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Culture - Théâtre

Pour donner voix au texte

The British Council, en collaboration avec le Royal Court Theatre de Londres, a invité, en 2007, 21 dramaturges d'Égypte, du Liban, de Syrie et du Maroc à participer à un projet sur la nouvelle écriture au théâtre. Deux ans plus tard, les participants ont donné voix à leurs textes respectifs au Royal Court, puis au Madina la semaine dernière. Prochaines étapes : Amman et Tunis.
Flash-back : ces lectures dramaturgiques, en arabe il faut le préciser, sont le résultat d'un projet intitulé « New Writing for Theatre » dont le principal objectif est de faire découvrir la richesse et la variété du théâtre écrit et de le faire publier. Il a démarré au printemps 2007 à Damas où 21 dramaturges venant d'Égypte, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de la Palestine, de Tunisie et de la Syrie ont travaillé avec des dramaturges british du Royal Court Theatre. Ce premier atelier a stimulé les jeunes talents à mettre sur papier la première version de leurs pièces. Celles-ci ont été retravaillées et affinées tout au long de l'année au cours d'autres ateliers qui se sont déroulés à Tunis et au Caire. Le dernier atelier avait aussi pour but de développer la relation metteur en scène/écrivain. « Cela a abouti à une série de pièces de théâtre dignes d'être présentées dans la région », précise Elyse Dodgson, directrice associée au Royal Court Theatre.
« Lorsque le Royal Court a accueilli les lectures de ces pièces en novembre 2008, sous le titre "I come from Here", il a affiché complet. C'est vous dire l'intérêt que le public londonien porte aux œuvres venant de votre région, a-t-elle ajouté. Mais le plus important dans tout cela, c'est que l'œuvre revienne à son lieu d'origine et qu'elle stimule plus d'écriture théâtrale. La semaine passée, à Beyrouth, était une étape de plus dans ce processus. C'est là où le dramaturge a rencontré le metteur en scène et qu'ils se sont confrontés pour trouver une manière de travailler ensemble. »
Molière et Diderot l'ont magnifiquement dit, le théâtre est fait pour être joué et se définit avant tout comme un art du spectacle. Mais voilà, le théâtre-performance contemporain laisse souvent trop peu de place au texte. C'est pour redorer le blason de l'écrit et afin de stimuler l'écriture en général que ces ateliers ont été proposés en premier lieu.
« Cela a été incroyable, dans ce projet, de voir la tradition bien établie de nouvelles œuvres pour le théâtre au Royaume-Uni, jointe à l'énergie et l'innovation de nouveaux dramaturges et metteurs en scène arabes. Le résultat a été une opportunité rare pour le public du Royaume-Uni et du monde arabe de voir des pièces qui donnent une réflexion nouvelle et un aperçu de la vie contemporaine arabe », poursuit Dodgson.
« Cela a été le projet international le plus ambitieux et le plus excitant qu'on ait jamais entrepris au Royal Court, a encore noté celle qui est également en charge de département international au Royal Court Theatre. Nous avons de nombreuses expériences de travaux avec plusieurs pays, mais nous n'avons jamais eu l'opportunité de travailler avec des auteurs de toute une région. L'engagement et le talent de ces participants a inspiré tous ceux qui ont travaillé sur ce projet », a-t-elle conclu en espérant que ce dernier se renouvelle avec d'autres participants.
La petite salle Metropolis du théâtre al-Madina a ainsi accueilli, trois soirées durant, les lectures de quatre pièces : L'insomnie de la Belle au Bois dormant (Liban) écrit par Abdel Rahim el-Awji et mis en scène par Rakan Mayasi ; Hello (Liban) écrit par Tarek el-Bacha et mis en scène par Maya Zbib ; Produits égyptiens (Égypte) écrit par Leyla Soliman et mis en scène par Omar Abusaada ; Dommages et intérêts (Maroc) écrit par Kamal Khalladi et mis en scène par Zakaria Kassi Lahlou.
Les pièces ont été lues, avec plus ou moins de fidélité au processus de lecture simple, par des acteurs venus des pays participants, et ont constitué une réflexion sur les problèmes sociopolitiques contemporains au sein de la région. Cela tourne donc autour de conflits de guerre, d'amour, de patriotisme et d'oubli. D'autres événements identiques vont avoir lieu en Jordanie et en Tunisie, successivement entre le 7 et le 22 février. D'autres lectures de pièces théâtrales par d'autres auteurs y seront présentées.
Une table ronde, dirigée par Hanane Hajj Ali et réunissant les dramaturges et les metteurs en scène, a clôturé le cycle beyrouthin. Parmi les remarques exprimées par les participants : le Libanais Tarek el-Bacha a indiqué qu'il était sur le point de rédiger une quatrième mouture de son texte. Il s'est demandé : « Quand est-ce que le dramaturge sent-il qu'il possède la version finale de son texte ? »
Leyla l'Égyptienne a avoué faire partie « des metteurs en scène qui se sont tournés vers l'écriture et même vers une écriture collective, à la recherche de la contemporanéité des sujets et des rythmes. Ce projet m'a aidé à avoir confiance en moi ».
Abdel Rahim el-Awji, du Liban, aurait eu pour sa part une expérience qui lui aurait ramené l'ego à sa dimension normale. « Dans le monde arabe, les dramaturges (et j'en fais partie) se sentent plénipotentiaires. Mais cet atelier d'écriture m'a ouvert les yeux sur une chose : nous avons tendance ici, dans nos textes et nos mises en scène, à tout démolir sans connaître, parfois, les bases du théâtre. Il faut connaître les origines d'une chose pour pouvoir la transcender. »
Le metteur en scène marocain, Zakaria Lahlou, a parfaitement résumé la situation concernant sa relation avec le dramaturge lors de la mise en voix des textes : « Il ne s'agissait pas ici d'une mise en scène traditionnelle. Les règles du jeu étaient différentes. C'était en quelque sorte un défi pour nous. Il fallait profiter des espaces restreints pour pouvoir jouer le rôle du metteur en scène. Nous ne sommes pas de simples délivreurs de pizzas. Nous avons aussi nos idées, nos conceptions, nos émotions. Le fait de mettre en voix un texte n'est pas diminuant pour un metteur en scène. Ici, on nous a demandé de servir de passeurs à une tradition qui se perd, celle de l'écriture dramaturgique. On nous a demandé de parler, mais avec peu de mots. Personnellement, j'ai respecté le texte à 100 %. »

Lire ou ne pas lire
La discussion entre dramaturges, metteurs en scène et public a ensuite extrapolé vers la lecture de textes qui est une forme théâtrale relativement peu connue du public libanais. Pour certains, lire semble être une excellente approche d'un texte dramaturgique. L'exercice permet en effet de savourer la beauté de la langue utilisée, de laisser libre cours à son imagination.
Mais malgré les avantages que peuvent présenter la lecture d'une pièce, sa représentation semble être difficilement négligeable, car le théâtre est créé tout d'abord pour être joué, ont reconnu d'autres. Il ne faut pas l'oublier, le jeu sur scène permet de concrétiser les éléments dans la pièce, et facilite donc l'accès à la compréhension de l'œuvre. Il offre en même temps une vision et une audition aux spectateurs.
Certains pourraient avancer qu'il est impossible de faire attention à tout à la fois, vu que dans l'œuvre, les champs lexicaux, les figures de style et des allusions présentées sont extrêmement riches et que sur scène, la lumière, le décor, les objets puis le jeu des acteurs et leur diction forment également un ensemble très abondant. Dans ce sens-là, la lecture et la représentation deviennent complémentaires et forment, sans doute, l'outil le plus puissant et le plus efficace pour guider le spectateur-lecteur dans l'œuvre.
Il serait dommage en tout cas que la découverte d'une œuvre théâtrale soit réduite seulement à la lecture ou bien seulement à la représentation. Avoir la possibilité d'être en contact avec les deux, surtout de façon permanente, est une chance pour les spectateurs d'apprécier une « double création ». La première est celle de l'auteur au niveau de la beauté de l'écriture. Quant à la seconde, elle résulte du travail du metteur en scène et de toute son équipe au niveau de la mise en scène. Ces deux travaux se différencient de plus en plus, notamment avec les metteurs en scène contemporains qui cherchent à se distinguer véritablement de l'auteur.
Finalement, si la lecture offre plusieurs avantages tels que l'absence des contraintes temporelles, la possibilité d'entamer une étude profonde sur la beauté de l'écriture ou encore la liberté d'imaginer des dispositions et des personnages dans une pièce de théâtre, la représentation permet également, de son côté, plusieurs approches intéressantes. La lecture crée une certaine intimité entre le lecteur et l'auteur. Quant à la représentation, elle a été le but primaire à la naissance du théâtre. Elle amène non seulement la possibilité de visualiser des espaces scéniques et des jeux, mais aussi celle d'entendre la musicalité des répliques avec toutes les assonances et allitérations.
Nombreux sont ceux qui, en parlant d'une pièce de théâtre, se souviennent des émotions éprouvées lors de sa représentation : la foule qui se presse, l'attente dans la salle, l'obscurité qui se fait, les trois coups qui imposent le silence, le rideau qui se lève, la découverte du décor et des acteurs.
Il reste que les lectures ou les mises en voix sont, pour les gens du théâtre, un moyen de se produire et de présenter des projets artistiques parce que financièrement peu onéreux. Et même si certaines pièces paraissent plus conformes à la lecture qu'à une représentation, il est toujours possible d'aborder une pièce par les deux voies.
Flash-back : ces lectures dramaturgiques, en arabe il faut le préciser, sont le résultat d'un projet intitulé « New Writing for Theatre » dont le principal objectif est de faire découvrir la richesse et la variété du théâtre écrit et de le faire publier. Il a démarré au printemps 2007...

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