses enfants dans la foi ne voudra avoir affaire à ces livres », prévient M. Donohue. Plus nuancée, la conférence des évêques catholiques américains, tout en mettant en garde ses ouailles contre un film aux « allusions anticléricales » où l’un des personnages « est né hors des liens du mariage », considère que « sur le plan purement cinématographique, il peut être vu comme une passionnante histoire d’aventure avec une lutte traditionnelle entre le bien et le mal, et un rejet général de l’autoritarisme ». La boussole d’or sort sur 3 000 écrans nord-américains et seules 60 salles ont indiqué qu’elles refuseraient de le projeter, souligne le quotidien Variety, tout en notant que le film aura d’autres obstacles à surmonter pour devenir un succès commercial. Doté d’un colossal budget de 180 millions de dollars, il risque de pâtir de la relative confidentialité de la trilogie de Pullman aux États-Unis et d’une interdiction aux moins de 13 ans non accompagnés, explique Variety, journal qui fait autorité à Hollywood et dont le critique n’a pas été emballé. « Le thème antireligieux énerve beaucoup de groupes, mais le problème pour certains publics sera la carence de ce film à soulever l’enthousiasme et les sévices que subissent les jeunes personnages de la part d’adultes particulièrement désagréables », remarque le journal.