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Actualités - CHRONOLOGIE

CORRESPONDANCE - Rétrospective Edward Hopper, peintre de la réalité américaine Ses nuits urbaines aussi belles que ses journées rurales WASHINGTON, d’Irène MOSALLI

Il n’était ni avant-gardiste ni rebelle. Esthétiquement et techniquement conservateur, ses visions étaient néanmoins étrangement en synchronisation avec l’abstraction de son temps. Ce temps américain (des années 20 aux années 50) est celui qu’a vécu et restitué dans ses œuvres le célèbre peintre Edward Hopper auquel la National Gallery of Art à Washington consacre une grande rétrospective. Au total, 48 huiles, 34 aquarelles, 12 gravures et deux cahiers. Hopper (1882 - 1967) est l’un des artistes les plus profondément américains qui ont capté avec une grande sensibilité la vie moderne de leur pays. Son regard s’est arrêté sur les villes et leur lot de solitude, de mystère et d’architecture prééminente. Car il se passionnait pour l’architecture, aussi bien des grandes cités que des villages. Et, pour lui, la campagne ce ne sont pas des paysages souriants, mais des maisons à toit penché, isolées sur les collines de la Nouvelle-Angleterre, des phares qui s’élancent vers le ciel ou des routes bordées de poteaux. À travers les scènes new-yorkaises qu’il a peintes, « il semble, comme le dit l’écrivain John Updike, sur le point de raconter une histoire ». Ce qu’il laisse en suspens n’est pas moins éloquent. Il est ainsi de ces compositions si connues : Noctambules, où l’on voit des clients esseulés assis au comptoir d’un « dîner » dont les néons contrastent brutalement avec les ténèbres environnantes. De même pour Une chambre à Brooklyn, Fenêtre la nuit, Automate et Tôt un dimanche matin. Mélancolie et architecture austère Lorsqu’il prend la clé des champs, l’artiste choisit des paysages ruraux principalement situés dans le Nord-Est des États-Unis : ses lieux de prédilection sont le Cape Cod (http://fr.wikipedia.org/wiki/Cap_Cod) où il a sa propriété d’été et, d’une manière générale, la Nouvelle-Angleterre dont il peint les phares (Le phare de Squam, Colline avec phare, Le phare à deux éclats). Malgré ses voyages, il reste attaché aux paysages du littoral atlantique. On est frappé par l’absence d’êtres humains dans ces paysages qui sont comme désertés, mais parfois traversés par une route (Route dans le Maine) ou une voie ferrée (Passage à niveau et Coucher de soleil sur voie ferrée). Ces lignes évoquent le voyage, le temps qui passe ou encore marquent une séparation entre la civilisation et la nature. Les maisons qu’il peint sont à l’image de la sienne à Cape Cod, d’une austère architecture géométrique. À noter que cette maison, transformée en musée, fait actuellement l’objet d’une controverse entre ceux qui voudraient ne pas altérer son environnement pour conserver « ce paysage naturel » de l’artiste et ceux désireux d’en tirer des avantages immobiliers. Hopper est aussi le peintre de la solitude et de la mélancolie. Souvent les visages de ses personnages ne trahissent aucune émotion, comme si le décor ou la situation le faisaient pour eux. Pourtant, de ses toiles se dégagent diverses impressions : silence, tension, exclusion, mélancolie. Des rues désertes, des pièces aux dimensions exagérées mettent en valeur les personnages et suggèrent un effet d’aliénation : Chambre d’hôtel, Compartiment C, voiture 193 en sont quelques exemples. Ces personnages semblent aussi en attente : dans Été, une jeune fille se tient debout sur le pas d’une porte, la main contre une colonne. Elle semble attendre que quelqu’un vienne la chercher. Certaines œuvres évoquent indirectement la libération de la femme, en cours depuis la fin de la Première Guerre mondiale : Chop Suey, Matin en Caroline du Sud et Été. La femme s’émancipe, mais Hopper la représente souvent esseulée, encore fragile, Une femme au soleil. Il traite également le sujet du nu féminin, Eleven AM, Une femme au soleil, de l’érotisme, ou du voyeurisme, Fenêtres la nuit, Matin dans une grande ville, Soleil du matin. Présents également dans ses compositions : les rapports homme-femme. Dans Hall d’hôtel, un couple âgé se retrouve, alors qu’une jeune fille est en train de lire sur la droite. Dans Hôtel près d’une voie ferrée, l’homme regarde par la fenêtre en fumant une cigarette, alors que sa femme lit sans lui prêter attention. Soir au Cape Cod, c’est un jeune couple qui discute. Ailleurs, Soleil dans une cafétéria, un homme regarde une jeune fille et s’apprête sûrement à l’aborder. Josephine Nivison, qu’il avait épousée en 1924, était elle-même peintre. Elle avait arrêté sa carrière pour lui et elle avait servi de modèle à ses personnages féminins.
Il n’était ni avant-gardiste ni rebelle. Esthétiquement et techniquement conservateur, ses visions étaient néanmoins étrangement en synchronisation avec l’abstraction de son temps. Ce temps américain (des années 20 aux années 50) est celui qu’a vécu et restitué dans ses œuvres le célèbre peintre Edward Hopper auquel la National Gallery of Art à Washington consacre...