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LU POUR VOUS - Son récent ouvrage, édité à la maison Sabine Wespieser*, avait été sélectionné pour le Goncourt Sur « Le canapé rouge » de Michèle Lesbre

Enfant de la Seconde Guerre mondiale, Michèle Lesbre est issue de la culture de Sartre, de Beauvoir et de Boris Vian, de James Dean et de Martine Carol, ainsi que de l’après-Staline. Dans son dernier ouvrage, « Le canapé rouge » (éditions Sabine Wespieser), l’auteur offre au lecteur un ticket simple à bord du train des révolutions ratées, des illusions et des amours perdues. Un voyage aux arômes « domestiques », bercé par les balalaïkas et les paroles des poètes disparus. Parce qu’elle était sans nouvelles de Gyl, qu’elle avait naguère aimé, la narratrice part sur ses traces, laissant à Paris une vieille dame avec laquelle elle avait noué, au-delà des liens de voisinage, une complicité sans failles. Dans le Transsibérien qui la conduit à Irkoutsk, l’héroïne voit défiler les paysages et laisse vagabonder ses pensées qui reviennent toujours à Clémence Barrot, cette femme qui n’a jamais voyagé et qui attend impatiemment d’avoir de ses nouvelles, assise sur son canapé rouge. Loin du quotidien qui s’est figé et d’un siège statique, un train au rythme chahuteur traverse villes et villages. Rouge est la couleur de ce canapé. Rouge, tout comme les révolutions qui ont embrasé le monde et, plus particulièrement, ce raz-de-marée bolchevique qui a marqué au fer rouge la moitié de la planète, ne laissant que des cimetières comme souvenirs. Rouge également comme les passions qui enflamment le cœur, en le stigmatisant de plaies béantes. Et rouge enfin comme ce feu incandescent qui brille en chaque être et qui le fait vivre, malgré tout. Quête intérieure Avant de prendre le train, Anne avait entrepris de ranimer l’étincelle chez sa vieille amie en lui narrant les aventures fantastiques des femmes libres, courageuses et rebelles qui ont traversé le temps. Un périple d’un autre genre. Intra-muros. Arrivée à destination, la narratrice voit l’objectif de son voyage s’estomper, voire s’évaporer pour ne laisser qu’un doux parfum de quête intérieure. Une quête soutenue par les paroles des sages et nourrie par celles des écrivains, de Dostoïevski à Milena Jesenka. Par des mots simples et épurés, le dixième roman de l’auteur de La petite trotteuse aborde les thèmes de la vieillesse : « J’aurais aimé la prendre dans mes bras, dit-elle. La détresse des corps vieillis qu’aucune main n’effleure, qu’aucun corps n’étreint, cette immense solitude de la chair, qui est déjà un peu la mort, m’a toujours effrayée. » Mais dans cette traversée, Michèle Lesbre évoque aussi la mort et surtout la vie, comprendre la renaissance. « Ce n’était pas un rendez-vous avec le chagrin, mais un rendez-vous avec la vie. » Cette vie qui file à vive allure comme un train embarque sur son passage des rencontres heureuses ou malheureuses, des chuchotements d’amitié, des bribes de vécu et des fragments de mémoires littéraires. L’auteur se permet ainsi d’emprunter aux autres écrivains des pensées et des réflexions, comme si elle s’abreuvait auprès d’une source inépuisable. Celle de l’écriture. On y retrouve des mots que Jankélévitch avait à son tour empruntés à Rilke : « Nous avons besoin d’un ciel clandestin et d’une causalité féerique qui échappent aux obligations prosaïques du jour », et ceux de Claude Roy dans À la lisière du temps : « J’étais absent de moi, plutôt nuage indécis, un passant pas très sûr d’être vraiment quelqu’un. » Mais aussi des lignes de madame Roland datant de 1771 : « La douce mélancolie que je défends n’est jamais triste, elle n’est qu’une modification du plaisir dont elle emprunte tous les charmes », ou trois strophes du poète Nâzim Hikmet. Des écritures intemporelles qui s’entremêlent avec celles, plus contemporaines, de Michèle Lesbre et qui illustrent un train en marche. Celui de la vie. Colette KHALAF * Disponible à la librairie al-Bourj.
Enfant de la Seconde Guerre mondiale, Michèle Lesbre est issue de la culture de Sartre, de Beauvoir et de Boris Vian, de James Dean et de Martine Carol, ainsi que de l’après-Staline. Dans son dernier ouvrage, « Le canapé rouge » (éditions Sabine Wespieser), l’auteur offre au lecteur un ticket simple à bord du train des révolutions ratées, des illusions et des amours...