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Actualités - CHRONOLOGIE

LIVRES - « L’Iran au XXe siècle, entre nationalisation, islam et mondialisation » aux éditions Fayard-Presses de l’USJ Pays de tous les paradoxes, l’Iran des mollahs reste pénétré par les idées, les techniques et les produits étrangers

Paru chez Fayard-Presses de l’Université Saint-Joseph et écrit à trois mains par Jean-Pierre Digard (ethnologue), Bernard Hourcade (géographe) et Yann Richard (historien), « L’Iran au XXe siècle » ne déroule pas une histoire des Mille et Une Nuits, mais celle de la révolution islamique. Accusé de terrorisme, narguant la plus grande puissance mondiale, l’Iran d’aujourd’hui apparaît rarement sous son meilleur jour. En dépit de sa politique officielle, son économie dépend plus que jamais des achats de pétrole par les pays occidentaux et reste largement pénétré par les idées, les techniques et les produits étrangers. Passé en un siècle de la situation d’une monarchie constitutionnelle despotique et prooccidentale à une république théocratique islamique mêlant provocations inutiles et revendications légitimes, « L’Iran au XXe siècle, entre nationalisme, islam et mondialisation » éclaire, à travers les événements majeurs, les débats religieux et les enjeux économiques d’un pays marqué par les disparités sociales et géographiques. Pourquoi le chah est-il tombé ? Comment la révolution islamique s’est-elle emparée du pouvoir, érigeant un ordre social et politique nouveau, basé sur une conception intégriste de l’islam ? Les auteurs remontent aux années inaugurales du XXe siècle, lorsque les frontières de l’Iran sont fixées et une monarchie constitutionnelle instaurée par Mohammad Ali Shah (1921-1941), alias Reza Khan, fondateur de la dynastie des Pahlavi. Les Britanniques, installés au sud-est du pays, et les Russes au nord-ouest veillaient aux grains et à leurs intérêts surtout après la découverte du pétrole dans le Khouzestan et son exploitation par la compagnie Anglo-Persian Oil. Les revenus pétroliers permettent à la monarchie d’entreprendre la modernisation et la « laïcisation acharnée » du pays. L’État autoritaire et centralisé réprimait toute forme d’opposition, principalement celles des ethnies non persanophones qui jouissaient jusque-là d’une relative autonomie. Reza Pahlavi décide de les fondre en une seule et nouvelle ethnie iranienne en leur imposant le persan comme langue officielle du pays. Sous le règne de son successeur Mohammad Reza Shah et suite à un accord portant sur une aide militaire, les Américains mettent la main sur la politique iranienne et entrent de plain-pied dans la région avec la constitution d’un consortium qui va exploiter le pétrole iranien jusqu’en 1973. Reposant sur une armée forte, une police secrète, la célèbre Savak, le régime impérial n’ira pas de main morte. Il devient rapidement autocratique et dictatorial. La centralisation et la bureaucratisation du pouvoir, la corruption du gouvernement, les inégalités économiques, la marginalisation des provinces constitueront la combinaison explosive d’une colère populaire qui va secouer le pays. Elle commença pourtant assez banalement par les revendications des marxistes révolutionnaires, des intellectuels laïcs et des libéraux qui aspiraient à un assouplissement du régime impérial, à une justice sociale et à une indépendance nationale plus affirmée. Cependant, leur nombre est rapidement noyé par celui d’une classe religieuse, majoritairement conservatrice. Celle-ci est soutenue politiquement et financièrement par les « bâzâris », « victimes désignées d’une campagne de lutte anticorruption, en 1976, qui prenait grand soin d’épargner les entreprises protégées par la cour impériale ». Le pouvoir au bout du fusil Aussi, les 18 et 19 février 1978 voient le premier soulèvement populaire associant la culture religieuse chiite et les revendications politiques. Par nécessité plus que par choix, les libéraux, les marxistes et les islamistes s’associèrent étroitement, « chacun étant convaincu qu’il éliminerait facilement l’autre après la victoire ». Mais les partis laïcs ne tardèrent pas à mesurer combien il leur serait difficile de faire entendre leur voix car « la culture chiite s’imposa très vite comme la seule force capable de mobiliser une foule et de l’encadrer ». De même, dès son retour d’exil à Téhéran, Khomeiny lève toutes les ambiguïtés en lançant son slogan : « Indépendance, liberté, République islamique ». Le 1er avril 1979, les mollahs entrent dans cette grande dramaturgie qu’on appelle l’histoire en proclamant officiellement la république islamiste. Le nouveau régime rétablit les traditions islamiques dans la culture et la loi, met fin aux relations avec les USA, bannit toute influence occidentale et nationalise l’industrie pétrolière. Il fait exécuter des milliers de membres de la Savak, des partisans du chah et impose des mesures discriminatoires « à l’encontre des non-chiites, particulièrement les bahaïi et les sunnites ». La répression se retourne ensuite contre les précurseurs de la révolution, les libéraux et l’extrême gauche, faisant plus de 10 000 victimes. Une vaste campagne d’épuration, menée à tous les niveaux des administrations, des entreprises et des universités, entrave durant des années le fonctionnement normal du pays et a pour effet de « promouvoir des personnels subalternes en raison de leur fidélité au régime ». Une économie de type soviétique s’installe, tissant les images d’un nouvel Iran. Au terme des nationalisations par exemple, la part de l’État dans l’industrie passe de 39,5 % à 70,7 % du capital, alors que la part du secteur privé tombe de 44,6 % à 13,4 %. Dans L’Iran au XXe siècle, entre nationalisme, islam et mondialisation, les auteurs ne se cantonnent pas aux seuls aspects politiques intérieures, au bras de fer entre conservateurs et réformateurs et à la guerre avec l’Irak, la plus longue et la plus meurtrière depuis la Seconde Guerre mondiale. Ils décrivent la société post-révolutionnaire, où les femmes et les jeunes manifestent leur capacité à surmonter les crises et à se reconstruire en permanence grâce « aux moyens de communication modernes, la culture internationale et le consumérisme ». Sur la route des 400 pages, Digard, Hourcade et Richard exposent les relations de l’Iran avec l’Occident, son ouverture sur l’Asie centrale, son « pragmatisme efficace » concernant les Émirats arabes, son aide aux mouvements chiites libanais et islamistes palestiniens, et sa volonté de s’imposer sur la scène internationale et régionale. Ils brossent également un tableau du secteur économique qui favorise à grande échelle le marché noir et qui croule sous les subventions de l’État. Mais toutes les difficultés ne doivent pas faire oublier que ce pays des paradoxes est riche et qu’il a la capacité scientifique et technologique d’enrichir l’uranium. Deuxième producteur de pétrole de l’OPEP, détenant 10 % des réserves mondiales du pétrole et les deuxièmes réserves mondiales de gaz naturel après la Russie, l’Iran, avec un PIB de 551, 6 milliards de dollars, se place second dans la région. May MAKAREM
Paru chez Fayard-Presses de l’Université Saint-Joseph et écrit à trois mains par Jean-Pierre Digard (ethnologue), Bernard Hourcade (géographe) et Yann Richard (historien), « L’Iran au XXe siècle » ne déroule pas une histoire des Mille et Une Nuits, mais celle de la révolution islamique.
Accusé de terrorisme, narguant la plus grande puissance mondiale, l’Iran...