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Actualités - CHRONOLOGIE

BEIRUT STREET FESTIVAL - « Nahna el-Nass », des statues mouvantes sous le pont Barbir Quand le mime devient parlant !

« Si c’était une performance politique, on y aurait pris part. Mais l’art, dites-moi, ça sert à quoi ? » lance, avec désinvolture, un passant de la rue Barbir en découvrant une petite foule de curieux agglutinés autour d’un trio de mimes, sous le pont de ce quartier populaire et grouillant. Tout de blanc vêtus, le visage et les mains enduits d’une pâte blanche – qu’ils se sont d’ailleurs appliquée, sur place, devant les badauds attentifs et surpris – Jad Hakawati, Hanane Dirani et Jamal Krayem, tous trois diplômés en art de la scène, et membres de la compagnie Souar (Images) rompue aux spectacles de rue, y présentaient une performance intitulée Nahna el-Nass. Une sorte de pantomime interactive par laquelle les comédiens silencieux copient les faits et gestes des gens qui les entourent, leur réfléchissant ainsi par un effet de miroir, une certaine image d’eux-mêmes, de leurs comportements automatiques, de leurs attitudes machinales ou encore de leurs réflexes spontanés. D’où le titre de la prestation. Mise au point il y a quatre ans, lors d’un atelier de théâtre mené en collaboration avec une troupe italienne, ce travail de « mime spontané » avait déjà été réalisé dans différents quartiers de Beyrouth (rue Bliss, rue Mar Élias, puis au centre-ville) et même à Dubaï, avec, à chaque fois, un impact différent. Une performance, comme celle qu’on voit quotidiennement dans les rues, les métros, les places publiques en Europe, mais qui prend chez nous, du moins dans certains quartiers de la capitale, une importance inhabituelle du fait de la rareté des manifestations artistiques de rue. Du coup, ce sont les commentaires des spectateurs qui deviennent matière à amusement – mais aussi à réflexion sociologique – formant ainsi une pièce de théâtre, où les acteurs se divisent en deux catégories : les professionnels, mimes silencieux, d’une part, et les figurants, issus de la foule des passants, desquels fusent spontanément des « réparties » drôles, vaudevillesques ou... terriblement dramatiques, d’autre part. À l’instar de ce monsieur qui jette sur ces « statues mouvantes » un regard méprisant avant de hocher la tête en marmonnant entre ses dents : « La dette du pays a atteint les 40 milliards de dollars et voilà ce qu’ils nous servent », ou cet autre qui ricane en passant son chemin : « Tous des fous ! » Mais aussi ces commentaires insolites : « Bon, il va falloir qu’ils prennent leur bain », « Regardez, il y a une fille parmi eux », ou encore à une femme qui se demandait ce qu’était cette pâte que les mimes s’étalaient sur le visage «C’est une crème antirides ». Et cette question éloquente – du point de vue sociologique toujours – qui a été posée à de nombreuses reprises : « C’est une publicité pour la banque ? » (la Bank of Beirut, à proximité de laquelle se déroulait la performance). Les gens, la rue, les situations banales, les réactions automatiques... Quoi de plus révélateur des mentalités qu’un spectacle de rue ? Parfois, le mime invite à la parole... Zéna ZALZAL
« Si c’était une performance politique, on y aurait pris part. Mais l’art, dites-moi, ça sert à quoi ? » lance, avec désinvolture, un passant de la rue Barbir en découvrant une petite foule de curieux agglutinés autour d’un trio de mimes, sous le pont de ce quartier populaire et grouillant.
Tout de blanc vêtus, le visage et les mains enduits d’une pâte blanche –...