Rechercher
Rechercher

Actualités

Une fatwa qualifiée de « révolutionnaire » par plusieurs anthropologues et sociologues L’islam n’autorise pas les hommes de la famille à tuer les femmes pour « laver l’honneur »

En août dernier, l’uléma Mohammad Hussein Fadlallah a émis une fatwa condamnant les crimes d’honneur, appelant à les sanctionner comme tout autre crime. Une fatwa, fortement saluée par des anthropologues et sociologues, d’autant qu’elle est considérée comme « révolutionnaire ». À l’origine de cette fatwa, « l’expansion du phénomène des crimes d’honneur au Liban et dans la région arabe et islamique, comme la Jordanie, l’Irak et la Palestine », explique le cheikh Hussein el-Khochen, responsable des écoles religieuses relevant de l’uléma Fadlallah. « Ce phénomène n’a aucune relation avec la religion, ajoute-t-il, mais émane de la mentalité tribale et machiste de nos sociétés arabes qui continuent à considérer la femme comme la propriété de l’homme. L’islam combat ces pratiques. » Il était donc important que l’uléma Fadlallah « dénonce ces crimes dans une fatwa claire et les incrimine pour plusieurs raisons d’ordre moral et religieux. En effet, ces crimes sont souvent perpétrés sur base de suspicion sans aucune preuve que la victime a eu un comportement à implication immorale, constate le cheikh Khochen. Je cite dans ce cadre l’exemple d’une Jordanienne tuée par son frère après que ce dernier eut trouvé sa photo sur le cellulaire de son ami. Or la photo sur le cellulaire ne signifie pas que la fille en question a une relation sexuelle avec l’individu. Dans ce cas, comme dans tant d’autres, le crime a été commis sur base de suspicion. Ce qui est très dangereux. Je vais aller plus loin et supposer que cette femme a vraiment eu un comportement immoral. Qui autorise le frère ou le père à la tuer ? Qui d’ailleurs a précisé que la mort est la sanction de l’adultère ? Même l’islam, qui admet le principe de sanction pour l’adultère, n’a pas précisé que celle-ci doit être la mort. La religion n’autorise pas les hommes de la famille à tuer les femmes. » Dans l’islam, « l’adultère doit être confirmé par une autorité juste », sur base du témoignage de quatre témoins « sages » qui doivent certifier l’acte sexuel. Il ne suffit pas, en fait, d’attraper un homme et une femme dans un lit ou enlacés, « mais de témoigner de l’acte sexuel dans ses moindres détails ». « Même si l’acte sexuel a été filmé, le film en question est rejeté, d’autant qu’il pourrait être tronqué », note le cheikh Khochen. « Dans l’islam, l’honneur n’est pas du seul ressort de la femme, insiste-t-il. L’islam n’établit pas une différence entre l’homme et la femme, les personnes appartenant aux deux sexes devant avoir un comportement irréprochable sur le plan moral. » Donner une image différente de l’islam Cette fatwa a pour but donc de rectifier la situation et d’incriminer les auteurs du crime. « Elle condamne aussi la situation juridique dans le monde arabe qui fait bénéficier à l’auteur du crime dit d’honneur de circonstances atténuantes, ce qui encourage ce phénomène, souligne cheikh Khochen. Nous refusons cela et affirmons qu’il n’y a aucune différence entre un crime et un autre et que par conséquent, il n’y a aucune raison de faire bénéficier le criminel de circonstances atténuantes. Si le crime dit d’honneur est condamné comme n’importe quel autre crime de droit commun, nous espérons pouvoir faire régresser ce phénomène. Et loin de défendre les comportements immoraux, cette fatwa a pour objectif de placer les choses dans leur véritable contexte et de faire justice. » La fatwa est-elle contraignante sur le plan juridique ? « Les régimes dans le monde arabe et islamique ne se fondent pas sur le jugement des dignitaires religieux, répond le cheikh Kochen. Même si la religion officielle de l’État est l’islam, la réalité est toute autre, d’autant qu’on n’applique pas les préceptes islamiques. Une action doit s’inscrire dans le cadre des centres législatifs dans le monde arabe et islamique, à savoir les Parlements, qui doivent agir à la lumière de cette fatwa et légiférer en conséquence pour juger enfin ces crimes et combattre les débordements dans ce domaine. » Malheureusement, certains Parlements arabes protègent, défendent et font bénéficier les auteurs de crimes dits d’honneur de circonstances atténuantes, déplore le dignitaire religieux, réaffirmant que l’islam n’accorde pas à l’homme le droit de tuer. « Il faut œuvrer à cultiver les gens en les faisant prendre conscience des enseignements de l’islam qui rejette ces actes », insiste-t-il. Que change donc cette fatwa ? « Elle constitue une condamnation de cette réalité et attire l’attention sur le fait que de tels comportements sont répréhensibles, dans l’espoir que ce type d’actions soit jugulé grâce aux déclarations d’une autorité religieuse respectée, affirme le cheikh Kochen. De plus, cette fatwa est un message aux régimes arabes et islamiques et les invite à assumer leurs responsabilités à ce niveau. Par ailleurs, c’est une voix qui s’adresse au monde pour qu’il sache que l’islam ne se réduit pas à ces hommes qui tranchent des têtes ou commettent des crimes dits d’honneur. La fatwa essaie de donner une image différente dans ce domaine. » Le cheikh Khochen note, en outre, que l’uléma Fadlallah a émis plusieurs fatwas autorisant l’hyménoplastie si la perte de la virginité constitue un danger pour la vie de la fille, d’autant que celle-ci « aurait pu perdre sa virginité pour d’autres raisons que sexuelles ». Et de conclure : « L’important dans l’islam c’est de porter les autres à adopter un meilleur comportement et à ne pas douter des autres. »
En août dernier, l’uléma Mohammad Hussein Fadlallah a émis une fatwa condamnant les crimes d’honneur, appelant à les sanctionner comme tout autre crime. Une fatwa, fortement saluée par des anthropologues et sociologues, d’autant qu’elle est considérée comme « révolutionnaire ».
À l’origine de cette fatwa, « l’expansion du phénomène des crimes d’honneur au Liban et...