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Actualités - OPINION

En marge d’une bataille gagnée Victoire militaire ou défaite divine ?

Elle aura duré 106 jours, la bataille durant laquelle la puissance publique libanaise a assumé ses responsabilités en matière de souveraineté nationale. Le camp de Nahr el-Bared a fini par tomber sous les coups de boutoir de l’armée nationale, démunie, à court de munitions, mais déterminée à n’épargner aucun effort en terme d’impôt du sang afin de défendre le monopole de la puissance publique à exercer la force dans les limites de ce que la loi autorise. Qui était l’ennemi ? On peut le qualifier de tous les noms : exaltés, illuminés, inspirés, justiciers métaphysiques, hors-la-loi, assassins, criminels de droit commun, rebelles, etc. Mais cela ne doit pas faire oublier que les membres affiliés à Fateh el-Islam et qui ont défié la souveraineté du peuple libanais sur sa propre terre sont, techniquement parlant, des hommes ultrapieux, tous membres d’une société dévote. Le groupe de Chaker el-Absi, au-delà de ses choix politiques, est avant tout un groupe religieux agissant au nom de Dieu afin d’accomplir Ses volontés et de mériter, en retour, le paradis éternel. La chose n’est pas nouvelle. Qu’on se rappelle l’éloquence du vieillard, hargneux et fanatique, qu’était saint Bernard de Clairvaux prêchant la croisade en 1147. Ponctué par l’implacable double imprécation : « Dieu le veut, Dieu le veut », son terrifiant discours disait, entre autres : « Que la mort soit subie, qu’elle soit donnée, c’est toujours une mort pour le Christ : elle n’a rien de criminel, elle est très glorieuse1. » Pour saint Bernard, comme d’ailleurs pour tous les fous de Dieu, celui qui donne la mort n’est pas un criminel puisqu’il est « l’exécuteur de la volonté divine, que ce soit pour châtier les malfaiteurs ou pour glorifier les bons. Quand il met à mort un malfaiteur, il n’est pas un homicide, mais, si j’ose dire, un “malicide”. Il venge le Christ de ceux qui font le mal ; il défend les chrétiens. S’il est tué lui-même, il ne périt pas : il parvient à son but. La mort qu’il inflige est au profit du Christ ; celle qu’il reçoit, au sien propre. De la mort du païen, le chrétien peut tirer gloire puisqu’il agit pour la gloire du Christ ». Ces paroles, clamées il y a 9 siècles en Occident, sont intemporelles si j’ose dire. Elles peuvent être mises dans la bouche de tous ceux qui, de nos jours, prônent l’élimination de cet autre vu comme ennemi de Dieu. Jésus de Nazareth recommandait, avant de voir la paille dans l’œil du voisin, de faire attention à la poutre qui est dans le sien propre. Comment résister au plaisir de réentendre d’autres paroles de saint Bernard : « … Pour le moment, il vaut mieux que les païens soient tués plutôt que de laisser la menace que représentent les pécheurs suspendue au-dessus de la tête des justes, de peur de voir les justes se laisser entraîner à commettre l’iniquité (…) Qu’ils soient rejetés loin de la cité du Seigneur, ceux qui commettent l’iniquité (…) Que les deux glaives des fidèles soient levés sur la tête des ennemis pour détruire quiconque s’élève contre la foi de Dieu. » La puissance publique libanaise vient de remporter une victoire éclatante dans la longue guerre que les hommes libres et souverains livrent, de nos jours, contre l’horreur métaphysique que répandent des dévots exaltés, des fous de Dieu. La brutalité des salafistes les rend tellement répugnants qu’on peut difficilement imaginer que leur pensée puisse un jour devenir la règle au sein de leur propre communauté. Le projet salafiste n’est pas « théopolitique », il ne repose sur aucune doctrine cohérente se présentant sous la forme d’un projet politique, fût-il totalisant et totalitaire. Les salafistes sont, avant tout, des exaltés sanguinaires comme les anabaptistes de Münster qui noyèrent leur ville dans un bain de sang avant d’être rejetés dans les oubliettes de l’histoire. D’autres groupes de dévots, agissant militairement au nom de Dieu et au détriment de la puissance publique, réussissent mieux leur opération de charme car leur théologie est plus élaborée et se coule dans le moule d’une idéologie politique qui peut séduire, mais qui n’en reflète pas moins un totalitarisme métaphysique aussi terrifiant, sinon plus, que celui de tous les salafistes contemporains. Les criminels de Nahr el-Bared voulaient constituer une principauté islamique sur une partie du Liban. D’autres disent publiquement qu’ils veulent implanter une république islamique. Quelle distinction existe-t-il entre une principauté et une république, toutes deux religieuses ? Le triomphe de Nahr el-Bared ne fut pas une victoire divine, loin de là, mais tout prosaïquement militaire. La puissance publique libanaise y a tout simplement protégé le bien public, lequel n’a rien à voir avec le bien moral ou le souverain bien. Par contre, d’après la logique même des vaincus, leur défaite peut être qualifiée de divine puisque tout ce qu’ils font est divin, sacré, sanctifié en vertu de leur élection par une entité divine et de la justification de leurs actions par des textes sacrés. Ainsi, une volonté proclamée divine, ou sainte, en matière politique peut être réduite à néant par la volonté des hommes libres qu’unit l’appartenance à une même cité, et non à une même religion, et qui acceptent de payer l’impôt du sang afin d’imposer l’exclusivité de l’usage de la force militaire par la seule puissance publique, souveraine sur son territoire national. Pr Antoine COURBAN (1) Voir la lettre de St Bernard extraite de « De Laudae Novae Militiae » cité par Jean Richard dans « L’Esprit de la Croisade », Paris 1969. Voir aussi, Les brunes de Catalonos, dans « L’inconnue du grand bazar », éditions Petit Catalaunien Illustré, 2006. http://www.catalaunien.f/
Elle aura duré 106 jours, la bataille durant laquelle la puissance publique libanaise a assumé ses responsabilités en matière de souveraineté nationale. Le camp de Nahr el-Bared a fini par tomber sous les coups de boutoir de l’armée nationale, démunie, à court de munitions, mais déterminée à n’épargner aucun effort en terme d’impôt du sang afin de défendre le...