Plus de 1 300 religieux ont défilé aujourd’hui à Rangoun ; un groupe bouddhiste affirme que les manifestations continueront Les moines birmans accentuent la pression sur le régime militaire

Le mouvement de protestation contre la junte militaire a connu une escalade hier en Birmanie où plus de 1 300 moines bouddhistes ont participé à de nouveaux défilés dans la ville de Rangoun sous les applaudissements de milliers de personnes, ont indiqué des témoins. Au moins trois marches, ponctuées par des prières dans des pagodes, ont été signalées à travers la plus grande ville de Birmanie, pays gouverné par des juntes successives depuis 45 ans. La principale opposante, Aung San Suu Kyi, 62 ans, est assignée à résidence à Rangoun depuis 2003. Les rassemblements se sont déroulés sous la pluie et, comme les deux jours précédents, de nombreux agents en civil ont surveillé les manifestants, sans intervenir. Les manifestations religieuses d’hier, auxquelles se sont joints de nombreux badauds et de jeunes étudiants, ont marqué une escalade de la pression sur le régime militaire, confronté depuis plus d’un mois à une vague de mécontentement liée à une brusque augmentation des prix. « Il y a clairement une escalade », a dit un diplomate occidental, soulignant le nombre croissant de gens ordinaires désormais ouvertement derrière les moines. Il a parlé de plusieurs milliers de personnes pour la journée d’hier. Le plus grand rassemblement a eu lieu à la pagode Sule, dans le centre de Rangoun, où quelque 600 moines ont prié après avoir marché à travers la ville. Quelque 2 000 personnes, qui se trouvaient à l’extérieur, ont aussi récité des prières et applaudi les bonzes, selon des témoins. En outre, des centaines de jeunes, principalement des étudiants, ont, à un moment, formé une chaîne humaine. Auparavant, ce groupe de 600 moines s’était rendu à la célèbre pagode Shwedagon, complexe de temples, où les autorités les ont laissés pour la première fois entrer, après avoir fermé l’édifice – qui est aussi une attraction touristique – mardi et mercredi. Plus tôt, ils avaient défilé dans Rangoun et étaient passés devant le siège de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Mme Suu Kyi, seul prix Nobel de la paix privé de liberté dans le monde. Des militants de la LND étaient sortis pour saluer les moines, en robe safran, qui étaient âgés pour la plupart d’une vingtaine d’années. Certains bonzes marchaient pieds nus. Un autre groupe comprenant quelque 400 moines s’est également rendu séparément à la pagode Shwedagon, selon des témoins. Un troisième défilé auquel participaient quelque 350 bonzes a enfin été signalé dans le sud de Rangoun. Des groupes de moines bouddhistes sont désormais à l’avant-garde des manifestations contre le régime. Des membres de l’opposition avaient pris la tête de défilés le 19 août après l’augmentation massive des carburants. Les autorités ont, depuis, procédé à des dizaines d’arrestations dans les rangs de la LND. Des bonzes avaient été frappés par des miliciens favorables à la junte lors d’un rassemblement le 5 septembre dans la localité de Pakokku, à plus de 500 kilomètres au nord de Rangoun. Un groupe clandestin s’appelant « l’Alliance de tous les moines bouddhistes » avait ensuite appelé les religieux à participer à des marches et à refuser les aumônes de militaires si les autorités ne présentaient pas des excuses pour les violences de Pakokku avant le 17 septembre. Le lendemain, le 18, des groupes de moines avaient lancé un mouvement de protestation, apparemment coordonné, à travers le pays, y compris à Rangoun. « Nous continuerons à manifester jusqu’à ce que nous obtenions la liberté », a déclaré hier à l’AFP un homme se présentant comme un porte-parole de l’Alliance de tous les moines bouddhistes.