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Actualités - CHRONOLOGIE

WEB CULTURE - Un blog de « zajal » dont l’auteur est un passionné qui vit à Paris Le verbe acéré, la laitue et le « daff » au format mp3 !

Il s’invite aux mariages comme aux enterrements, panégyrique ou railleur, gentiment moqueur ou carrément satirique, le « zajal » libanais se fait aujourd’hui un nom sur la toile. Pour la plupart de nos compatriotes, cette poésie chantée se résume à une image, gravée dans les rétines : une émission, en noir et blanc, vieille d’une vingtaine d’années et diffusée tous les soirs, avec une régularité de métronome, sur les ondes hertziennes de Télé Liban. La star : une table rectangulaire où trône majestueusement un grand bol de taboulé piqué de feuilles de laitues. Des hommes en costard cravate, habit traditionnel ou en bras de chemise (ça dépend du contexte) sont assis face à un public enthousiaste exprimant son approbation avec force de « Oof, oof ». Entre deux gorgées d’arak, ce groupe de poètes se lancent, « daff » à la main, dans un dialogue plein d’esprit en chantant des vers improvisés. Nostalgie et technologie obligent, voici un blog (francophone s’il vous plaît !) dédié au zajal où l’on (re)découvre des perles de fichiers audio et vidéos de poètes tels que Zaghloul, Moussa Zgheyb, Talli3 Hamdane et bien d’autres. http://molubdo.blog.mongenie.com/ Le zajal est un poème chanté en langue dialectale, improvisé à 80 %. Il commence par le premier volet, le matla3 (envoi), et se termine par le qufl (fermeture). « Entre ces deux, l’ordre peut varier selon les fêtes, les poètes, etc. Mais, très souvent, le “ghazal” vient vers la fin de la fête car c’est un genre très apprécié et les poètes le réservent donc comme “dessert” qu’ils offrent au public », souligne Mahmoud Mehdi, l’auteur (plus très) anonyme de ce blog. Pas « zajliote » pour un sou, « oh non ! Je n’ai absolument pas ce talent. Je me contente simplement d’écouter les œuvres », s’exclame le jeune homme qui vit à Paris « depuis l’âge de deux ans ». Après avoir passé un master de chimie, il dit s’être reconverti dans le génie civil et il pratique actuellement le métier de dessinateur projeteur. Si on lui demande de nous dresser un historique du zajal, de remonter à ses origines, de dévoiler ses précurseurs, il avoue très simplement préférer se contenter d’inviter ceux qui visitent son blog « à écouter, voir ou lire du zajal ». Et d’ajouter : « Lorsque je parcours Internet, que j’y découvre un site, une page qui parlent de l’histoire du zajal, j’y fais référence dans mon blog en invitant ceux qui souhaitent enrichir leur connaissance dans ce domaine. » Mehdi précise en effet que « contrairement à de nombreux autres, ce site n’est pas un lieu de discussion où les gens viennent donner leur avis sur tel ou tel sujet. Ici, j’invite les gens à venir “vivre” le zajal, avec des vidéos, des extraits audio ainsi que des poèmes, que les internautes m’envoient. Ces derniers me laissent souvent des commentaires fort chaleureux et encourageants, ce qui est très agréable, je dois bien l’avouer. » Sa passion du zajal remonte à plus de cinq ans. « Je me souviens, je rangeais de vieilles cassettes audio sans nom quand j’ai décidé de savoir ce qu’il y avait sur l’une d’entre elles. Je suis tombé sur une cassette de zajal, plus particulièrement un passage de Zaghloul el-Damour. Je suis resté “scotché” devant, un bon moment. Il faut avouer que ce chanteur possède l’une des plus belles voix que le zajal ait connues. » Piqué par le zajal, le jeune ingénieur se lance, sur Google, dans des recherches assidues pour dénicher des « assayed », du « chrou2é », du « ghazal », du « erradé », du « mwachcha7 », du « mkhammas mardoud », du « mijana et ataba ». Sans rien trouver d’intéressant. Il décide donc, au vu de cette lacune, d’ouvrir un blog pour essayer, « très modestement, d’enrichir un peu la toile. Au vu des commentaires que me laissent les internautes, je dois dire que je commence petitement à réussir ce pari. » Les extraits vidéo proviennent d’enregistrements à la télévision. « Je ne remercierai jamais assez le satellite ! Sinon, des internautes m’envoient des fêtes directement via Internet. Je tiens à leur exprimer toute ma gratitude. Ils se reconnaîtront. J’ai reçu des fêtes du Canada, du Liban. J’ai même reçu des États-Unis, de la part du Pr Edgar Choueiri, une soirée de zajal où il participait. Jamais je n’aurais imaginé que mon petit blog puisse générer autant. » Et d’ajouter : « Les visiteurs sont pour la grande majorité très satisfaits. Ils me remercient la plupart du temps. Ce qui m’encourage à faire plus. Il y a des personnes qui m’envoient des poèmes écrits. Je pense notamment à Toni Chalhoub (à ne pas confondre avec son homonyme, le célèbre acteur de Monk !) » Best of… Si l’on devait établir un best of, qui serait son « chanteur » de zajal préféré ? « Question difficile. En fait, je ne peux pas faire un classement de ces poètes. Par exemple, dans la fête de Jbeil, entre les poètes Moussa Zgheyb et Talli3 Hamdane, j’ai particulièrement apprécié le “khitem” de Moussa Zgheyb alors que Talli3 l’avait, à mon sens, surclassé par instants lors du “m3anna”. La voix harmonieuse de Zaghloul donne un petit plus au “ghazal”. Encore une fois, c’est difficile de choisir. Mais si je devais en désigner un, je pense que ce serait Moussa Zgheyb, car j’ai eu la chance et l’honneur de le rencontrer, de lui serrer la main et même de prendre une photo avec lui. » Son extrait vidéo préféré ? « C’est un extrait de la fête de Madiné Riadiyé entre les poètes Zaghloul el-Damour et sayyed Mohammad al-Mustapha. Dans ce morceau, vous pouvez remarquer à quel point les gens sont “pris” dans ces joutes verbales. À chaque réplique, certains se lèvent, applaudissent. Il y en a même un qui, vers la fin de l’extrait, se lève et embrasse sayyed Mohammad al-Mustapha pour le remercier de la réplique qu’il vient d’adresser à Zaghloul. » Le plus rare ? « Celui de Madiné Riadiyé, justement. Cette ancienne fête regroupait alors pas moins de seize poètes. » Le difficile à trouver ? « Tous ceux que je n’ai pas encore, hélas. » Le plus drôle ? « Tous ceux avec le regretté Zein Ch3eyb, “Bou Ali”. » Concernant l’état actuel du zajal, Mahmoud Mehdi indique qu’il « y a une nouvelle génération de poètes qui se met en place, encadrée par les “piliers”, indispensables au passage de relais. Dans cette nouvelle génération, on peut citer quelques noms, mais il y en a beaucoup d’autres, tels que Victor Mirza, Ali Farroukh, Bassam 7arb (le fils du regretté Édouard 7arb), Sami7 Khalil (neveu de Moussa Zgheyb), Chaouqi Cha3baan, etc. » Le zajal, un art en voie de disparition ? « C’est dur à dire, mais malheureusement le zajal perd du terrain face à “la nouvelle vague”. Sur la scène libanaise, on voit encore des fêtes de zajal ça et là et de nombreux amateurs viennent écouter les joutes verbales, mais il faut se rendre à l’évidence, ce n’est pas facile de concurrencer les Haïfa, Nancy et autres Nawal. » En ce qui concerne notre blogueur, il déclare être quelqu’un de très éclectique : « J’écoute vraiment de tout, de la musique classique au rap. » Mais on aura compris où va sa préférence… Il dit avoir ouvert ce blog pour partager une de ses passions. Quelles sont les autres ? « Je lis des livres d’histoires contemporaines. Je lis actuellement l’excellent ouvrage de Gordon Thomas, Les armes secrètes de la CIA. J’ai lu Les secrets de la guerre du Liban d’Alain Ménargues, La face cachée du pétrole ainsi que La face cachée du 11-Septembre d’Éric Laurent. C’est ce genre d’ouvrages que j’apprécie. J’aime le football, la natation, le tennis. La musique en général. Mais par-dessus tout, ma première passion, c’est mon pays, le Liban. » Le pays du Cèdre représente en effet tout pour cet amateur de zajal. « C’est le pays qui m’a vu naître. Quand je débarque au Liban, je me sens quelqu’un d’autre. Je me sens bien. Malgré tous les problèmes qu’il rencontre actuellement, je l’aime. » Maya GHANDOUR HERT
Il s’invite aux mariages comme aux enterrements, panégyrique ou railleur, gentiment moqueur ou carrément satirique, le « zajal » libanais se fait aujourd’hui un nom sur la toile. Pour la plupart de nos compatriotes, cette poésie chantée se résume à une image, gravée dans les rétines : une émission, en noir et blanc, vieille d’une vingtaine d’années et diffusée tous les...