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Culture - Livres

Le cri d’alarme d’Amin Maalouf dans « Le dérèglement du monde »

Dans « Le dérèglement du monde », un essai à paraître le 3 mars prochain chez Grasset - dont nous avons obtenu exceptionnellement une première épreuve -, Amin Maalouf lance un cri d'alarme à ses contemporains.
Ce n'est pas la première fois qu'Amin Maalouf exprime ses craintes sur l'avenir du monde. «En adepte des Lumières qui les voit vaciller, faiblir et, en certains pays, sur le point de s'éteindre», dit-il. En «passionné de la liberté, qui la croyait en passe de s'étendre sur l'ensemble de la planète et qui voit à présent se dessiner un monde où elle n'aurait plus sa place», poursuit-il. Et en «partisan de la diversité harmonieuse, qui se voit contraint d'assister, impuissant, à la montée du fanatisme, de la violence, de l'exclusion et du désespoir»!
Dans Le dérèglement du monde, cet éternel passeur entre les cultures qu'est l'auteur de Léon l'Africain et du Rocher de Tanios (prix Goncourt 1993) poursuit une réflexion entamée, il y a dix ans, dans Les identités meurtrières, titre éponyme d'un précédent essai, à travers lequel l'écrivain, qui revendique ses «appartenances multiples», prônait déjà «l'acceptation de l'autre» comme unique voie de coexistence sereine entre les différentes «tribus planétaires».
Se plonger dans les premières épreuves de l'essai à paraître d'Amin Maalouf, c'est parcourir, à la lueur de la pensée d'un humaniste éclairé, l'histoire contemporaine. Une histoire narrée avec l'habituelle clarté précise de ce conteur habile, qui puise ses idées autant dans sa vaste érudition historique que dans son approche intrinsèquement journalistique des événements du monde.
Dans son nouvel ouvrage, l'écrivain se penche de manière approfondie sur les raisons sociopolitiques qui, tout au long de l'histoire contemporaine, ont mené au clivage actuel entre les peuples et, plus particulièrement, entre l'Occident et le monde arabo-musulman.
Cherchant à cerner les «origines de la régression qui s'annonce», Amin Maalouf porte sa réflexion sur trois thèmes principaux, abordés en trois chapitres: les victoires trompeuses, les légitimités égarées et les certitudes
imaginaires.
Dans le premier chapitre, l'essayiste décortique les raisons qui ont fait que la chute du mur de Berlin et le triomphe du capitalisme occidental, au lieu de mener à «la fin (heureuse) de l'histoire» par l'établissement d'une démocratie planétaire, ont, au contraire, conduit au déclin de l'Occident et à la pire crise de son histoire.
En journaliste - qu'il fût -, Amin Maalouf expose et recoupe les événements déterminants qui, à la fin de la guerre froide, convertirent «un monde où les clivages étaient principalement idéologiques et où le débat était incessant en un monde où les clivages sont principalement identitaires et où il y a peu de place pour le débat».
Dans le second volet de cet ouvrage, intitulé «Les légitimités égarées», l'auteur examine, à la lumière de la notion de légitimité, ce qui a mené à l'altération des rapports entre les hommes, à la mise en place d' équilibres ou plutôt de déséquilibres nouveaux et à l'émergence des ressentiments suicidaires qui constituent la grande menace de ce XXIe
siècle.
Remontant - magistralement! - le cours de l'histoire depuis le démantèlement de l'Empire ottoman à nos jours, il explique l'essor des communautarismes et l'explosion des fanatismes par les défaites des nationalistes et revient notamment, longuement, sur le parcours de Gamal Abdel Nasser qui demeure, malgré ses revers, la seule figure iconique à la légitimité incontestée du monde arabe. Pour Maalouf, ce sont les échecs successifs des régimes qui se réclamaient du nationalisme arabe qui allaient donner du crédit aux mouvements islamistes et mener aux crispations identitaires.
Sauf qu'en observateur lucide, il «reproche aujourd'hui autant au monde arabe l'indigence de sa conscience morale qu'à l'Occident sa propension à transformer sa conscience morale en instrument de domination», écrit-il.
Dans cet affrontement des civilisations, quelles solutions faudrait-il mettre en œuvre pour éviter de plonger encore plus le monde dans des dérives barbares, sinon
apocalyptiques?
Amin Maalouf préconise de dépasser les visions passéistes, qu'il évoque dans les «certitudes imaginaires», et de s'atteler à bâtir une solidarité nouvelle entre les hommes. «Une solidarité universelle, subtile, réfléchie, indépendante des religions sans être aucunement antireligieuse, une solidarité qui puisse transcender les nations, les communautés, les ethnies sans abolir le foisonnement des cultures», indique-t-il.
Enfin, dans son épilogue, qui vacille entre inquiétude et espoir, Maalouf propose la seule alternative qui permette de «sortir par le haut» du dérèglement qui affecte le monde. Et qui consiste en l'adoption d'«une échelle des valeurs basée sur la primauté de la culture». La culture, dans son sens large, qui englobe une vision sage, équitable et renouvelée de la politique, de l'économie, du travail, de la consommation, de la science, de la technologie, du progrès, de l'identité, du religieux et de l'histoire. Une vraie cité de Platon, en somme!
Un livre à l'érudition lumineuse qui défend, comme toujours chez Amin Maalouf, la notion - idéaliste! - du vivre ensemble (312 pages).
Ce n'est pas la première fois qu'Amin Maalouf exprime ses craintes sur l'avenir du monde. «En adepte des Lumières qui les voit vaciller, faiblir et, en certains pays, sur le point de s'éteindre», dit-il. En «passionné de la liberté, qui la croyait en passe de s'étendre sur l'ensemble de la planète et qui voit à...
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