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Actualités - REPORTAGE

Les travaux prendront fin en 2010 L’USJ lance un nouveau chantier : le Campus de l’innovation, de l’économie et du sport

Avec une étude qui a démarré début 2005, et des travaux entamés quelque 18 mois plus tard, le Campus de l’innovation, de l’économie et du sport (CIES) est le nouveau chantier de l’Université Saint-Joseph. Plus de 30 millions de dollars, 60 000 m2 de bâti, un programme aussi diversifié qu’ambitieux et une situation au cœur historique de la ville font du projet un événement en soi. Les interrogations caractérisant la conjoncture actuelle au Liban n’ont pas freiné les ardeurs de l’USJ quand, à l’été 2005, il fallait décider du sort de l’avant-projet sommaire que l’USJ avait commandé. Entre le gel de l’initiative et le déclenchement d’un développement accéléré, plusieurs options se présentaient aux décideurs. Malgré l’incertitude générée par la situation politique, ceux-ci n’ont pas hésité. Depuis, l’USJ a insufflé une dynamique suffisamment puissante à l’opération pour que la programmation définitive, le permis de construire, les études détaillées, les procédures de financement et d’adjudication des marchés et même les excavations soient tour à tour enclenchés. Alors qu’une délégation de l’Agence française de développement vient de boucler une mission d’évaluation du Pôle technologie santé (PTS), fleuron du CIES, tous les voyants semblent être au vert. Mais le chantier, dont le site ressemble actuellement à une bouillonnante fourmilière, n’est que l’aboutissement d’un long processus de gestation. Ainsi, le CIES fait-il partie de ces projets où les enjeux sont cruciaux autant pour le maître d’ouvrage que pour le maître d’œuvre. La confiance mutuelle entre le client et l’architecte devient ainsi un facteur-clé de succès. « La collaboration est un processus long et laborieux, indispensable et déterminant, un va-et-vient incessant fait de tâtonnement et de remise en question, dit Ibrahim Berberi, responsable du projet chez 109 architectes. Si le projet en est arrivé à une phase avancée de concrétisation, c’est que tout cela a été dépassé. » Défis et problématique Pour l’équipe de 109 architectes et Youssef Tohmé, concepteurs du projet, la mission CIES présente un défi à plusieurs niveaux. La spécificité du contexte urbain est une contrainte essentielle pour les architectes. « Il s’agit pour nous de prendre toute la mesure de l’environnement immédiat, de réussir l’intégration et de concevoir un projet qui va marquer le quartier de son empreinte sans pour autant peser esthétiquement et plastiquement sur les riverains », affirme Tohmé. Même si ce n’est pas simple en soi, trouver une réponse aux contraintes fonctionnelles, techniques et budgétaires est une condition seulement nécessaire à la réussite de l’opération. Celle-ci requiert aussi une identité architecturale et une approche conceptuelle fortes qui placent toutes les solutions dans un cadre unique. La complexité et la diversité du programme jouent elles aussi un rôle déterminant. Remédier aux incompatibilités apparentes entre les fonctions requises, résoudre les conflits de circulation dans un projet fréquenté par différentes « populations » d’usagers, faire partager des bâtiments entre un musée et une piscine, une chapelle et une garderie, un centre de recherche et une faculté de sciences économiques sont autant de contraintes qu’il n’est pas évident de gérer. Des contraintes d’ordre purement technique viennent s’ajouter aux exigences conceptuelles. À ce titre, il n’est pas nécessaire de s’attarder sur l’aspect financier, la contrainte de coût étant inhérente à chaque exercice d’architecture, presque sans exception. « Il reste que la forme de la parcelle (boomerang relativement exigu) et la nature du sol (la présence d’eau et les caprices des sous-sols de Beyrouth où l’archéologie n’est jamais avare de surprises) ont compliqué la tâche horizontalement et verticalement », poursuit Berberi. Les spécificités des lois de la construction étant des restrictions supplémentaires avec lesquelles il faut composer. Mais le défi majeur réside dans le PTS, qui constitue le fleuron du projet. Même s’il n’occupe que 10 % des surfaces au-dessus du sol, le PTS présente des enjeux académiques et pédagogiques primordiaux pour l’USJ. Aussi, l’attention et le soin alloués par les architectes s’en retrouvent décuplés. La programmation, la distribution des fonctions, le partage des surfaces, la séparation des circulations verticales d’autres particularités techniques ont ainsi été alignés sur les recommandations des consultants spécialisés approchés à cet effet. État des lieux et contexte urbain Ce qui caractérise le projet par-dessus toutes les contraintes précitées est sa situation dans la ville et plus particulièrement dans une zone ayant un poids historique certain. En plus du Musée, le Palais de justice, l’ambassade de France et son service culturel, la Sécurité nationale, le siège de l’Université libanaise et celui du Conseil des ministres sont autant d’adresses prestigieuses qui viennent rappeler combien ce kilomètre carré de Beyrouth est un centre de gravité culturel et identitaire dans l’histoire contemporaine du pays. Le projet se situe aussi à l’endroit où la route de Damas rencontre le légendaire point de passage entre les deux parties de Beyrouth autrefois séparées par une « ligne verte ». Cette symbolique des axes routiers menant au projet est un élément supplémentaire à mettre à l’actif de ce lieu, qui a longtemps été un point de rassemblement, de rencontre et qui témoigne de l’aspect consensuel caractéristique du pays. Le quartier est également très marqué par la présence de l’USJ. La portion de la route de Damas sur laquelle se trouve le CIES longe une succession de bâtiments universitaires dont le dernier en date, l’USJ-Référence, est enclavé dans le CIES. Il faut dire que l’USJ, malgré la guerre et les destructions, a constamment privilégié la reconstruction dans une zone symbole de coexistence… En plus de son poids historique, l’environnement urbain immédiat du projet est très diversifié. Les vieux immeubles résidentiels, même s’ils ne donnent pas directement sur la route de Damas, viennent rappeler que, sans être une cité-dortoir, le quartier mène une sorte de double vie. Les bâtiments publics lui confèrent une certaine austérité qui est brutalement mise à mal par la vie universitaire qui s’y développe. Architecturalement aussi, la région est très hybride, ce qui rend la mission de l’architecte moins définie. Les nuisances sonores et la circulation automobile qui y est très dense sont aussi des facteurs déterminants dans les options des architectes. Réponses C’est en tenant compte de toutes ces contraintes que 109 architectes ont dû avoir réponse au défi urbain et à la problématique architecturale. Situé au centre de la ville, le projet épouse les limites du terrain et s’inscrit dans la continuité des bâtiments mitoyens afin de constituer un « îlot USJ » articulé autour d’un espace intérieur. Humilité et souci obsessionnel d’éviter la prétention ont guidé la réflexion urbaine, d’autant plus que ces valeurs cadrent bien avec la personnalité du maître d’ouvrage. Le but étant de : • S’intégrer dans le quartier et épouser son train de vie, son rapport aux riverains et aux piétons, refuser le côté « landmark » et effet de mode. • Recréer l’apparente cacophonie urbaine, son aspect non uniforme, sa variété de matériaux, de langage, d’ouvertures. • Trouver des séquences imprévisibles qui donnent au cheminement piéton un intérêt renouvelé qui fait que l’habitude voire la lassitude s’installent plus difficilement. 109 définit ainsi l’approche architecturale : « Elle est contextuelle. Nous avons maintenu une idée maîtresse : le vide génère le plein. C’est en sculptant l’îlot autour d’un espace central que se définissent les volumes habités. Ainsi, ceux-ci se libèrent de toute contrainte d’ordre géométrique, créant des espaces en intime dialogue avec le cœur du projet. » Ainsi, un espace intérieur offre aux étudiants un espace convivial et privatif en interaction avec la ville. Aménagé en parvis, plan d’eau et patios, protégé des nuisances d’un contexte dense et bruyant, cet espace devient le poumon du projet. Une cour intérieure se profile à travers les diverses fentes périphériques et aspire les passants vers le cœur du projet. Plusieurs fonctions s’articulent autour de l’espace central et du plan d’eau. Dans l’auditorium, par exemple, l’arrière-scène se prolonge vers l’extérieur, la vie du campus devient un décor sans cesse réinventé par la vie grouillante du campus. Un escalier monumental effectue la liaison entre le cœur de l’îlot et le toit paysager. Le parcours offre aux étudiants plusieurs séquences de rencontre et de détente. « Cet escalier ne se pose pas comme une fonction de circulation ; il permet à chacun des étages du bâtiment de se prolonger vers l’extérieur et favorise l’interaction. L’escalier offre le recul nécessaire à la mise en scène des monolithes entourant le plan d’eau », dit Tohmé. Le toit paysager ponctué par une cafétéria, un espace de lecture, une chapelle et une piscine constitue l’aboutissement du parcours. « Il est conçu comme un second rez-de-chaussée, plus lumineux et plus vaste », affirme Berberi. Cette astuce compense aussi l’exiguïté du terrain qui a limité les espaces extérieurs. Identité architecturale Afin de rendre une identité contextuelle au projet, les architectes se sont concentrés sur la création d’ambiances par le choix des matériaux, la qualité des espaces et « surtout par l’utilisation de la lumière », précisent les architectes. Celle-ci dessine les volumes quand elle vient dialoguer avec les monolithes en béton à coloration naturelle. Dans un souci d’intégration avec le langage architectural et identitaire libanais, une « moucharrabieh » enveloppe les façades du bâtiment donnant sur l’extérieur. « Elle préserve les salles de classe et les bureaux en leur offrant une lumière diffuse et un bouclier acoustique. » Elle se présente également comme la désintégration des façades en béton. La lumière est aussi douce et laiteuse à travers une paroi en polycarbonate englobant le centre sportif. Cette paroi assure une légèreté à un volume massif (de par les fonctions qu’il comprend) qui vient se fondre dans le paysage de l’université. Elle donne aussi aux fonctions situées en terrasse (restaurant, piscine, chapelle) l’aspect de dômes lumineux couronnant des monolithes en pierre. La réussite du projet ne saurait s’accomplir sans une identité architecturale et urbaine forte, sans une intégration du bâtiment dans son milieu, sa façon de refléter les valeurs de l’USJ, sa vocation et son message, la combinaison des tendances modernes avec le traditionnel et sans trouver des compromis qui, par définition, sont aussi insatisfaisants qu’incontournables. Il faudra attendre 2010, date prévue pour la clôture du chantier, pour avoir une réponse plus concrète. Un programme très diversifié Le projet consiste en l’édification d’un Pôle technologie santé (PTS) au sein d’un campus universitaire doté d’un programme complexe et très diversifié. Trois grands pôles ont été identifiés : • Le Pôle technologie santé et la faculté de sciences économiques L’élément le plus original du projet, celui qui a suscité le plus d’intérêt chez les partenaires sollicités pour le financement, est le Pôle technologie santé. Il s’agit d’un ensemble de bureaux, de laboratoires et d’équipements mis à la disposition des chercheurs de l’USJ dans le secteur de la santé, depuis la recherche fondamentale jusqu’au développement, selon sept axes : biomatériaux, biophysique, physio-pharmacologie, agents pathogènes et vaccinologie, oncologie, nutrition. Situé le plus loin possible des axes routiers, il est adjacent au rectorat et à l’USJ-Référence. La faculté de sciences économiques complète un bâtiment couronné en terrasse par un espace de détente. Les locaux sont plus classiques : amphis et salles de cours, bibliothèque, administration ; restaurant, lounge et bar, Internet. • L’administration et les lieux de vie Situé à l’angle de la parcelle, ce groupement de fonctions, souvent communes, fait office de transition entre le sport et le PTS. Il comprend : chapelle, aumônerie, auditorium, salle de musique, buvette et siège des amicales. Plusieurs institutions y ont aussi trouvé leur place : Institut de physiothérapie, Institut supérieur d’orthophonie, Musée de minéralogie, mais aussi la garderie de l’université. En sous-sol, le parking offre 600 places sur quatre niveaux. • Le sport Accessible sur la route de Damas, le bâtiment sportif est surélevé de façon à libérer le rez-de-chaussée. Il comprend : piscine semi-olympique, spa et Health Club, salle de judo et arts martiaux, squash, ping-pong, musculation, terrain omnisports (handball, basket, volley, fustal, tennis), vestiaires, infirmerie et administration, cafétéria, salons, salles polyvalentes. Makram HADDAD



Avec une étude qui a démarré début 2005, et des travaux entamés quelque 18 mois plus tard, le Campus de l’innovation, de l’économie et du sport (CIES) est le nouveau chantier de l’Université Saint-Joseph. Plus de 30 millions de dollars, 60 000 m2 de bâti, un programme aussi diversifié qu’ambitieux et une situation au cœur historique de la ville font du projet...