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Actualités - REPORTAGE

Ils ont émigré, fait souvent fortune et regagné leur pays natal Au Liban, 10 000 « Brazilibaneses » parlent portugais et perpétuent les coutumes brésiliennes

Brésil-Liban : deux nations avec de grands contrastes géographiques, économiques et sociaux. La surface du Brésil est de 8,5 millions de km2, soit 830 fois celle du Liban qui fait 10 452 km2 ; la population du Brésil est de 180 millions d’habitants, soit 45 fois celle de la population libanaise estimée à 4 millions. Le Brésil est un pays riche en ressources naturelles et grand exportateur. Le Liban est un pays importateur et exportateur restreint. En dépit de toutes ces différences, où ces deux pays se rencontrent-ils ? Leur base commune est la coopération, conséquence d’une émigration libanaise féconde et évolutive permettant le développement continu des rapports entre les deux peuples. La grande émigration libanaise vers le Brésil date des années 1880, ce qui fait que le Brésil a ouvert son premier consulat honoraire à Beyrouth en 1911, sous l’Empire ottoman. Pendant les années 20, sous le mandat français, 3% des émigrants libanais au Brésil rentrèrent au pays, pris de nostalgie après avoir amassé un peu d’argent qu’ils investirent dans différents secteurs de l’économie libanaise. Ainsi en 1930, le Brésil envoya son premier consul général qui s’installa à Beyrouth. En 1948, les deux pays signèrent une première convention culturelle, puis, en 1951, une convention de transport aérien qui donna lieu à l’ouverture de la ligne aérienne, São Paulo-Beyrouth : Panair do Brasil (1961-66), Varig (1967) et MEA (1995-98). Ces deux conventions ont été modifiées en 1997, la première devenant un accord de coopération culturel et éducationnel. En 1954, le président Camille Chamoun visita son homologue brésilien, le président Getúlio Vargas. À cette occasion, un traité d’amitié, de commerce et de navigation a été signé entre les deux pays, suivi de l’ouverture des ambassades du Brésil à Beyrouth et du Liban à Rio de Janeiro. En 1961, un consulat honoraire brésilien a été également ouvert à Tripoli. Vu le renforcement des relations entre les deux pays, l’ambassade du Brésil au Liban s’est développée avec l’établissement en 2005 d’un consulat général autonome. Au Brésil, l’ambassade du Liban a été transférée en 1960 à Brasilia, devenue entre-temps la capitale. Le Liban dispose aussi de deux consulats généraux à São Paulo et à Rio de Janeiro, ainsi que de consulats honoraires à Porto Alegre, Curitiba, Belo Horizonte et Fortaleza. La colonie des «Brasilibaneses», néologisme que je donne aux citoyens binationaux libanais brésiliens au Liban, compte environ 10 000 individus (sans compter ceux qui sont rentrés du Brésil sans avoir obtenu la nationalité). En 1954, le banquier Jean Abou-Jaoudé fonde à Beyrouth l’Association d’amitié Brésil-Liban, encore en activité jusqu’à aujourd’hui. Les « Brasilibaneses » sont présents sur tout le territoire libanais, au Nord (Dar Beechtar…) et au Sud (Kabrikha…), mais principalement dans la Békaa, où se trouvent des villages entiers comme Sultan Yaacoub, Kamed el-Lawz et Ghazzé, avec 90% de « Brasilibaneses » qui parlent couramment la langue portugaise et perpétuent les coutumes brésiliennes (gastronomie, musique, architecture, agriculture…). L’une des rues principales de Zahlé est appelée « rue Brasil », comme aussi à Beyrouth près du port. À Byblos se trouve la petite chapelle de Nossa Senhora da Penha do Rio de Janeiro. À Tripoli, le grand architecte brésilien Oscar Niemeyer a conçu le bâtiment abritant la Foire internationale. Et dans tout le Liban, on trouve des noms en portugais de magasins, industries, produits et autres, le Brésil entrant dans les mœurs libanaises avec le café et les drapeaux brésiliens qui font partie du paysage local lors des Coupes du monde de football. Avec l’afflux et le reflux des Libanais, les relations diplomatiques, visites de personnalités et accords entre les deux pays sont en augmentation considérable. En 2002 une convention universitaire a été signée entre, d’une part, l’Université fédérale de Santa Maria (UFSM), Rio Grande do Sul, et, d’autre part, l’Université libanaise (UL) ainsi que l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK). En 2003, le président de la République du Brésil, Luis Iñácio Lula da Silva, a visité le Liban. Cette visite fut la première d’un chef d’État brésilien au Proche-Orient depuis celle de l’empereur Pedro II en 1871 et 1876, et se traduisit par une volonté commune de consolider les relations bilatérales. En 2006, un mémorandum a été signé entre le Centre d’études libanais – Núcleo de Estudos Libanés (NEL-UFSM) et le Lebanese Emigration Research Center (LERC) de la Notre Dame University (NDU) pour les échanges académiques en matière d’études sur l’émigration. La même année, le ministre brésilien de l’Éducation, Fernando Haddad, d’origine libanaise, a visité le Liban et a signé avec son homologue libanais, le ministre Khaled Kabbani, une convention d’échange académique entre les deux pays. C’est dans ce cadre que le premier séminaire d’échange académique Brésil-Liban s’est tenu à Brasília en août 2007, en vue du développement des relations au niveau universitaire. Deux professeurs brésiliens d’origine libanaise sont venus au Liban pour y effectuer des études postdoctorales. Il s’agit de Dr Jalusa Abaide, UFSM, qui a travaillé sur le droit et l’environnement à l’USEK, et du Dr Jamil Zogheib, de l’Université de Paraná, qui effectue actuellement une recherche sur le thème psychologie et violence. Un troisième professeur brésilien vient d’arriver pour donner des cours de langue et de littérature brésiliennes à l’Université libanaise. Il convient de signaler aussi que plusieurs Libanais sont partis se spécialiser au Brésil, particulièrement dans le domaine médical de la chirurgie plastique. Sur un autre plan, le Liban est devenu l’un des principaux pays importateurs de bétail vivant du Brésil, pour un montant équivalant à 70 millions de USD de janvier à novembre 2007. Durant cette même période, le Brésil a exporté vers le Liban des produits pour un montant de 186 045 422 USD et importé du Liban des produits pour un montant de 13 666 045 USD. Un important commerce triangulaire, dépassant ces chiffres, a aussi été établi au Liban, avec l’achat de produits brésiliens qui sont exportés vers le Moyen-Orient et l’Europe de l’Est. Les « Brasilibaneses » présents au Liban jouent un rôle important dans plusieurs entreprises locales industrielles, commerciales ou de services, et se distinguent souvent dans la société et dans la politique. Citons les familles Makari, Abou-Jaoudé, Chartouni, Mourad, Sayegh, Eddé, Zoghby, Obeid, Chaoul, Labaki, Takla, Farhat, Fenianos… Des noms libanais, mais qui ont parfois des deuxièmes noms maternels, comme Silva, Oliveira, Santos… Il y a donc une volonté certaine de développer davantage les rapports économiques, touristiques, culturels et académiques entre les deux pays, et d’établir enfin de véritables contacts avec les émigrés en créant des opportunités de travail au Liban. Les milliers de « Brasilibaneses » et autres Libanais en profiteront certainement, et cela permettra ainsi de freiner la fuite des jeunes qui reprennent aujourd’hui le chemin de l’émigration. « Sans émigration, nous ne pourrions pas vivre, disait Michel Chiha, mais si l’émigration devenait trop importante, nous pourrions en mourir. » Roberto KHATLAB
Brésil-Liban : deux nations avec de grands contrastes géographiques, économiques et sociaux. La surface du Brésil est de 8,5 millions de km2, soit 830 fois celle du Liban qui fait 10 452 km2 ; la population du Brésil est de 180 millions d’habitants, soit 45 fois celle de la population libanaise estimée à 4 millions. Le Brésil est un pays riche en ressources naturelles et grand...