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Actualités - CHRONOLOGIE

THÉÂTRE - « La légende de maître Manole », ce soir, à 20h30, et jusqu’au 2 décembre au Monnot Les mythes universels revisités

C’est dans le cadre du projet d’échange et de cocréation entre le Monnot et le Théâtre national de Tirgu-Mures, en Roumanie, que le réalisateur roumain Liviu Pancu présente, jusqu’au 2 décembre, La légende de maître Manole. Des textes qui tirent leur force d’un des grands mythes fondateurs de ce pays de l’Est et une scénographie robuste qui a plongé l’audience dans un passé au thème cependant si actuel. Sur fond d’un décor très épuré, dont les tableaux changent uniquement au gré d’une lumière qui se fait à loisir claire ou diffuse, écarlate ou diaphane, le prince noir, sous les traits de Charles Hervé Faucon, converse avec une femme toute vêtue de noir. Il a pour projet de construire un édifice rassembleur qui unirait à nouveau son peuple déchiré par les haines et les querelles. Cette femme qui se meut comme une liane et rampe à ses pieds a, pour sa part, un tout autre projet en tête. C’est par cette phrase si significative qu’elle en annonce la couleur : « A-t-on jamais vu prince se dispenser du diable ? » dit-elle. Très vite, le prince convoque maître Manole et le charge de construire ce temple en un bref délai. L’architecte maçon, interprété par Hagop Der Ghougassian, appelle son équipe et tous se mettent en marche pour repérer le lieu idéal pour la construction. Avant de les quitter, le prince les bénit et les somme d’achever ce projet au plus vite, sinon ils seront soit bannis de l’empire, soit tués. Maître Manole est confiant. Il sait qu’il est soutenu par de bons travailleurs et qu’il a l’aide de Dieu qui ne l’abandonne pas. Le metteur en scène Pancu a su d’ailleurs mettre l’accent sur la nécessité d’évoquer le Divin, même face aux progrès techniques les plus évolués. Si Dieu est très présent dans ce mythe de l’Europe de l’Est, la légende tout entière repose sur le thème de l’amour et sur le combat acharné entre le bien et le mal. En effet, le pan du mur, à peine achevé, s’écroule le lendemain. « Quelles sont les mains maléfiques qui le détruisent à chaque lever de soleil ? Et pourquoi s’acharne-t-on à démolir tout ce qu’on a bâti ? » se demande Manole. Autant de questions qui trouvent leur écho dans les civilisations qui ont suivi et dans le monde moderne actuel. La réponse ne se fera pas attendre. L’édifice ne peut être consolidé sans la présence d’une âme qui l’habite. Encore une allusion aux bâtisseurs d’illusions volatiles, aux vaniteux qui croient que seule une belle œuvre suffit d’inscrire leur nom dans l’histoire. La beauté, certes, est importante mais sans vie, elle n’est que chimère. Et Manole d’annoncer par ce songe si étrange le prochain acte de la pièce : « J’ai fait, en dormant, un rêve étonnant. Du ciel, j’entendis une voix qui me dit : ce que l’on construit tombera la nuit. Jusqu’à ce que nous décidions, tous, d’emmurer l’épouse ou la sœur, venues porter à manger demain au mari, au frère. » Ce rêve achève de faire le lien avec l’histoire de l’humanité en remontant jusqu’au père des hommes, Abraham. C’est donc de sacrifice humain qu’il s’agit. Toute la joie et toute l’effervescence de bâtir, traduites en chants et incantations, martèlement des bâtons sur les planches, s’évanouissent et retombent dans ces instants dramatiques. Le tableau devient plus noir et la scène s’habille d’un magnifique grand voile où l’on devine les silhouettes des comédiens. Seule une lumière incandescente éclaire par moments leurs visages. Par des jeux d’ombres, une gestuelle musclée et virile, mêlant parfois les expressions corporelles aux arts martiaux, exprimant par cela l’universalité du sujet traité, le spectacle est servi par une scénographie à la fois classique et vibrante. Il est cependant reproché à certains acteurs de ne pas habiter plus intensément leurs rôles et de ne pas soutenir assez les caractères principaux qui, eux, sont plus convaincants. La Légende de maître Manole demeure, malgré certaines faiblesses, un spectacle intéressant à voir en raison de sa symbolique et du message qu’il porte. Colette KHALAF
C’est dans le cadre du projet d’échange et de cocréation entre le Monnot et le Théâtre national de Tirgu-Mures, en Roumanie, que le réalisateur roumain Liviu Pancu présente, jusqu’au 2 décembre, La légende de maître Manole. Des textes qui tirent leur force d’un des grands mythes fondateurs de ce pays de l’Est et une scénographie robuste qui a plongé l’audience...