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Moyen Orient et Monde - Le point

Duel à distance

Sage George Mitchell qui, au bout de cinq jours de va-et-vient au Proche-Orient, a choisi de prendre quelque recul, histoire de voir clair dans une conjoncture qui ne l'est pas, aidé en cela, espère-t-il, par des interlocuteurs français et britanniques autrement plus familiers des sinueuses arcanes régionales. C'est qu'il devait avoir les idées passablement embrouillées, l'émissaire américain, à l'issue d'une tournée destinée à prendre le pouls de chacun. L'examen clinique terminé, le diagnostic a été formulé, qui en réalité n'en est pas un, ou à tout le moins qui n'aura surpris personne puisqu'il se ramenait à conseiller la création de deux États dont l'un des deux, palestinien, devrait être « indépendant et viable ». L'intention est louable, si les modalités d'application, elles, devront attendre une ébauche de définition acceptable par les deux parties.
En prévision d'une telle issue - encore éloignée, il faut le craindre -, chacun a entrepris d'affûter ses armes. C'est ainsi que l'on a eu droit, dimanche, à un Mahmoud Abbas nouveau. Menton en avant, poing martelant le pupitre, voix allant crescendo, celui qui cherche à se poser en héritier de Yasser Arafat a exigé la reconnaissance de l'OLP par le Hamas, accusé d'avoir risqué la vie des civils. Du coup, le Mouvement de la résistance islamique a rappelé sa principale revendication : une restructuration « immédiate » de l'organisation historique, en vertu de l'accord mort-né de 2005 conclu sous les auspices de l'Égypte. Si les maîtres de Gaza se montrent aussi intransigeants, c'est qu'ils se posent désormais, malgré le lourd bilan, en vainqueurs du terrible affrontement du mois dernier. À l'université de Téhéran hier, Khaled Mechaal a repris un slogan que l'on croyait oublié : « Si Dieu le veut, a-t-il lancé, nous allons libérer toute la Palestine, reprendre al-Qods et assurer le retour des réfugiés. » Au passage, il a exclu tout cessez-le-feu permanent, mais son porte-parole, Fawzi Barhoum, a jugé envisageable le principe d'une trêve d'un an, à condition que soient rouverts les points de passage qui permettraient à l'étroite bande côtière de retrouver un semblant de vie. Une éventualité en discussion depuis hier soir dans la capitale égyptienne, vilipendée il y a peu pour son refus, au plus fort, de l'offensive israélienne « Plomb durci », d'autoriser le transit par Rafah de produits alimentaires.
Il ne faut pas croire que, côté israélien, les violons soient mieux accordés. Tzipi Livni a donné de la voix après les rachitiques salves du week-end dernier. « Notre réaction (aux tirs) doit être forte et immédiate. C'est la seule façon de faire comprendre à l'ennemi que l'équation a changé. » Ce message est aussi celui d'Ehud Olmert, qui a parlé d'une réplique sévère et disproportionnée. Il est vrai que le Premier ministre, tout comme son chef de la diplomatie, appartiennent à une formation politique, Kadima, condamnée à allonger sa foulée pour tenter de combler son retard sur le parti de Benjamin Netanyahu, donné d'ores et déjà vainqueur de justesse du scrutin de mardi prochain. N'ayant pas à tenir compte de considérations électoralistes, le général Amos Yadlin s'est chargé de rétablir les faits et, dans son élan, d'innocenter l'adversaire de la veille. « Deux semaines après la fin des hostilités, on retrouve des groupuscules extrémistes qui ne désespèrent pas de procéder à une nouvelle escalade, quand le Hamas continue de respecter le cessez-le-feu », a affirmé le chef d'Aman, le tout-puissant service de renseignements de l'armée.
Il est évident qu'au-delà des quatre roquettes tirées dimanche et de la riposte qui a pris pour cible un poste de police, on retrouve la grande ombre autrement plus menaçante du duel, par organisations interposées, entre deux axes qui se partagent aujourd'hui le monde arabe, conduits l'un par l'Égypte et l'Arabie saoudite, l'autre par l'Iran et la Syrie, la Turquie pour sa part se réservant le rôle d'honnête courtier, à égale distance des deux blocs, avec l'appui, tacite pour l'instant, de la nouvelle administration américaine heureuse de trouver là un contrepoids à l'influence de la République islamique, en attendant la fin de la mission de son envoyé spécial et les résultats de la nouvelle évaluation entreprise par le secrétariat d'État, qui permettrait de faire oublier les errements du tandem Bush-Cheney.
En ce début de semaine, l'appel à la raison est venu une fois de plus du Qatar, dont le Premier ministre, cheikh Hamad ben Jassem al-Thani, a plaidé, au sortir de l'Élysée, pour un règlement rapide du différend interarabe. Une invitation à demeurée sans effet puisque les représentants de dix pays « pro-OLP » ont été conviés à se retrouver aujourd'hui à Abou Dhabi pour soutenir Abou Mazen et ses compagnons, menacés par les islamistes de Gaza. De quoi décourager le brave Mitchell, que l'on a connu pourtant coriace négociateur en Irlande.
Sage George Mitchell qui, au bout de cinq jours de va-et-vient au Proche-Orient, a choisi de prendre quelque recul, histoire de voir clair dans une conjoncture qui ne l'est pas, aidé en cela, espère-t-il, par des interlocuteurs français et britanniques autrement plus familiers des sinueuses arcanes régionales. C'est qu'il devait avoir les idées...

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