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FESTIVAL DE BYBLOS - « Zénobie, reine de Palmyre » de Mansour Rahbani jusqu’au 19 août Fastueuse fresque historique et cri de la liberté

Le fastueux spectacle rahbanien sur « Zénobie, reine de Palmyre », après sa première version à Dubaï, vient de déployer ses pompes, ses dorures et ses cuirasses sur les mythiques rives phéniciennes de Byblos. Par une limpide soirée en bord de mer où les grandes chaleurs sont un peu tombées, dans un cadre féerique où l’ancienne citadelle illuminée se confond avec le carton-pâte des colonnes et des arcs de triomphe du décor, Zénobie, princesse du désert, fait revivre un flamboyant rêve de liberté et d’indépendance. Bruits, fureur, mort, amours, désamours, trahisons, victoires et défaites pour une turbulente tranche d’histoire haute en couleur. Une tranche d’histoire agrémentée ici de musique rahbanienne, animée par un dialogue entre facilité populaire et tirades empesées, et liée par des pas de danses pour des tableaux chatoyants au finissage à la pose souvent appuyée et au style des pays de l’Est… Confrontée en image d’ouverture à Cléopâtre, autre vedette et emblème de la force de séduction et de détermination féminine, cette princesse téméraire, autoritaire et habile, épouse d’Odenat, explose de dynamisme et d’ambition. En l’an 266 après J-C, Septimia Bathzablaï Zénobia, plus connue sous le nom de Zénobie, accepte mal la tutelle de Rome et se rebelle contre le plus grand empire du monde. Pour cette reine calculatrice mais perdue par ses emballements, il y aura certes beaucoup de victoires, mais aussi beaucoup de déceptions et de revers. Elle soumettra la Syrie, l’Égypte et l’Asie Mineure au joug de son sceptre, mais Rome aura le dernier mot car elle sera emprisonnée et mourra exilée, défaite et vaincue à Tibur (Tivoli) en 274. Le livret de Mansour Rahbani, se permettant pas mal de liberté et de fantaisie dans les détails du cours de l’histoire, tout en faisant, comme d’habitude, des clins d’œil à l’actualité et en lançant des piques à la société et aux gens du pouvoir, jette, sous les feux de la rampe, une Zénobie électrisée par son rêve d’indépendance, d’annexion et d’autogestion. Pour lui, elle est « le premier cri de la liberté du monde arabe ». Mais fallait-il pour autant ridiculiser jusqu’au grotesque les Arabes dans leur notoire comportement mesquin à donner des coups de Jarnac ? Pas plus que de donner cette image ternie du clergé... Sans parler de cet insipide Mardiros, l’Arménien qui s’exprime même dans la langue de Vartan comme un sous-fifre du négoce… Dans un défilé incomparable de costumes soignés et riches, dans un tourbillon de décors mobiles allant des grands panneaux pour représenter le Sénat romain, aux impressionnantes chutes d’eau pour rendre plus saisissant le couronnement de Zénobie (sans oublier les magnifiques jeux pyrotechniques crachant d’immenses langues de feu), il est évident qu’on n’a pas lésiné sur les moyens pour un musical péplum d’une opulence des Mille et Une Nuits… Une vraie fête pour les yeux que cette longue parade de soieries, de tulles, de gazes, de brocarts, de casques emperlés et emplumés, de toges en velours, de robes moulantes ou vaporeuses, dignes de Lacroix ou de Dior pour soir de gala… Mais où est donc passée l’émotion ? Elle n’effleure même pas ce spectacle en deux actes, brillant par ses aspects décoratifs, somptueux, mais où le discours des personnages, hélas, dans une inutile accumulation d’actions héroïques ou prosaïques, sur fond de répliques souvent verbeuses, reste absolument sans vie. Car il ne suffit pas de scander « je suis le premier cri de la liberté du monde arabe » pour fouetter les sentiments et cravacher ce qui est assoupi en nous… Le rôle-phare de Zénobie est confié à Carole Samaha qui, par-delà sa beauté diaphane, son talent de comédienne et de chanteuse se démenant jusqu’à l’extrême limite de son énergie, n’arrive pas à donner ce souffle, cette étincelle qu’un spectateur guette en permanence. Mais sans elle, ce spectacle serait inconcevable : elle en est le nerf névralgique et moteur. Ghassan Saliba a belle voix, mais guère d’expression, même pour un haut commandant de la cavalerie plus porté à brandir l’épée qu’à faire de la nuance avec les sourcils et les yeux. Quant à Antoine Kerbage, sous le masque de l’empereur Aurélien, rugir avec sa voix de baryton en plein Sénat, en fixant d’une manière inspirée l’infini de l’eau, suffit-il à rendre crédible son personnage de César méprisant les ambitions d’une femme ? Youssef el-Khal, sans être encore un chanteur confirmé, délicate figure de James Dean à la libanaise, vieilli ici en époux royal vite assassiné, fait un beau duo d’amour avec Zénobie, frémissante dans sa robe au buste généreusement échancré. Autres moments de grâce et de détente dans cette œuvre habitée par la colère et l’affrontement au pouvoir, les « dabkés », domaine réservé des Rahbani, où musique, chants et danses s’harmonisent en une poésie indicible avec la fraîcheur et la légèreté d’une eau de source. La mise en scène de Marwan Rahbani, se servant en toute ingénieuse liberté et avec doigté du grand espace scénique, est sans nul doute très « hollywoodienne » dans sa débauche et son emphase décorative et gestuelle. Une théâtralisation à outrance pour représenter les combats d’une femme et d’une reine à l’ambition démesurée. Avec ses décors somptueux, sa garde-robe de superstar, ses innombrables figurants, comparses, danseurs et danseuses jetés sous les spots, ses répliques taillés sur mesure, Zénobie, figure de proue de la féminité au pouvoir, est tout d’abord un portrait d’une femme condamnée à la solitude. Mais Zénobie, entre les mains du clan Rahbani, est aussi et surtout objet d’une superproduction musicale. Edgar DAVIDIAN Fiche technique Texte : Mansour Rahbani Mise en scène : Marwan Rahbani Musique : Mansour, Oussama, Ghadi et Élias Rahbani Costumes : Gaby Abi Rached Décor : Agnès Treplin Chorégraphie : Felix Haroutiounian Pas de dabkés : Samy Khoury.
Le fastueux spectacle rahbanien sur « Zénobie, reine de Palmyre », après sa première version à Dubaï, vient de déployer ses pompes, ses dorures et ses cuirasses sur les mythiques rives phéniciennes de Byblos. Par une limpide soirée en bord de mer où les grandes chaleurs sont un peu tombées, dans un cadre féerique où l’ancienne citadelle illuminée se confond avec le carton-pâte...