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L’inauguration du barrage, prévue jeudi, a été reportée suite à l’assassinat d’Antoine Ghanem Chabrouh : un stockage de 8 millions de mètres cubes pour desservir le Kesrouan et une partie du Metn Suzanne BAAKLINI

C’est jeudi dernier qu’aurait dû être inauguré un nouveau barrage hydraulique au Liban, celui qui était attendu depuis un moment déjà, le barrage de Chabrouh, dans le haut Kesrouan. Une inauguration toutefois ajournée, suite à l’assassinat du député Antoine Ghanem. Malgré les protestations des écologistes qui n’aiment pas l’option des barrages, vu les modifications dans les écosystèmes fluviaux qui en résultent, ce barrage reste néanmoins celui qui devra assurer, dès le printemps prochain (donc la prochaine fonte des neiges), de l’eau potable plus régulièrement aux habitants du Kesrouan et d’une partie du Metn. À cette occasion, les caractéristiques du projet et les prochaines étapes de ce fameux « plan décennal » du ministère de l’Énergie et de l’Eau sont passées en revue par le directeur général des ressources hydrauliques et électriques du ministère, Fadi Comair. La construction du barrage de Chabrouh a débuté en août 2002 avec déjà deux ans de retard, et devait s’achever en 2006, mais a été retardée d’un an en raison de l’attaque israélienne sur le Liban cet été-là. Avec ses huit millions de mètres cubes de capacité de stockage, Chabrouh a été conçu pour combler les lacunes de l’alimentation en eau potable de la population du Kesrouan et d’une partie du Metn jusqu’en 2025. Il est situé exactement à cinq kilomètres au nord-est de Faraya, dans une zone exempte de failles actives et sur une formation géologique pouvant assurer des fondations stables et une étanchéité adéquate, selon les études du ministère. L’eau stockée dans ce barrage proviendra essentiellement de la fonte des neiges qui vient alimenter le cours d’eau de Nabaa el-Laban (5,5 millions de mètres cubes par an), et le bassin de Wadi Chabrouh (2,5 millions de mètres cubes par an environ). Pour cela, une structure a été prévue en amont du barrage servant à acheminer l’eau à un débit de 1,5 mètre cube par seconde, vers la retenue du barrage. En aval de celui-ci (150 mètres plus bas) se trouve une station de traitement de l’eau potable, avec une capacité à traiter 60 000 mètres cubes par jour. Parmi les objectifs fixés pour ce projet, il s’agit évidemment de réduire les déficits en eau dans les cazas du Kesrouan (littoral et montagne) et du Metn, en période d’étiage, dans l’attente de la construction d’autres ouvrages spécialement conçus pour cette seconde région. Mais il y a, selon les concepteurs du projet, d’autres bénéfices parallèles à en retirer, notamment l’arrêt du pompage (de l’eau des puits) et les économies financières et énergétiques qui en résultent, une meilleure préservation des eaux souterraines et, enfin, une réfutation de l’argument selon lequel nos eaux de surface sont rejetées en mer sans être exploitées –, ce qui, dans l’attente de la mise en place de la stratégie de préservation et de développement de nos ressources hydrauliques, reste, soit dit en passant, un argument qui se tient parfaitement. Ce dernier projet a été financé par l’État à hauteur de 43 millions de dollars. Premier problème de gestion Pour sa part, M. Comair met l’accent sur les bénéfices de ce projet, mais aussi sur les défis qu’il a fallu surmonter et les obstacles qui entravent toujours la réalisation de la stratégie décennale. Interrogé sur les trois ans de retard dans la construction de Chabrouh, il rappelle d’abord le retard dû à la guerre de juillet dernier. « Le matériel devait arriver le 15 juillet 2006, le conflit a éclaté le 12, et les experts français et étrangers ont été évacués, ce qui a retardé l’ouverture du barrage à 2007, souligne-t-il. Les deux autres années de retard étaient dues à un gel de tous les projets par l’État qui voulait en étudier la rentabilité, en plus des problèmes administratifs continus. » Maintenant que le barrage est finalisé, il devrait, selon l’usage, être livré par la direction des ressources hydrauliques et électriques aux Offices des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban. « Mais comme les installations sont nouvelles et en vue de familiariser les équipes des Offices des eaux à leur maniement, nous avons signé un contrat avec Électricité de France (EDF), l’un des plus grands experts en matière de barrages, pour leur confier la gestion de Chabrouh durant deux ans, avec formation des ingénieurs locaux », précise M. Comair. Or c’est là que s’est déclaré le premier problème dans la gestion du futur barrage. « L’EDF nous a récemment envoyé une lettre pour nous notifier du fait que ses ingénieurs ne pourront se rendre au Liban pour des raisons de sécurité, et qu’elle gelait par conséquent le contrat », révèle-t-il. M. Comair dit avoir abordé ce problème avec le ministre Mohammad Safadi et avec le Premier ministre Fouad Siniora, qu’il ne désespère pas de faire changer d’avis les Français et qu’il est même « optimiste » à ce propos. L’alternative, selon lui, serait de confier l’entretien aux consultants privés du projet, en attendant la formation des équipes. Sachant que le barrage sera définitivement livré aux Offices des eaux fin novembre, et que la tâche de la direction générale des ressources hydrauliques et électriques s’arrêtera là. Une stratégie au point mort Dans le cadre de la stratégie décennale, Chabrouh est considéré comme un « grand barrage », du fait qu’il fait plus de dix mètres de haut, mais en termes de stockage d’eau, il reste assez moyen puisque sa capacité ne va pas au-delà des 8 à 10 millions de mètres cubes, alors que d’autres constructions permettront, une fois achevées, de retenir quelque 50 à 60 millions de mètres cubes d’eau. « Il s’agit quand même du seul barrage du Moyen-Orient à être situé à une telle altitude », déclare M. Comair. Le plan décennal en lui-même, mis au point depuis 1999, continue d’être dans une mauvaise passe. Selon le directeur général, cette stratégie est composée de projets devant être financés dans le cadre du budget alloué à la direction générale sur dix ans. « Dans le cadre de la stratégie, nous devions travailler sur les sources d’eau et localiser les meilleurs emplacements pour la construction de barrages, dit-il. L’objectif est d’arriver à stocker environ 850 millions de mètres cubes d’eau par an et les acheminer vers les usagers. De nombreux réseaux d’eau potable ont été construits ces dernières années, mais ils restent vides faute d’être reliés à des ressources. » M. Comair insiste sur la rentabilité de pareils projets. « Si nous considérons que la rentabilité pour l’État de l’eau distribuée est d’environ 10 % (20 dollars par mètre cube par an), cela signifie que de tels bénéfices lui permettraient de clôturer sa dette publique en une dizaine d’années, estime-t-il. Il ne faut pas perdre de vue la valeur économique de l’eau. » Quand on lui demande quel sera le prochain projet entrepris dans le cadre du plan, M. Comair affirme simplement que « le problème ne se situe pas à notre niveau, mais au niveau des décideurs politiques ». Il rappelle que d’autres barrages ont fait l’objet de plus d’une étude et de plus d’une adjudication, sans résultat. À part Chabrouh qui sera livré bientôt, les travaux ont dû être gelés sur le barrage de l’Oronte, en raison d’un bombardement israélien l’an passé, et du retard dans le versement des indemnités dues à l’entrepreneur chinois. Empêcher les constructions dans les alentours Il est bien connu que les barrages sont particulièrement impopulaires auprès des écologistes, qui, se basant sur de nombreuses études, considèrent ces structures comme des agents qui modifient irrémédiablement les systèmes écologiques des milieux naturels où ils sont situés. Normal, puisqu’ils détournent l’eau de son cours naturel et servent à son stockage durant des semaines voire des mois. Que dire alors d’une stratégie basée seulement sur la construction de barrages ? D’emblée, M. Comair affirme que le projet de Chabrouh a fait l’objet d’une étude d’impact environnemental. Selon lui, les résultats se sont avérés positifs. « Le Liban est un pays semi-aride, où les cours d’eau se vident totalement en été, rappelle-t-il. Construire des barrages conduira à favoriser les écosystèmes puisque l’eau reste en place toute l’année, et que la période de sécheresse s’en trouve réduite. » Par ailleurs, M. Comair ajoute que le projet a respecté les critères imposés par la Banque mondiale, notamment en raison du fait qu’il n’a pas causé de déplacement de populations, qu’il n’a pas engendré des modifications radicales des écosystèmes locaux, qu’il n’a pas impliqué de déforestation, et qu’il n’a pas nécessité l’ouverture de carrières dans ses environs (à signaler que des carrières ont quand même été exploitées ailleurs). Il attire également l’attention sur le fait que la pierre utilisée est similaire à celles des montagnes alentour, et que, par conséquent, l’édifice s’insère facilement dans le paysage. « Nous l’avons construit en échelle afin qu’il puisse être utilisé pour des activités touristiques », ajoute-t-il. Le directeur général fait allusion à un autre danger qui pourrait guetter l’avenir du projet : des constructions dans le périmètre du futur barrage. « J’ai envoyé une lettre à la Direction générale de l’urbanisme lui demandant d’empêcher la construction autour du bassin, afin de prévenir toute pollution, dit-il. Certains politiciens ont protesté. Je leur ai répondu que la prévention de la pollution de cette eau stockée est indispensable, et que la station a été prévue pour traiter l’eau, pas pour l’épuration d’égouts à ciel ouvert. » À bon entendeur…
C’est jeudi dernier qu’aurait dû être inauguré un nouveau barrage hydraulique au Liban, celui qui était attendu depuis un moment déjà, le barrage de Chabrouh, dans le haut Kesrouan. Une inauguration toutefois ajournée, suite à l’assassinat du député Antoine Ghanem.
Malgré les protestations des écologistes qui n’aiment pas l’option des barrages, vu les...