PORTRAIT D’ARTISTE - Maître incontesté du clavecin Christophe Rousset ou l’archange du baroque

Un archange, ça sert à quoi ? Question qui inquiète et fait sourire plus d’un un…Un archange aux ailes déployées, un archange qui se fond avec l’azur, un archange quintessence de l’élévation, autant d’images qui rassurent ou amusent les moins croyants, les moins vertueux. Un archange sauve aussi des périls et des descentes en enfer, un archange veille au bien-être, à défaut du corps, de l’esprit et de l’âme. Et Christophe Rousset dans tout cela ? Nous y reviendrons ! Qui est d’abord ce claveciniste hors pair, né à Aix-en-Provence, pays des oliviers et de la lavande, un 12 avril 1961 ? Pour certains, il pourrait aisément être un jeune premier du cinéma français, style nouvelle vague, tant son physique avantageux, à la Gérard Philippe en herbe, le porte à une agréable image de publicité, genre souriez « Gibbs »… Cheveux châtain clair coupés élégamment à la Errol Flyn, allure sportive avec des vestes toujours au goût du jour, voilà un garçon, tambour battant, très enfant du siècle. Mais voilà, ce jeune homme, qui va allègrement sur ses quarante-sept ans, a un amour fou pour la musique. Pas n’importe quelle musique ! Surtout celle de la période baroque. Qui aurait dit qu’il est aussi un champion des touches du clavecin dont il est un maître incontesté ? Études de clavecin – bien sûr – d’abord à la Schola Cantorum à Paris, ensuite formation supérieure à La Haye. Très vite, un premier prix remporté haut la main à Bruges attire l’attention sur ses prestations et jette les projecteurs de la gloire sur ses performances. Mais ce qu’on a omis de dire c’est que Christophe Rousset est aussi chef d’orchestre. Il organise des concerts et forme des ensembles où la jeunesse a le vent en poupe et se fixe sur « Les talents lyriques » (pour quelqu’un originaire d’Aix-en-Provence, cette appellation est sans commentaire) qu’il groupe, avec un succès planétaire, sous sa férule. Tout en explorant les partitions, de l’opéra aux concertos en passant par l’oratorio, les sonates et les symphonies, de l’Europe musicale des XVIIe et XVIIIe siècles. Il a le mérite de découvrir et d’exhumer des pages laissées à l’ombre et dans l’oubli, dont cette Antigone de Traetta. Opus qui a émerveillé les mélomanes du monde entier. Dons de soliste et de chef d’orchestre D’une activité intense, alliant ses dons de soliste haut de gamme à ses directions de festivals spécialisés, tout en assumant des fonctions de pédagogue hors pair, Christophe Rousset a le temps d’entreprendre de nombreux enregistrements. Grâce à lui, Couperin, Salieri, Lully, Rameau, Bach (le clavier bien tempéré) ont des résonances renouvelées. Du Théâtre des Champs-Élysées au Capitole de Toulouse en passant par le Châtelet, Sydney et Berkeley, les prestations de ce claveciniste inspiré sont unanimement acclamées. Nul n’oublie le retentissant succès qu’il obtint à Amsterdam avec Le couronnement de Poppée. Plus proche de nous est la bande-son du film sur Farinelli où Christophe Rousset a coulé tout son sens de l’esthétique baroque. À son répertoire s’inscrivent des œuvres de Haendel (Scipione, Riccardo Primo), Mozart (Mithridate), Monteverdi, Pergolèse (Stabat Mater) et Scarlatti. Avec lui, véritable militant et amoureux du clavecin, la musique baroque est réactualisée, revalorisée, remise sous les feux de la rampe. Avec ses nuances, sa dimension, sa puissance, sa fragilité, ses mélodies, ses échos du passé... Auréolé de gloire, officier des Arts et des Lettres et chevalier de l’ordre national du Mérite, Christophe Rousset s’affirme vedette à part entière en illuminant de son sourire la couverture de Diapason, il y a quelques années. Homme d’une très vaste culture musicale, régie surtout par la curiosité et le goût de découvrir, Christophe Rousset est un artiste qui définit volontiers « la musique comme la promesse d’un ailleurs ». Cet ailleurs où travailler la terre est un bonheur de plus. Comme celui qu’il pratique en Toscane et à Aix-en-Provence où il cultive des oliviers, symboles de paix, bénis par Dieu… On revient à l’archange qui défend, de ses ailes déployées, avec tant de ferveur, d’acharnement, de sentiments et de passion, la musique baroque. Pour mieux retrouver Christophe Rousset, lâchez ces notes nacrées et perlées comme un collier scintillant dont les grappes ne tiennent plus… Sur votre platine, il y a les sonates de Scarlatti au clavecin. « Ailleurs », comme dans un rêve ébloui, est alors à proximité d’écoute et à portée de main… Edgar DAVIDIAN