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Actualités

Touche pas à mon image

Il est singulier de voir une levée de boucliers presque unanime face à l’attaque de Dominique Torrès contre le « Liban esclavagiste ». Que d’autres humiliations nous subissons chez nous tous les jours sans lever le petit doigt, à part un certain 14 mars 2005 où les Libanais et Libanaises ont tapé du pied en se prenant en charge. Somme toute, une étoile filante de la plus grande beauté dans l’obscurité politique de ce pays. Mais ces humiliations, que l’on accepte en toute soumission, ne nous salissent pas aux yeux des étrangers et, en particulier, des Occidentaux. Alors, tout va bien. L’honneur est sauf, notre image n’est pas souillée. Nos réflexes ostentatoires ne sont pas mis au défi. Qu’importe le reste ? Et s’il est vrai que Mme Torrès n’y est pas allée avec le dos de la cuillère, la blessure a visiblement été ressentie au fond de l’âme des Libanais et des Libanaises, tel un coup de poignard dans le dos de la part de ceux que nous (ou une partie d’entre nous, Libanais) considérons souvent comme les meilleurs, les plus sincères, les plus désintéressés des amis du Liban. Il ne fait aucun doute que la cause de Mme Torrès est tout à son honneur et qu’il faut souvent choquer pour faire bouger les choses. Je tire mon chapeau à la militante et l’encourage à continuer son combat. En tant que reporter/journaliste, je ne peux que désavouer son manque d’objectivité, sa déformation des faits, ses mensonges par omission, ses calomnies, ses insinuations, sa hargne et toute la mésestime qu’elle a portée à mes compatriotes à travers ses portraits de monstres aux apparences anodines ou dans le genre « précieuses ridicules esclavagistes ». Mais en France, un pays où indéniablement règne la loi, il y eut et y aura toujours le scandale judiciaire d’Outreaux, les pédophiles, les racistes, la violence gratuite, le trafic d’êtres humains dans les ateliers clandestins, sur les trottoirs de toutes les villes de l’Hexagone, les incendies d’immeubles insalubres, indécents, où meurent les immigrés entassés, les personnes âgées qui meurent abandonnées par leurs propres enfants… et naturellement j’en passe. Je suis sûr que Mme Torrès en conviendra : ce n’est pas une belle image de la France. Mais aussi, ce n’est surtout pas toute l’image de la France. Le reste de l’image rend la France belle, grandiose, fière et protectrice de la dignité humaine. Ce n’est qu’en regardant l’ensemble, sans préjugés, sans a priori et sans mépris, que l’on peut se permettre de juger honnêtement. Il en est de même pour le Liban, un pays formidable, qui a certainement des leçons à donner à la France – notamment en matière de compassion et de chaleur humaine – tout comme il en a à recevoir d’elle. Votre message, votre combat, vous auriez pu le communiquer sans mentir, sans altérer et sans occulter les éléments qui l’auraient rendu honnête. Cela n’aurait aucunement enlevé le caractère répréhensible de certaines pratiques. Vous n’auriez eu que des lettres de soutien de tous ceux qui s’expriment sur le sujet. Mais vous avez préféré la facilité : haranguer, monter une meute qui, par définition, est prédisposée au lynchage. Pas besoin de procès. La meute (voir le blog d’Envoyé Spécial) a décrété l’accusé coupable. Il faut le pendre haut et court. Cependant, vous n’êtes pas sans savoir (car là, ce serait une insulte aussi bien à votre intelligence qu’à la nôtre) que la liberté d’expression s’arrête précisément là où commencent la diffamation et la dénonciation calomnieuses. Vous savez que vous avez transgressé des lois en abusant de la mauvaise foi. Et vous n’êtes pas seule à le savoir. France 2 /France Télévision était parfaitement consciente de vos manquements déontologiques le jour où vous leur avez confié votre admirable chef-d’œuvre d’objectivité journalistique avant sa diffusion devant des millions de téléspectateurs. Je pense que France 2, France 24, Le Monde et tous ceux qui ont relayé les demi-vérités et les calomnies de Mme Torrès devraient publier une « mise au point » en faisant la part des éléments factuels et en pointant clairement du doigt les points litigieux de son reportage. À défaut, ce serait à la justice de se prononcer. Par ailleurs, cette réprobation collective quasi unanime devrait s’exprimer par une pétition adressée à l’ambassade de France au Liban. Elle n’aurait pour but que de réaffirmer la solidité de l’amitié franco-libanaise et l’immense respect que la majorité des Libanais porte à la France et ses valeurs ainsi qu’à sa magnanimité envers notre pays que nous aimons profondément malgré les sacrifices qu’il nous demande. Néanmoins, c’est aussi l’occasion d’une introspection : nous avons pris l’habitude de gémir plutôt que d’agir, d’attendre plutôt que d’entreprendre, d’être pris en charge plutôt que de nous prendre en charge comme certains, qui semblaient dire, à travers leurs réactions, qu’au Liban, nous avons d’autres chats à fouetter. Alors, une fois que notre honneur est sauf, la vérité rétablie, la malhonnêteté de Dominique Torrès dénoncée, qu’allons-nous faire pour régler radicalement le problème des maltraitances ? Faudra-t-il attendre que tous les problèmes – plus « prioritaires » – du Liban se résolvent pour que l’on s’y attelle ? À moins d’estimer devoir attendre que nos esclavagistes à nous – les marchands de notre patrie, de notre dignité humaine, les criminels de guerre, les politiciens véreux, les étrangers qui-nous-veulent-du-bien – règlent d’abord nos problèmes, la réponse à la question ci-dessus est : certainement pas ! Wadih C. BASSOUS
Il est singulier de voir une levée de boucliers presque unanime face à l’attaque de Dominique Torrès contre le « Liban esclavagiste ». Que d’autres humiliations nous subissons chez nous tous les jours sans lever le petit doigt, à part un certain 14 mars 2005 où les Libanais et Libanaises ont tapé du pied en se prenant en charge. Somme toute, une étoile filante de la plus...