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COURRIER - « How Nancy wished that everything was an april fool’s joke » Le théâtre pour exorciser la guerre avec Rabih Mroué

Au coude à coude dans un canapé, trois hommes et une femme se présentent solennellement à l’assemblée. « Je m’appelle Rabih Mroué. Je viens de Jbeil. En 1975 j’étais… » Et c’est parti. Loin de la langue de bois habituelle, quatre personnages aux origines et de bords politiques différents vont relater à l’unisson l’histoire contemporaine libanaise de 1975 à nos jours. Quatre paroles en marche qui vont des dizaines de fois s’éteindre : dans la bataille des souks, du 13e étage du Holiday Inn, à un barrage de contrôle, par une balle perdue, pour des raisons sécuritaires…Mais surprise  : à chaque fois le mort se réveille et reprend le cours de sa vie. Celui-ci change de bord et de convictions selon les alliances qui se font et se défont. Progressivement, il est happé par la spirale infernale de la violence. L’absurdité de la mécanique de la guerre est telle que les comédiens ne peuvent s’empêcher des pointes d’humour ; Lina Saneh corrige une date, reprend l’accent de Rabih Mroué (« C’est Julio Iglesias et pas Julio Iglegas »), pour Rabih, le plus important en 1983, c’est qu’il n’ait pas pu assister au concert des Boney M à Beyrouth…Jusqu’au moment où, arrivés aux événements récents et n’en pouvant plus de se contenir, les comédiens laissent s’échapper par leurs rires émouvants ce qu’ils ont de plus précieux à offrir au spectateur : leur humanité. Ce soir-là, à Paris, Rabih Mroué, Lina Saneh, Hatem el-Imam et Ziad Antar riaient généreusement du tragique de la situation de leur pays. Rires amers. Plus qu’une métaphore, les morts-vivants qui se réveillent et se rendorment sont pour l’artiste une réalité. Il les voit et les entend dans les rues de Beyrouth. Les derniers événements sont bien la preuve de l’état de latence de cette violence dans la société libanaise. Preuve que tout est encore là et que rien n’est résolu. Cette violence, Rabih Mroué voudrait que chacun de nous en reconnaisse sa part de responsabilité, comme il le fait lui-même dès l’abord, ainsi que ses partenaires, en prêtant aux personnages leur propre identité patronymique. C’est aussi ce qui est suggéré au moment du salut final, lorsque les 4 comédiens tournent le dos au public et s’en vont dans les coulisses en faisant fi de ses rappels. Le public est abandonné face aux affiches de martyrs qui défilent. Seul face à sa responsabilité. Le choix de jeu dans l’immobilité de la posture assise, et dans l’espace restreint et contraint du canapé, fait ressortir des corps impuissants et passifs. Des corps stigmatisés et inhibés par la guerre. Dans ces conditions, il ne reste plus qu’une seule voie pour s’en sortir : celle des mots. En donnant la parole aux morts, ce quatuor d’exception construit en chœur une première version commune de nos trois dernières décennies d’histoire. Pari audacieux. Urgence du travail de mémoire. Sarah HATEM
Au coude à coude dans un canapé, trois hommes et une femme se présentent solennellement à l’assemblée. « Je m’appelle Rabih Mroué. Je viens de Jbeil. En 1975 j’étais… » Et c’est parti. Loin de la langue de bois habituelle, quatre personnages aux origines et de bords politiques différents vont relater à l’unisson l’histoire contemporaine libanaise de 1975 à...