Rechercher
Rechercher

Actualités

Dar al-Amal inaugure son nouveau centre de prévention à Nabaa Béchara MAROUN

« Tout ce qui n’est pas donné est perdu. » P. Ceyrac C’est dans une des ruelles tortueuses de Nabaa, là où enfance rime avec délinquance, là même où la pauvreté a su éradiquer toute idée de bonheur, là où 150 000 personnes se partagent quelque 2 km carrés et demi, que la fondation Dar al-Amal a voulu construire son nouveau centre de prévention spécialisée. Ce n’est pas la première fois que la « maison de l’espoir » tente de rendre le sourire aux enfants de la région ; elle a depuis 1987 aménagé un centre de prévention dans Bourj Hammoud qui accueille les jeunes filles âgées de 10 à 18 ans, en difficulté d’adaptation, fragilisées par leurs conditions de vie familiale et sociale. Le nouveau bâtiment n’est qu’une extension du local initial, devenant insuffisant devant le nombre d’adhérents et les besoins pressants de la région. Mais Dar al-Amal n’est pas le fruit récent de ces dernières années. Fondée en 1969, elle avait pour seul but d’aider les filles mineures ou adultes victimes de l’exploitation et de la prostitution à Zeytouné, et ce n’est pas peu dire. À l’époque, Zeytouné était le quartier où la prostitution était réglementée par la loi et contrôlée par l’État. Mais le centre ayant été détruit par la guerre, l’association a déménagé pour s’installer à Sin el-Fil, où elle y est encore. Dar al-Amal est aussi l’histoire de ceux qui agissent en milieu carcéral, où vieillissent en prison des mineures et des femmes en conflit avec la loi et exclues de la société. À Baabda, dans la prison des femmes, l’association a su améliorer les conditions de détention, développer les potentialités des détenues et préparer leur réinsertion sociale. Dans ces trois centres, Dar al-Amal a vite su se différencier du reste des associations, guidée par une femme de qualité, Hoda Kara, coordinatrice générale de Dar al-Amal. L’inauguration du nouveau centre a eu lieu jeudi 6 septembre, lors de la kermesse annuelle organisée par le centre, en même temps qu’une exposition des artisans de la région. Un événement présenté comme le « festival dans les ruelles de Nabaa ». « Amineh, un verre d’eau s’il te plaît. » La jeune fille disparaît dans les ruelles de Nabaa, trop contente d’avoir reçu un ordre à exécuter. « L’état de la région est atroce, souligne Mme Kara. Ici, les parents sont pour la plupart chômeurs, les maisons mal construites, les jardins inexistants, et l’approvisionnement en eau et en électricité faible. Les enfants travaillent ou ne font rien du tout. Rares sont ceux qui vont à l’école. À Dar al-Amal, nous aidons ces jeunes filles. Des assistantes et des animateurs sociaux, des psychiatres, des éducateurs et des moniteurs d’ateliers aident les jeunes à consolider leur identité, développer leurs potentialités et réaliser leur projet de vie. Nous avons des services d’écoute, des loisirs, des activités de développement personnel et communautaire, des sessions de formation professionnelle. » « Donner à nos enfants des conférences sur l’éducation sexuelle, les droits de l’enfant, la drogue est une de nos priorités », affirme Mme Kara. Répondant à une question sur les moyens de financement, elle déclare que « Dar al-Amal compte sur les subventions des associations internationales ». « Pour ce qui est de la construction du nouveau centre, elle a été financée par Mme Salha Richani, qui a collecté 50 000 dollars pour notre cause, précise Mme Kara. Le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) a ensuite aidé à équiper et à aménager le centre. » Dans les ruelles reliant le premier centre au nouveau, la kermesse bat son plein. Les enfants de la région de Bourj Hammoud sont tous là et participent aux divers jeux proposés par les bénéficiaires de Dar al-Amal. Ici ce n’est pas Disneyland, mais il y a de quoi faire tourner la tête aux plus jeunes. Des artisans exposent dans le vieux souk leurs travaux manuels, de la fabrication des colifichets à la broderie en passant par le crochet. Les sponsors (municipalité de Bourj Hammoud, Sukleen, Bank Audi, World Vision, Jubeily and Brothers, Dunkin Donut, Cortina, Graffiti et Save the children sweden) sont pour la plupart présents. Au nouveau centre, les travaux des prisonnières de Baabda sont vendues. Ghada Abi Hakim, assistante sociale dans la prison depuis trois ans, affirme que « l’association ne cherche pas à tirer profit de ces produits ». « Les femmes détenues sont payées pour la fabrication de ces serviettes et de ces bracelets, déclare-t-elle. Elles ont suivi des sessions de formation pour cela. Dar al-Amal est vraiment la chose la plus utile qui leur soit arrivée. C’est même l’association qui poursuit leur cas judiciaire quand elles ne peuvent le faire et les aide à se réintégrer dans la société. » Le membre du conseil municipal de Bourj Hammoud Joseph Kahwaji, dans une déclaration à L’Orient-Le Jour, déplore la situation dans la région, « où vivent 150 000 personnes sur 2 km carrés et demi de terrain ». « Notre municipalité n’intervient pas directement sur le terrain, mais à travers les associations comme Dar al-Amal, qui est sans doute l’une des plus actives ici », déclare-t-il. Le général à la retraite Michel Nassif, membre du conseil d’administration de Dar al-Amal, explique l’importance accordée à l’association par le fait qu’elle a « l’un des meilleurs conseils d’administration au Liban ». « La transparence dans leurs affaires est leur atout essentiel, explique-t-il. C’est ce qui encourage à leur venir en aide, et la preuve est bien présente : ils ont été les premiers à bénéficier du soutien de la Banque mondiale. » Dans l’ancien bâtiment, l’inauguration officielle commence par des paroles sincères de Normande, Sarah et Zeina, des bénéficiaires du centre, qui remercient l’association qui « a été pour elles un vrai foyer de l’espoir ». « Je suis maintenant mariée et j’ai un enfant, affirme Zeina. C’est grâce à Dar al-Amal que j’ai pu réussir ma vie et l’extirper d’un échec indubitable. C’est ici que j’ai pu trouver de vrais frères et une vraie famille. » C’est au tour de M. Salah Bou Raad, qui a contribué à l’opération d’aménagement du nouveau centre et ancien président de Cellis, de prendre la parole. « Tout ce qui n’est pas donné est perdu », dit-il, citant le père Ceyrac. « C’est seulement à travers l’autre que notre vie prend un sens et de la consistance, déclare M. Bou Raad. L’amour est le ciment qui unit l’humanité, l’oxygène de nos vies qui seul peut combattre la puissance de l’argent et du pouvoir. » Le secrétaire général du Conseil supérieur de l’enfance, Élie Mikhaël, prend ensuite la parole au nom de la ministre des Affaires sociales Nayla Moawad, rendant hommage à l’association, « qui a travaillé de façon synchrone avec le ministère avec une efficacité incroyable ». « Nous essayons maintenant d’établir des relations complémentaires entre les ONG et le ministère, entre secteurs public et privé, poursuit M. Mikhaël. Dar al-Amal est une fierté pour nous car elle enrichit le service social national par ses exploits et concrétise la vision du ministère sur ce que devraient être les ONG. Dar al-Amal fait réussir les objectifs communautaires tout en se rapprochant et en sympathisant avec les gens de la région. C’est l’essentiel. » M. Tarek Assayran, au nom du CDR, félicite ensuite « la maison de l’espoir », qui est « la première ONG à avoir collaboré avec le CDR », insistant sur le fait que « le vrai défi est de montrer l’efficacité du nouveau centre ». Saluant les représentants des ambassades de Suisse et du Canada, présents à l’inauguration, M. Habib Hatem, porte-parole de Dar al-Amal et de l’ambassadeur Joseph Donato, rappelle les droits de l’enfant. « Ces enfants ont le droit de grandir dans un environnement sain, le droit à la prévention de la violence, de la maltraitance et de l’exploitation, déclare M. Hatem. Ils ont le droit de s’exprimer, de réaliser leur projet de vie, de développer leurs talents... » Au-dessus des ruelles de Nabaa, le soleil lance ses derniers rayons. Au centre, les personnes présentes lèvent leur verre à la santé de Dar al-Amal... Les enfants crient toujours. Ils dormiront un peu plus heureux ce soir.
« Tout ce qui n’est pas donné est perdu. »
P. Ceyrac

C’est dans une des ruelles tortueuses de Nabaa, là où enfance rime avec délinquance, là même où la pauvreté a su éradiquer toute idée de bonheur, là où 150 000 personnes se partagent quelque 2 km carrés et demi, que la fondation Dar al-Amal a voulu construire son nouveau centre de prévention spécialisée. Ce n’est...