Tout est prétexte à une nouvelle flambée des prix au Liban. Absolument tout. De l’euro fort à la hausse du brut, de l’augmentation mondiale des prix du blé à celle du cours du lait qui fait suite à la levée des subventions européennes. Même l’or, valeur refuge, est devenu inabordable avec son once à 794,9 dollars. Un jour, c’est le paquet de pain que l’on ampute d’une centaine de grammes, pour ne pas en augmenter le prix. Le lendemain, c’est le prix de l’huile à frire qui est arrondi à la hausse. Le surlendemain, les prix des fromages et laitages suivent, eux aussi, emportant dans leur élan toute une flopée de produits alimentaires, viandes, poulets, poisson... sans parler des fruits et légumes. La hausse des prix se généralise, se répercute sur les produits d’entretien ou ménagers. Pire encore, cette folie ne se limite pas aux marques européennes, mais atteint les étiquettes américaines et même locales. Dans les supermarchés, la clientèle emploie un temps précieux à comparer les prix, se perd dans des calculs d’épiciers, avant de se résoudre à changer ses habitudes d’achat dans l’espoir d’économiser quelques sous par-ci ou par-là. Les achats sont d’ailleurs de plus en plus timides et les factures de plus en plus élevées. Le citoyen n’a d’autre choix que de commencer à rogner sur la nourriture, faute de pouvoir jongler avec son budget mensuel. Parlons-en de ce budget mensuel dont la valeur s’érode tous les jours, constamment grevé par l’augmentation des scolarités, par la folle ascension de la tonne de mazout qui a atteint 780 dollars, par la lente augmentation de la tarification de l’essence malgré la subvention de l’État... sans oublier le prix de la citerne d’eau, qui bat elle aussi des records en cette période d’étiage (40 dollars les 20 000 litres, pour les habitués). Le citoyen ne sait plus où donner de la tête. Les extras ? Les petits caprices ? Les menus plaisirs qui agrémentent le quotidien ? Il en a fait l’impasse depuis belle lurette, pour ne se contenter que de l’essentiel, en attendant la fin du mois ou des lendemains meilleurs. Ses dettes qui s’accumulent au fil des jours ? Il désespère de les éponger, carrément dépassé par les événements. Il se surprend à rêver d’un gouvernement qui se soucie enfin de ses misères et se décide à pratiquer une politique efficace de contrôle des prix et de lutte contre l’inflation. Mais cela est une autre paire de manches. Car ses rêves ne sont qu’utopie. Et cela, il le sait parfaitement bien. Anne-Marie EL-HAGE