Rechercher
Rechercher

Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - « Le retour de Lilith » de Joumana Haddad dans le cadre des « Belles étrangères » Une femme mythique aux accents de défi

Un ouvrage qui fit beaucoup de bruit. Et de scandale ! Car le parfum des fauves lâchés en liberté sème toujours la terreur et la panique… Phénomène assez rare quand on sait qu’il s’agit de poésie. Poésie libre, jetant à tout vent son inspiration sans frontières et sa métrique ne s’embarrassant ni de rimes ni de strophes ou quatrains. Une femme mythique, entre rébellion et séduction, d’une liberté infinie, parle, apostrophe, invective, tance, caresse, annonce, semonce, juge, s’explique, menace, s’entretient avec des accents de défi. Accents courageux et modernes pour cerner l’enivrante et redoutable essence féminine galopant vers sa liberté absolue…Par le biais de la poésie et de la littérature, les mythes et les légendes sont au service d’un épanouissement féminin contemporain.  Non ce n’est pas du néoféminisme, car il ne s’agit pas ici de militantisme féministe, mais d’un état de nature…  On parle bien entendu du Awdat Lilith de Joumana Haddad, initialement écrit en langue arabe, qui sort aujourd’hui en devanture des librairies dans sa version française, tout en s’inscrivant dans le cadre du festival des « Belles étrangères ». Recueil de poésie, traduit en français, revêtant le blanc-seing de l’auteure qui assure ne pas pouvoir « se traduire » malgré sa maîtrise de la langue de Racine ! Tout en confessant, avec une pointe de regret, que les premiers écrits étaient rédigés dans la langue de l’Hexagone, sous impulsion et influence éluardiennes… Opus habilement rendu donc à la musicalité de la langue d’Éluard, de Michaux et de Char, par Antoine Jockey, sous le titre Le retour de Lilith (87 pages, édition L’inventaire) avec, en couverture, un portrait de la poétesse (comme un médaillon romantique en camée, même s’il n’est pas très ressemblant au modèle original) croqué par le fusain de Mahmoud Zibawi. Rencontre avec une jeune femme qui est entrée au Parnasse comme on entre en sacerdoce. Elle vient d’ailleurs de signer aussi un ouvrage majeur sur une anthologie plurilingue de 150 poètes suicidés au XXe siècle, de même qu’un recueil de poèmes prolongeant ledit ouvrage et intitulé Miroirs des passantes dans les songes. Une vivante prend la parole, en toute insolente et intrépide liberté, sous la violette de la compassion, de la fraternité et de la complicité humaine, pour parler au nom des défuntes… Juste avant de prendre l’avion pour Paris pour participer à la tournée des « Belles étrangères », Joumana Haddad a bien voulu céder quelques – explosives – confidences sur Lilith…  « Lilith, c’est moi », dit-elle d’emblée, en toute simplicité, avec un sourire d’ange à qui on donnerait tous les saints du paradis. Paradis qui a justement jeté et voué aux gémonies, au sens littéral du terme, cette récalcitrante diablesse de Lilith, née égale de l’homme et non comme Ève, partenaire soumise, de la côte d’Adam…. Comment croire Joumana Haddad, moulée dans son jeans et son tee-shirt noir, elle si gracieuse et innocente avec son teint d’albâtre de madone du « quatrocento », ses yeux vert et miel pétillants, ses cheveux drus noir d’ébène et sa voix presque fluette et douce, quand on sait que Lilith a été bannie dans le désert où règnent les démons succubes, la poix, les rocailles, les ronces, les orties et les chardons ?…  « Paraître n’est pas être », souligne Joumana Haddad en toute malice, comme pour marquer les limites de tout tempérament imprévisible et féroce, elle qui écrit en exergue de son livre : «  Aux sept femmes qui m’habitent »…Habitation à la fois dangereuse et houleuse, entre extrême connaissance et folie, tant les contradictions peuvent tisser certes une toile riche de contrastes mais aux enchevêtrements inextricables. « La liberté s’arrache » « Si je suis Lilith, sans masque aucun, poursuit Joumana Haddad, pour sa véhémence et son intransigeance dans la liberté, l’indépendance, la détermination, la décision, la séduction, si je l’ai façonnée ici à mon image, si je suis pour une certaine androgynie spirituelle, je tiens à préciser que je suis contre toute notion d’atteinte à la vie des enfants, comme l’histoire le rapporte pour cette figure de chasseresse impitoyable. Hantée par Lilith, il m’a fallu plus de trois ans de gestation pour écrire ce recueil et j’ai mis longtemps pour en sortir. Il est vrai que j’écris avec mes ongles, avec une belle tendance à griffer… J’ai dû être un chat dans une vie antérieure ! S’il y a de la provocation dans cet écrit ? Je suis certainement une provocatrice, mais sans le faire exprès, c’est plutôt ma nature. Je suis une violente pas une agressive, car l’agressivité suppose un esprit de combat. Et je ne suis pas en combat ! La liberté pour moi est un fait acquis, je n’ai pas besoin d’en faire l’apologie. » En arabe,  Awdat Lilith avait une force verbale caverneuse et inouïe : musicalité gutturale, images sculptées dans du silex, rythme barbare, métaphores empruntant aux bestiaires les plus redoutables. Tout cela pour une révolte sourde et sans concessions. Malgré le doigté et le dosage du transvasement en français, les angles se sont arrondis et adoucis. Et le ton, dans sa colère éruptive, diffère. Sans perdre totalement de sa virulence, plane sur ce recueil brusquement comme un lancinant parfum de poésie parnassienne ou symboliste du siècle dernier. « Non, souligne Joumana Haddad, rien n’a changé pour moi. La figure mythique est omniprésente. Je ne suis pas allée chez Lilith, je l’ai convoquée, je l’ai ramenée vers moi. Je parle de moi à travers elle et j’emploie par conséquent ma langue, et non celle du passé, je trouve tout cela parfaitement moderne. » Le retour de Lilith de Joumana Haddad, par-delà toute controverse ou contestation, a pris son bonhomme de chemin. Bientôt, sur le marché du livre, pour son retour triomphal, Lilith s’inscrira en version espagnole et allemande. Le cortège des femmes, de Salomé à Nefertiti, en passant par la reine de Saba, Hélène de Troie et Marie-Madeleine, avance sur un palanquin tissé de soie et de ronces. On a beau le dire, par-delà le bien et le mal, depuis longtemps, la liberté ne se donne pas mais s’arrache… Et Joumana Haddad, par-delà tous les excès et la théâtralité lyriques de la poésie, avec son chant prométhéen, diffusé aujourd’hui en une multitude de langues, en est l’une des plus vibrantes messagères. Edgar DAVIDIAN
Un ouvrage qui fit beaucoup de bruit. Et de scandale ! Car le parfum des fauves lâchés en liberté sème toujours la terreur et la panique… Phénomène assez rare quand on sait qu’il s’agit de poésie. Poésie libre, jetant à tout vent son inspiration sans frontières et sa métrique ne s’embarrassant ni de rimes ni de strophes ou quatrains. Une femme mythique, entre rébellion et...