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Arc-en-Ciel apporte une aide pragmatique aux déplacés Ces réfugiés irakiens dans l’attente d’un nouveau départ Camille AUBRET

«Il y a entre 10 000 et 60 000 réfugiés irakiens au Liban », estime Johnny Stefan, directeur du centre Arc-en-Ciel ouvert à Aïn el-Remmaneh. L’incertitude des chiffres n’a d’égale que celle de la situation de nombreuses familles irakiennes, venues au Liban dans l’espoir d’émigrer vers l’Europe ou les États-Unis. Ouvert en février 2006, le centre de Aïn el-Remmaneh est l’un des sept centres de l’association libanaise Arc-en-Ciel, fondée en 1985. Cinq cents personnes, en grande majorité des Irakiens, sont inscrites sur ses listes de bénéficiaires. Celles-ci sont venues au Liban pour fuir les persécutions du régime de Saddam Hussein ou la guerre menée depuis 2003 par l’armée américaine en Irak. Exilés, ces réfugiés n’ont pas le droit de travailler, voient leurs ressources financières diminuer et ignorent s’ils reviendront un jour chez eux. Au Liban, le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (UNHCR) délivre à une partie des arrivants des cartes de réfugiés, après un examen de leur dossier qui peut prendre de longues semaines. Le statut officiel de réfugié n’a pas valeur d’un titre de séjour, mais garantit que les autorités libanaises feront preuve d’une certaine tolérance permettant aux exilés de séjourner dans le pays. L’ouverture du centre de Aïn el-Remmaneh Au début de l’année 2006, l’association Arc-en-Ciel décide de reprendre la gestion d’un centre d’accueil de réfugiés dans le quartier de Aïn el-Remmaneh. L’objectif de l’association est d’apporter une aide pragmatique aux réfugiés et de leur permettre de trouver des repères au Liban. Le centre propose des cours gratuits d’anglais, d’informatique, ainsi que, pour les femmes qui visitent le centre le matin, des ateliers de coiffure, poterie et céramique. Pratiquées à la maison, ces activités permettent de générer de petits revenus et de contourner tant bien que mal l’interdiction de travailler qui frappe tous les réfugiés au Liban. Les cours d’informatique permettent d’apprendre à rédiger un CV et à se débrouiller avec le courrier électronique. Quant aux cours d’anglais, ils sont surtout suivis par ceux qui espèrent obtenir l’asile politique en Europe ou aux États-Unis. Maya Haddad, assistante sociale, accueille les réfugiés dans le centre, s’informe de leur situation, mais se rend aussi chez eux pour s’assurer que les logements occupés par les familles ne sont pas insalubres. Elle y rencontre aussi des personnes qui n’osent pas venir à Arc-en-Ciel et qui font face à de multiples difficultés. « Les réfugiés ont beaucoup de problèmes familiaux, mais aussi psychologiques. Aujourd’hui, je dois rendre visite à une jeune fille qui a fait plusieurs tentatives de suicide et fait une dépression depuis un an. Je vais essayer de la mettre en contact avec un psychologue. » Enfin, le centre donne lui-même du travail à cinq Irakiens, puisqu’il emploie trois professeurs d’informatique, une travailleuse communautaire et un agent de nettoyage. Des associations désarmées Malgré leurs efforts, les responsables du centre éprouvent tous les jours les limites de leur action. « La solution du problème ne dépend ni de nous ni du HCR. C’est de la politique internationale. Nous gérons au mieux, le temps de voir la solution du problème », explique Johnny Stefan. Cette même lassitude est perceptible chez les réfugiés qui semblent convaincus que les associations sont impuissantes à leur assurer un avenir. Ainsi, sur les 500 personnes inscrites sur les listes du centre, seule une vingtaine se rend quotidiennement au centre. L’assiduité aux cours d’anglais dépend de leurs espoirs d’obtenir un visa pour les États-Unis, le Canada ou l’Europe. « Le jour où ils pensent qu’ils vont pouvoir partir, ils viennent en classe, puis abandonnent quand leurs espoirs sont déçus », constate le directeur du centre. Et leurs attentes sont souvent trompées. Sur les 500 personnes inscrites au centre, seules deux familles ont réussi à émigrer l’année passée, l’une en Suède et l’autre en Australie. Naïma, Mona, entre deux pays Naïma, 43 ans, licenciée en mathématiques, habitait à Bassora, au sud de l’Irak. Elle est venue en 2001 pour fuir les persécutions de Saddam et du régime baassiste. Depuis peu, elle a été employée comme travailleuse communautaire par le centre. Ses cinq enfants vont à l’école, elle s’est habituée au Liban, mais souhaiterait « être considérée comme une personne normale, une personne éduquée ayant une licence universitaire ». L’arrivée de Mona, 37 ans, est plus récente. Quand on lui demande si elle souhaite retourner en Irak, elle reste muette et ne peut cacher ses larmes. À Bagdad, son frère qui parle anglais travaillait comme traducteur pour les Américains. Pour se venger, « un groupe de Palestiniens et d’Afghans ont enlevé sa fille cadette » et ont menacé de la tuer si la famille ne leur livrait pas le frère. Heureusement, sa fille a été retrouvée saine et sauve et, peu après, Mona a décidé de fuir vers la Syrie, puis le Liban qu’elle habite depuis décembre 2006. Elle ignore encore si le pays du Cèdre sera un refuge ou un nouvel exil.
«Il y a entre 10 000 et 60 000 réfugiés irakiens au Liban », estime Johnny Stefan, directeur du centre Arc-en-Ciel ouvert à Aïn el-Remmaneh. L’incertitude des chiffres n’a d’égale que celle de la situation de nombreuses familles irakiennes, venues au Liban dans l’espoir d’émigrer vers l’Europe ou les États-Unis.
Ouvert en février 2006, le centre de Aïn el-Remmaneh est...