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Actualités - CHRONOLOGIE

EN LIBRAIRIE Le monde arabe disséqué avec humour par l’anthropologue de renom Les mémoires posthumes et caustiques de Fouad Khoury

Il a choisi son métier non pas pour l’argent, le statut social ou les privilèges qui vont avec, mais parce que répondre « je suis anthropologue » à la question « que faites-vous ? » suscite invariablement des réactions confuses. Et Fouad Khoury de s’en amuser : « Les gens pensent que je leur parle un dialecte étranger ou qu’il s’agit d’un nouveau médicament », disait l’universitaire décédé en 2003. Cette anecdote tirée de l’ouvrage An Invitation to Laughter : A Lebanese Anthropologist in the Arab World illustre parfaitement l’esprit caustique de celui qui a enrichi le monde des sciences humaines au Proche-Orient de nombreuses études. Pour lui rendre hommage, sa femme Sonia publie aujourd’hui cette biographie posthume aux éditions University Chicago Press. Fouad Khoury s’est bâti une solide réputation d’explorateur des identités et des formations sociales au Proche-Orient. Son ouvrage Imams and Emirs : State, Religion and Sects in Islam est une véritable référence sur les groupuscules islamiques. Né en 1935, il a obtenu son BA et son MA de l’Université américaine de Beyrouth puis son PHD en anthropologie sociale de l’Université d’Oregon en Angleterre. Il a débuté comme enseignant à l’AUB en 1964 pour devenir professeur en 1978. Il a également été directeur des départements de sociologie et des sciences sociales. Au plus fort de la guerre, en 1987, il a quitté Beyrouth pour s’installer à Reading, en Angleterre, où il a collaboré avec son ancien camarade de classe Issam Farès dans la direction de la Fondation Farès dont il est devenu directeur de 1987 à 1992. Il a enseigné à la London School of Economics et dans les universités de Manchester, Chicago et Oregon, et donné des conférences à Cambridge, Canterbury et Oxford. Ni la guerre civile ni la maladie de Parkinson (diagnostiquée en 1987) n’ont empêché Fouad Khoury de poursuivre ses recherches. Il a ainsi consacré son temps à l’écriture et à la recherche académique, publiant 17 ouvrages et plus de quarante articles sur les différents aspects de la culture dans le monde arabe. Des œuvres qui « possèdent deux qualités particulières : l’audace des sujets et l’attention au petit détail qui en dit long », selon Lawrence Rosen, de Princeton University. Les théories provocatrices et originales de Khoury sont exposées dans An Invitation to Laughter : A Lebanese Anthropologist in the Arab World. Le titre est une référence au sens de l’humour de l’auteur qui raconte, avec force détails et une grande autodérision, ses expériences sur le terrain au Liban, en Afrique de l’Ouest, au Yémen et à Bahreïn. L’auteur y aborde des thèmes qui ont trait à la vie quotidienne : la mentalité des hommes arabes et la manière dont ils traitent leurs femmes, les habitudes alimentaires, l’impact de l’islam en Afrique de l’Ouest, le train de vie extravagant des richissimes moyen-orientaux. Le lecteur a également droit à des observations charmantes sur la vie à Oregon (où l’auteur a suivi des études supérieures) et en Angleterre (où il s’est établi en 1985). Particulièrement savoureuse, cette anecdote qui relate les déboires de Khoury avec un contrôleur de passeport persuadé que « libanais » était une profession et pas une nationalité. Mis à part l’humour, il faut préciser que cet ouvrage recèle des données tout aussi sérieuses, notamment lorsque l’auteur s’attarde sur les conceptions identitaires chez les Arabes et en islam. Il y propose même un modèle démocratique qui pourrait réussir au Moyen-Orient. À explorer donc. Maya GHANDOUR HERT

Il a choisi son métier non pas pour l’argent, le statut social ou les privilèges qui vont avec, mais parce que répondre « je suis anthropologue » à la question « que faites-vous ? » suscite invariablement des réactions confuses. Et Fouad Khoury de s’en amuser : « Les gens pensent que je leur parle un dialecte étranger ou qu’il s’agit d’un nouveau médicament »,...