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Actualités - OPINION

Injustice collective Dr Élie Abouaoun

La bataille électorale du Metn aura été celle de toutes les dérives ; chacun des camps décidant d’aller jusqu’aux extrêmes pour améliorer ses chances de victoire. Normal, dirait-on, dans un contexte électoral. Pas vraiment, dirais-je, car la fin ne justifiera jamais les moyens. Cependant, les propos de l’après-bataille sont les plus choquants. Au moins trois personnalités politiques de premier plan ont, le temps d’une émission télévisée, tenu des propos du moins injurieux à l’encontre d’une communauté tout entière. Depuis toujours, le comportement électoral des Libanais d’origine arménienne suscitait des discussions animées. Mais on n’a jamais vu des faiseurs d’opinion tenir des propos aussi racistes et haineux sur les plateaux. Et cela n’augure rien de bon pour une société qui vient de recouvrir son indépendance et sa souveraineté. Faut-il rappeler à la majorité de nos politiciens que la consolidation du processus démocratique au Liban ne se fera jamais que sur la base du respect des normes internationales de droits de l’homme ? Or c’est justement ces normes que l’on a royalement bafouées an ostracisant une communauté tout entière. D’aucuns justifieront cette « réaction spontanée et normale » (sic !) par le choix politique des Libanais d’origine arménienne. C’est le sommet de l’absurdité. Que cette communauté ait décidé de prendre part à la bataille électorale ou non ne donne en aucun cas le droit de l’accuser de tous les maux. L’insinuation au fait que « les Arméniens auraient dû se tenir à l’écart du duel maronito-maronite » relève d’une mentalité moyenâgeuse et prive une communauté tout entière de son droit basique à la participation politique. Aucune société civilisée n’accepterait que l’on tienne de propos pareils à l’encontre d’une communauté tout entière qui est au Liban depuis bientôt une centaine d’années, parfaitement intégrée dans le tissu social libanais, et qui en plus joue un rôle prépondérant dans l’économie nationale. En bref, les Libanais d’origine arménienne furent accusés de suivre les choix d’un parti totalitaire, d’avoir pris parti dans le conflit politique interne qui secoue le Liban depuis bientôt deux ans, et d’avoir favorisé la victoire d’un candidat sur l’autre. Pour commencer, que l’on m’indique un seul chef de parti libanais élu par les membres de son parti. Tous les leaders sont consacrés à vie sans aucune élection, et maintenant l’on reproche au parti majoritaire arménien d’être totalitaire. Ce n’est pas pour défendre le parti Tachnag, mais pour rappeler de la nécessité de conserver un minimum de pudeur dans les discours politiques. Suffit-il d’élire les secrétaires généraux et quelques figurants pour dire que tel ou tel parti n’est pas totalitaire ? Y a-t-il un seul parti politique qui a consulté ses bases avant d’opérer des changements radicaux dans sa stratégie politique ? Est-ce que les prosyriens qui sont devenus antisyriens ont consulté leurs bases avant de changer ? Les bases partisanes ont-elles été consultées lors de la conclusion des différentes alliances (quadripartite et autres…) ? Ou lors de leur dissolution ? Ces choix n’ont-ils pas été imposés aux bases ? Ces dernières n’ont-elles pas dû suivre aveuglément leurs leaders respectifs sans rien comprendre ? L’on n’a pas vu hier des « pressions » religieuses en faveur d’un candidat déterminé à Beyrouth ? Accepterait-on un jugement collectif sur les sunnites, sur les druzes ou sur toute autre communauté ? D’autre part, pourquoi les Arméniens ne peuvent-ils pas prendre position dans un conflit politique interne ? Ne peuvent-ils pas se prononcer en faveur de tel ou tel candidat ? Ne sont-ils pas des citoyens à part entière ? D’autres Libanais jouissent-ils d’une prépondérance sur les Arméniens en termes de droits politiques ? Cela dit, toujours est-il que les yeux sont braqués maintenant sur le gouvernement libanais et les autorités judiciaires afin de réparer cette injustice collective à l’encontre des Libanais d’origine arménienne. Il est impératif que les propos injurieux soient sanctionnés. Faute de quoi, une nouvelle violation des droits de l’homme s’ajouterait au bilan déjà (trop) négatif du Liban dans ce domaine. Mais quelqu’un se soucie-t-il vraiment d’enregistrer des progrès à ce niveau ? Apparemment pas. Dr Élie Abouaoun Chargé de cours à l’Université Saint-Joseph Article paru le Mercredi 8 août 2007
La bataille électorale du Metn aura été celle de toutes les dérives ; chacun des camps décidant d’aller jusqu’aux extrêmes pour améliorer ses chances de victoire. Normal, dirait-on, dans un contexte électoral. Pas vraiment, dirais-je, car la fin ne justifiera jamais les moyens. Cependant, les propos de l’après-bataille sont les plus choquants. Au moins trois personnalités...