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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE Qui sont les véritables perdants de l’élection du Metn ?

À entendre le président Amine Gemayel et le général Michel Aoun, dimanche soir, après l’annonce des premiers résultats de l’élection partielle, on se serait cru à l’école des fans : tout le monde a gagné ! C’est en tous les cas le message perçu par les téléspectateurs libanais, rivés devant leurs écrans et impatients de connaître l’issue d’une bataille qui a mobilisé le pays entier. Annoncés officieusement, par le CPL d’abord, et sitôt reconnus par le leader druze Walid Joumblatt – qui s’est dépêché de donner le ton en qualifiant la victoire « numérique » du candidat CPL de « défaite politique marquant la fin du mythe tsunami » –, les résultats en faveur du candidat Camille Khoury n’ont pas pour autant découragé l’ancien chef de l’État Amine Gemayel. Au même moment, ce dernier annonçait sa prééminence d’abord quantitative – sur base des premières données avancées par sa machine électorale – puis « qualitative ». Allant dans le même sens que son allié druze, le candidat malheureux a immédiatement annoncé la couleur de ce qui allait devenir le cheval de bataille de la majorité : « Ces élections, nous les avons remportées », a-t-il clamé devant ses partisans. Certes, on ne peut que reconnaître qu’Amine Gemayel a raflé la majorité des voix maronites (entre 60 et 65 %) laissant son adversaire du CPL comptabiliser surtout sur les électeurs du Parti syrien national social (PSNS) et ceux du Tachnag. Deux mouvements qui ont en réalité voté « utile », ayant chacun leurs comptes à régler avec l’équipe du 14 Mars, notamment le Tachnag, qui se dit tout aussi marginalisé par le pouvoir que les chiites. C’est donc sur une « double victoire » annoncée que la journée de dimanche s’est achevée, laissant toutefois les électeurs aussi bien que les observateurs sidérés, mais non moins contents, de voir cette bataille se clôturer sans trop de dégâts. Car outre les deux candidats qui affirment chacun, selon ses critères, avoir gagné, le troisième gagnant est, reconnaissons-le, la démocratie illustrée par le bon déroulement de l’opération électorale, au sens stricto sensu du terme. Mais qu’en est-il de la véritable démocratie et de la liberté de choix laissée aux électeurs dans une bataille dont on a encore du mal à définir les objectifs et les desseins ? Certes, il fallait bien, tôt ou tard, remplacer le siège vacant du Metn, grâce à une élection dont l’enjeu principal, sinon unique, était symbolique, sinon émotif. Or c’est en sondant un peu l’opinion des électeurs que l’on comprend que le vote accordé pour l’un ou l’autre candidat « était souvent bien plus un vote de dépit et contre l’autre candidat, qu’une voix exprimant une conviction de la justesse des causes en jeu », ce qui achève de ternir un peu plus cette consultation aux enjeux faussés. Ce qui est encore moins certain, c’est l’idée que cette bataille devait « déterminer l’avenir et l’orientation politique du Liban », comme déclaré à plusieurs reprises par les responsables ou analystes politiques. Entendre, la perte du leadership chrétien au profit du président Amine Gemayel devait jouer en faveur de ce dernier – présidentiable – dans quelques mois ou tout au moins, d’autres candidats du camp du 14 Mars qui peut désormais se prévaloir d’une « légitimité renouvelée » à l’issue de cette élection. L’inverse est tout aussi vraie, toujours selon cette analyse, à savoir que le CPL, dont le chef est également candidat à la présidence, pourra accroître ses chances en septembre prochain et aspirer au poste de la première magistrature. Ce raisonnement, qui reste toutefois de bonne guerre à l’ombre de la lutte sans merci que mènent les forces du 8 et du 14 Mars, ne peut tenir la route, pour deux raisons majeures. La première, qui se fonde sur l’éthique politique et le bon sens, veut qu’un chef de l’État soit avant tout l’arbitre de la nation, un leader au-dessus de tous les citoyens, partis, clans et alliances politiques en place. C’est ce que ne cesse de répéter le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, en optant pour un « président fort et accepté de tous ». Or la campagne électorale menée aussi bien par Michel Aoun que par Amine Gemayel a non seulement approfondi la division de la rue chrétienne, mais également au sein du pays. Ce qui laisse de sérieux doutes sur la capacité de ces deux candidats présidentiables à fédérer le pays au cas où l’un des deux serait élu. La même logique s’applique aux autres candidats pressentis du 14 Mars, dont les chances d’être propulsés à la présidence de la République s’amenuisent d’autant plus que les clivages se creusent et l’animosité s’amplifie entre majorité et opposition. La seconde raison, et on l’oublie souvent, est le fait que le principal électeur du chef de l’État, et ce à travers l’histoire récente du Liban, n’a jamais été libanais et ne le sera pas de sitôt en tous les cas, certainement pas à l’ombre du bras de fer américano-iranien. Par conséquent, ce n’est vraisemblablement pas l’équation locale et les équilibres internes qui détermineront l’identité du futur président, mais bel et bien les puissances étrangères les plus influentes au pays du Cèdre. À qui aura donc véritablement profité le scrutin du Metn ? Certainement pas à l’unité du Liban, que cette bataille a déchiré un peu plus à la veille d’échéances majeures, dont l’issue de la bataille à Nahr el-Bared, qu’on a presque oublié, et l’initiative de médiation française qui apparaît un peu lointaine. Il n’aura pas profité aux chrétiens non plus, plus que jamais fragilisés au lendemain d’une bataille dont les répercussions au niveau de la rue metniote et de l’avenir du pays dans son ensemble iront bien au-delà de la félicité des deux « gagnants ». Jeanine JALKH
À entendre le président Amine Gemayel et le général Michel Aoun, dimanche soir, après l’annonce des premiers résultats de l’élection partielle, on se serait cru à l’école des fans : tout le monde a gagné ! C’est en tous les cas le message perçu par les téléspectateurs libanais, rivés devant leurs écrans et impatients de connaître l’issue d’une bataille qui a mobilisé...