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Actualités - CHRONOLOGIE

PORTRAIT D’ARTISTE Après un demi-siècle de triomphe belcantiste Mirella Freni, Mimi à tout jamais…

Il y a presque du défi, certainement de la passion dévorante et sans nul doute du talent et un tempérament de feu pour rester, presque un demi-siècle, sous les spots de l’actualité de l’art lyrique. De triomphe en succès fou, de bravas frénétiques en tonnerre d’applaudissements, Mirella Freni a connu toutes les ivresses de la gloire d’une soprane adorée et adulée. Conte de fées, labeur intense, coup de hasard et de chance, acharnement au travail, désir obstiné de diva de garder la une des journaux et le devant des scènes lyriques ? Tout cela à la fois, peut-être, mais les légendes ne s’expliquent forcément pas, et les succès retentissants suscitent toujours d’incroyables histoires de jalousie… Les belcantistes se souviennent avec déférence et émotion de cette enfant de Modène (tout comme Luciano Pavarotti ) qui, à dix-sept ans, pour un concours enlevé d’ailleurs haut la main, campait une Mimi, de La Bohème de Puccini, inimitable. Rôle qu’elle reprendra souvent par la suite et qui lui allait, ainsi qu’à sa voix caressante, ductile et veloutée, comme un gant. Très tôt, péremptoire et impossible à conjurer, l’appel de la musique avait jeté ses filets tentaculaires dans la vie de Mirella Freni. Elle attendra, pour mieux chanter, et sur les conseils du ténor Beniamino Gigli, que sa voix se forme convenablement. De toute évidence, le chant avait déjà belle emprise sur cette jeune fille au charme piquant avec ses cheveux d’ébène, ses lèvres pulpeuses, ses yeux de biche, son front dégagé et son nez un peu écrasé. Silhouette idéale pour ces rôles de jeunes filles (où d’ailleurs elle excellera) aux amours contrariées et au destin marqué par les revers et les sacrifices… Pour le moment, Mirella Freni sait judicieusement choisir ses personnages. Son premier rôle, bien modeste mais attestant déjà du pouvoir et des sortilèges de ses cordes vocales, au théâtre de Modène, est celui de la douce et tendre Micaela de la Carmen de Bizet. Déjà la biche et non la tigresse… Des coulisses des feux de la rampe aux battements de cœur, il n’y a qu’un pas. La cantatrice s’éprend de son prof de chant et chef d’orchestre Leone Maggiera et l’épouse. Un enfant. Très vite, exit la vie de famille et défilent, à profusion, bigarrés et extravagants, les personnages à crinoline et perruques cendrées du bel canto verdien et vériste. De la Scala au Metropolitan… Une fois de plus elle s’illustre en Mimi à Turin, mais c’est avec L’Elixir d’amour de Donizetti, dans une mise en scène de Franco Zifferelli, qu’elle accède à la notoriété internationale. Et s’égrène alors le chapelet de succès retentissants. Débuts en 1961 au Covent Garden avec le Falstaff de Verdi. À la Scala de Milan, elle sera sous la houlette de Karajan dont l’amitié et la complicité sur scène auront de grandes et heureuses répercussions sur sa grande et belle carrière. Le Metropolitan de New York sera séduit par sa Mimi (comment en aurait-il pu être autrement) mais aussi par sa Liu (Turandot de Puccini) et sa Marguerite (Faust de Gounod). Pour certains, elle était promise à être une mozartienne. Sa voix, dans les partitions du génie de Salzbourg, était pure merveille aux oreilles. Pourtant, nul ne peut nier l’âme et le souffle incomparables qu’elle inculque à ses nombreux personnages verdiens. Elle sera tour à tour une superbe Desdémone (Othello), une énergique Leonora (Forza del destino), une souveraine Aïda, une émouvante Amalia (Simon Boccanegra), une héroïque Elvira (Hernani). Non moins puccinienne, elle campera avec talent Manon Lescaut, la Tosca et Madame Butterfly. En 1976, le mariage du cinéma et de l’opéra la révélera excellente actrice avec  Les Noces de Figaro dirigé par J. P. Ponnelle. Boulimique du travail, Mirella Freni annexe en toute intrépidité et avec un bonheur exalté d’autres répertoires à son déjà si riche tableau de chasse ! On la verra ainsi dans Adrienne Lecouvreur de Gaetano Cilea, Madame Sans-Gêne de Catane et Fedora d’Umberto Giordano. Plus, encore plus, quand la cantatrice, épouse en secondes noces de Nicolaï Ghiarouv, une des basses les plus remarquables de l’après-guerre, s’enhardit et touche aux tourmentes tchaïkovskiennes avec Eugène Oniguine et La dame de pique. Rattrapée par l’âge, comme toutes les divas déclinantes, elle fonde un centre de bel canto à Vignola, écrit ses mémoires (Mio caro teatro) et devient docteur honoris causa de Pise. Entre-temps, elle fêtera dans un éclat de reine consacrée, en un concert resté unique dans les annales de l’art lyrique, par sa célébration et sa qualité d’émotion avec le public, ses cinquante ans de carrière à New York. Aujourd’hui encore, à plus de soixante-dix ans, se partageant sagement, loin des feux de la rampe, entre souvenirs merveilleux, conseils aux jeunes chanteurs et cours pédagogiques, l’enfant chérie de Modène (une fois de plus, tout comme Luciano Pavarotti) demeure une icône vivante de l’art lyrique. Souvenirs impérissables qui laissent des traces indélébiles dans la mémoire des belcantistes, surtout verdiens. Que choisir dans ces nombreux coffrets où, comme un insaisissable chant de rossignol, se déploient tant de virtuosités vocales ? Un air de Mozart ? La tristesse et les craintes de Desdémone ? Les implorations impossibles de Marguerite, les soupirs de Manon Lescaut ? Des femmes appartenant à des mondes bien différents à part le partage de l’amour… Peu importe cette riche palette de sentiments contradictoires, car seule la voix est ici vecteur d’ultime émotion. On revient bien sûr à Mimi de La Bohème de Puccini. Jamais mélodie n’a coulé de source aussi claire. Un moment immatériel et euphorisant qui réconcilie avec la vie et ses poisses. Edgar DAVIDIAN
Il y a presque du défi, certainement de la passion dévorante et sans nul doute du talent et un tempérament de feu pour rester, presque un demi-siècle, sous les spots de l’actualité de l’art lyrique. De triomphe en succès fou, de bravas frénétiques en tonnerre d’applaudissements, Mirella Freni a connu toutes les ivresses de la gloire d’une soprane adorée et adulée. Conte de...