Actualités - CHRONOLOGIE
PORTRAIT D’ARTISTE - Une icône de l’art lyrique Brava, Tereza Berganza
Par DAVIDIAN Edgar, le 27 août 2007 à 00h00
Une Madrilène, née le 16 mars 1935, nommée Tereza Berganza. Pour le commun des mortels, cela ne change en rien la face de l’humanité, mais pour des milliers de bel cantistes, voilà une exceptionnelle icône de l’art lyrique. Une cantatrice hors pair, du calibre et de la trempe de Maria Callas dont elle fut aussi l’amie et la complice de scène en 1958. Du piquant, de la sensualité, de l’élévation, de la culture, du charisme et puis cette voix… Une voix ronde et voluptueuse, une voix à faire rêver, à damner… Une voix qui a la sainteté de toutes les Stabat Mater (Pergolèse, Vivaldi, Bach) et la farouche indépendance de la rebelle Gitane de Bizet.
Et ce n’est guère un hasard si on recueille deux citations des plus grands chefs d’orchestre de notre temps louant ses mérites de divine cantatrice. Pour Claudio Abbado, maître incontesté de la musique, « elle est la plus sublime des mezzo-sopranos », tandis que pour Herbert von Karajan, le plus mythique des chefs d’orchestre, elle demeure « la plus grande Carmen »…
Flash-back sur une carrière qui n’en finit pas de faire des vagues et dont les échos des applaudissements sont allés de l’Opéra de Paris au Covent Garden de Londres, en passant par Salzbourg, Vienne, Édimbourg, la Scala de Milan et, outre-Atlantique, le Metropolitan de New York et Buenos Aires... Retour en arrière pour une carrière qui a démarré en force et à grand fracas en Aix-en-Provence en 1957 avec le rôle de Dorabella de Cosi fan tutte de Mozart.
Tout d’abord, un mot sur la petite fille qui, grâce à son père, fin lettré et pianiste, découvre le chant et la poésie (déjà le verbe de Verlaine en l’air). Études musicales complètes (chant, composition, harmonie) au Conservatoire de Madrid et c’est sous la férule de Lola Rodrigo Aragon que la jeune Tereza est initiée à tous les secrets du chant des sirènes… Pour cette jeune femme éprise de sculpture, de peinture, de littérature et qui faillit entrer dans les ordres monastiques, Aix-en-Provence est un surprenant et très équitable sésame pour une carrière la plaçant vite au zénith des superstars. Comme dans un conte de fées, les portes s’ouvrent toutes grandes et les contrats pleuvent.
C’est à Berlin en 1999 qu’elle croule littéralement sous les ovations. Dans l’intervalle, elle aura endossé, entre autres, les costumes de Cendrillon, de Rosine et de Cherubino, sans compter les innombrables concerts qu’elle donne partout, accompagnée à la guitare (en bonne Espagnole) ou au clavier. Une carrière de scène, certes, mais aussi de « récitaliste » inspirée (on songe là au même parcours accompli par Elizabeth Schwazkopf ou Victoria de Los Angeles).
Charisme et vérité
dans la musique
Ses yeux andalous, son charisme, son regard foudroyant, sa vivacité et son intelligence au cours des entrevues avec la presse, sa générosité à se dépenser sans compter sous les feux de la rampe, son pouvoir de comédienne, la puissance de sa voix et son infinie séduction sont autant d’atouts pour une critique des plus enthousiastes et des plus dithyrambiques. Une étonnante aisance et une articulation parfaite de passer de Rossini à Mozart, de Falla à Vivaldi, de Haendel à Massenet, d’Offenbach à Piazzolla ont fait d’elle une des cantatrices les plus mythiques, les plus adulées et les plus écoutées. Vaste répertoire qu’elle cultive avec dévotion et vénération car, dit-elle, la vie de couvent l’a toujours fascinée, et servir la musique aura été pour elle un vrai sacerdoce.
Pour cela, elle a donné avec éclat et tempérament la réplique, en musicienne consommée et en commentant dans le détail les partitions (car l’écriture musicale est aussi son domaine), aux plus prestigieux maestros de la scène internationale, dont Karajan, Abbado, Solti, Mehta, Muti, Adler…
Pour cette diva tout feu tout flamme, surnommée « le rossignol espagnol », pureté et sobriété de la voix sont les maîtres-mots d’une performance, sans oublier cette célèbre notion de « vérité humaine » qu’implique la musique. Une vérité qu’elle pousse à l’extrême, au point de s’identifier totalement à la liberté de Carmen et qu’elle lance, le temps d’un entracte dans sa loge d’artiste, à son mari, le fatal « Je ne t’aime plus » de la gitane qui sera poignardée…
Le conseil qu’elle donnait aux jeunes postulantes de la scène lyrique ? « Avoir une carapace de pachyderme et une âme de papillon » est la phrase lâchée par cette digne fille du pays de Lorca. C’est comprendre par là la part de travail, d’endurance, d’abnégation et l’importance de la sensibilité et de la liberté. Autre réflexion de cette diva qui a étonné plus d’une génération par ses cordes vocales : « La vérité c’est que la voix est comme un Stradivarius : précieuse, mystérieuse, fragile et impossible à reconstruire si on l’a cassée. »
Aujourd’hui, septuagénaire ayant toujours la grâce de se produire sur une scène, Tereza Berganza perpétue la tradition familiale du chant avec sa fille, Cecilia Lavilla Berganza. Un peu comme un autre couple célèbre mère-fille, les Montserrat Caballé, qu’on a applaudis d’ailleurs à Beiteddine.
Pour ses innombrables enregistrements, qui vont de la musique sacrée de Pergolèse et de Bach aux touches rossiniennes légères, on ne peut saluer que bien bas un talent à couper le souffle et dire brava Tereza Berganza et muchas grazies. Pour mieux retrouver la Berganza, sa Carmen, révolutionnaire et sensuelle, attend sur la platine. Écoutez-là et vous verrez toute la différence avec la cohorte de Carmen qui a hanté l’histoire de la musique….
Edgar DAVIDIAN
Une Madrilène, née le 16 mars 1935, nommée Tereza Berganza. Pour le commun des mortels, cela ne change en rien la face de l’humanité, mais pour des milliers de bel cantistes, voilà une exceptionnelle icône de l’art lyrique. Une cantatrice hors pair, du calibre et de la trempe de Maria Callas dont elle fut aussi l’amie et la complice de scène en 1958. Du piquant, de la sensualité, de...
Les plus commentés
Israël ne se retirera pas : que fera l'État libanais et, surtout, le Hezbollah ?
Comment, en restant au Liban-Sud, Israël ferait le jeu du Hezbollah
Ministère des Finances : ce qu’en disent Taëf et la Constitution