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Giacometti, Mao, Ming : jeux de regards à la Fondation Maeght

Sous le titre « Portraits d’artistes », la Fondation Maeght présente, jusqu’au 9 mars, une exposition du peintre franco-chinois Yan Pei-Ming, construite autour d’un jeu subtil de regards : regards croisés, dialogue silencieux des ombres, mais parfois aussi regards de travers. Yan Pei-Ming, venu en France à l’âge de 20 ans, en a aujourd’hui 47 – en comptant à la manière chinoise, dit-il en souriant, c’est-à-dire en incluant les neuf mois de conception. Ses œuvres, façonnées à larges coups de brosse dans son atelier de Dijon, s’envolent sur le marché international. Dans la « salle de la mairie », la plus grande et la plus lumineuse de la Fondation Maeght, à Saint-Paul de Vence (Sud), trois « regards d’artistes » se croisent : celui de Giacometti, celui de Yan Pei-Ming et celui du père de Ming sur son lit de mort. Lumineux, profond, le regard du père semble tourné au-dedans. À sa manière, il est lui aussi un artiste : « Quand le fils est artiste, le père est forcément artiste aussi », dit Ming. L’autoportrait de Ming porte un masque à gaz, qui pend un peu en bas du visage. Il a d’énormes poings nus. « Parce que je me bats tout seul au fond de mon coin », explique-t-il. Il regarde en direction du grand portrait de Giacometti, rival puissant et solitaire. L’artiste suisse regarde lui-même en direction d’une de ses sculptures, une haute statue de femme, très simple et très pure, que les trois portraits semblent rendre un peu plus longiligne, au cœur de la « salle de la mairie ». La femme regarde elle-même en direction de la « cour Giacometti », où plusieurs sculptures sont exposées. À l’occasion de l’exposition Ming, la fondation a « bloqué » tous ses Giacometti – dessins, sculptures, tableaux – et c’est donc l’intégralité de la collection Maeght qui est présentée jusqu’au 9 mars, indique le directeur de la Fondation Michel Enrici. En contrebas de la grande salle, cinq sculptures de Ming en résine sont posées à même le sol. Ce sont ses premières. « J’ai pensé à Giacometti en les faisant », dit-il. Les sculptures n’ont pas de socle. L’ombre leur sert de socle. « Je suis un peintre, je n’ai jamais imaginé de socle. Giacometti était un sculpteur qui a peint. Je suis un peintre qui sculpte », dit Ming. Un peu plus loin, un étonnant face à face oppose plus qu’il ne rassemble un autoportrait de Ming et une sculpture massive de Mao en résine rouge. L’autoportrait regarde vers le bas. Mao, épais, compact comme une pierre tombale, regarde vers le haut. Les regards ne se croisent pas. Mao s’est servi pendant longtemps des artistes. Ming prend sa revanche : « Beaucoup de peintres ont fait de la propagande à Mao. Maintenant Mao fait de la propagande à moi. » À l’exception du rouge vermillon de Chine utilisé dans l’autoportrait et la statue de Mao, les œuvres sont bichromes, noir et blanc : « Pour moi, le noir et blanc suffit, explique Ming. Ce n’est pas un feu d’artifice. Il y a dans le noir et blanc une puissance et une simplicité qui me vont. Le rouge m’intéresse aussi. Pour les Chinois, le rouge c’est le bonheur. Pour les Européens, c’est le danger. Pour moi, c’est la violence. » Comme Giacometti, Ming n’est pas un artiste du bonheur : « Je ne parle pas du bonheur. Le bonheur ne représente rien pour moi. » Comme Giacometti, l’artiste chinois veut représenter la tragédie, la souffrance, la difficulté d’être : « La souffrance dans un visage, c’est beaucoup plus éternel qu’un visage souriant », dit Ming. Hervé CLERC (AFP)
Sous le titre « Portraits d’artistes », la Fondation Maeght présente, jusqu’au 9 mars, une exposition du peintre franco-chinois Yan Pei-Ming, construite autour d’un jeu subtil de regards : regards croisés, dialogue silencieux des ombres, mais parfois aussi regards de travers.
Yan Pei-Ming, venu en France à l’âge de 20 ans, en a aujourd’hui 47 – en comptant à la...