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Actualités - OPINION

L’utilisation des procédures exceptionnelles par le Conseil des ministres I - Du risque de blocage des institutions

Le régime libanais est un régime parlementaire, et comme tout régime de cette nature, il préconise, pour l’adoption des actes juridiques, la collaboration entre les autorités intéressées. D’une part, collaboration entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. En effet, les actes législatifs exigent la participation de la Chambre pour voter les lois, du Conseil des ministres pour proposer des textes de loi et du président de la République pour promulguer la loi votée. D’autre part, une collaboration est requise au sein du pouvoir exécutif, les actes de l’Exécutif exigeant la participation du Conseil des ministres, lequel adopte des décrets, et du président de la République qui promulgue ces décrets. Enfin, collaboration entre le chef de l’État et chacun des ministres en ce qui concerne le pouvoir réglementaire. En effet, les règlements exigent la signature du ministre concerné sur le décret ordinaire, du Premier ministre et, enfin, du président de la République pour la promulgation. Le président de la République contresignant ainsi les actes juridiques de l’Exécutif, sa responsabilité de ce chef est couverte devant la Chambre des députés par la responsabilité du ministre concerné. Le Parlement peut retirer sa confiance au ministre ou voter une motion de défiance contre le gouvernement en cas d’erreur dans l’exercice du pouvoir, alors même qu’il ne peut faire supporter de responsabilité au président de la République du fait de son contreseing sur les actes du gouvernement ; le président n’étant tenu responsable qu’en cas de violation de la Constitution ou de haute trahison. Il est évident qu’en l’absence de participation des organes de l’Exécutif (président de la République, président du Conseil des ministres et ministres) aux actes législatifs ou exécutifs, le régime politique parlementaire ne peut fonctionner en harmonie, ce qui débouche parfois sur un blocage des institutions. C’est d’ailleurs ce qui se passe actuellement, l’absence de collaboration entre le président de la République et le gouvernement ayant poussé le Conseil des ministres à transgresser les procédures habituelles, normalement suivies dans le régime parlementaire, pour utiliser des procédures exceptionnelles : tout d’abord, en utilisant de manière permanente la procédure de l’article 56 en ce qui concerne la publication des décrets sans le contreseing du président de la République, ensuite en adoptant un décret ordinaire n° 493 du 2/7/2007 (Convocation des électeurs pour les élections partielles du Metn et de Beyrouth), qui ne relève pas, selon les règles constitutionnelles, de la compétence du Conseil des ministres ni d’ailleurs de l’article 56 de la Constitution. Premièrement : la procédure exceptionnelle de l’article 56 de la Constitution pour la promulgation des décrets pris en Conseil des ministres sans le contreseing du président de la République. Parmi les actes administratifs, il faut différencier entre les décrets pris en Conseil des ministres, les décrets ordinaires et les arrêtés ministériels. Ces derniers sont des décisions prises par le ministre dans le domaine de sa fonction, qui ne nécessitent pas le contreseing du président de la République ou du chef du gouvernement, tandis que le décret ordinaire, plus communément appelé décret présidentiel, est le texte dont le projet est préparé par le ministre concerné, puis transmis au président du Conseil des ministres et au président de la République, lequel le promulgue en vue de sa publication au Journal officiel. Les décrets pris en Conseil des ministres, en vertu de l’article 65 de la Constitution, sont aussi soumis au contreseing du président de la République. La règle a toujours voulu que celui-ci ainsi que le Premier ministre signent tous les décrets, tous genres confondus, et cela au nom du bicéphalisme au sommet de l’Exécutif qui a toujours caractérisé le fonctionnement du régime politique libanais. Néanmoins, le second alinéa de l’article 56, qui s’applique en cas de refus du président de la République de promulguer le décret, stipule : « Et il (le président de la République) promulgue les décrets et demande leur publication. Il a le droit de demander au Conseil des ministres un nouvel examen de toutes ses résolutions dans un délai de quinze jours à partir de leur transmission à la présidence de la République. Si le Conseil des ministres confirme sa résolution ou si le délai est passé sans la promulgation du décret (…) ce décret est considéré exécutoire et devra être publié. » Or le Conseil des ministres utilise depuis quelques mois, d’une manière permanente, la procédure de publication des décrets pris en Conseil des ministres sans le concours du président de la République, une procédure prévue, certes, par l’article 56 de la Constitution, mais qui est une procédure exceptionnelle qui n’a de justification que dans le cas de divergence profonde entre le président de la République et le Conseil des ministres à propos d’une ou de plusieurs résolutions. Ce qui n’est nullement le cas actuellement, puisque le différend ne porte pas tant sur le contenu des décisions du Conseil des ministres que sur la légalité du gouvernement. D’une part, en effet, le président de la République refuse de signer les actes émanant du Conseil des ministres, car il considère que la composition du cabinet viole le préambule de la Constitution, qui stipule que « toute autorité qui contrevient le pacte de coexistence est illégitime », et cela du fait que la communauté chiite n’est plus représentée au gouvernement depuis que tous les ministres de cette communauté ont démissionné de leur fonction. D’autre part, le gouvernement, fort de la majorité qu’il détient à la Chambre, soumet les actes qu’il prend aux dispositions de l’article 56 de la Constitution, lequel article, comme nous l’avons vu, rend les actes exécutoires dans le délai de quinze jours même en l’absence de contreseing du président de la République. Ajoutons que la Chambre ne se réunissant plus pour contrôler l’action du gouvernement, le Liban n’est plus soumis, en conséquence, au régime parlementaire classique, du moins tel qu’il se conçoit (collaboration entre les pouvoirs et contrôle du Parlement), car il en résulte une concentration des pouvoirs aux mains du Conseil des ministres, hypothèse applicable seulement en cas de vacance de la présidence. Dans ce sens, nous pouvons citer le gouvernement du général Fouad Chéhab nommé par le président Béchara el-Khoury, démissionnaire en 1952, et qui détenait durant la période de son intérim les attributions présidentielles et gouvernementales. Francis KARAM Docteur en droit public Prochain article : L’indispensable dialogue pour un consensus
Le régime libanais est un régime parlementaire, et comme tout régime de cette nature, il préconise, pour l’adoption des actes juridiques, la collaboration entre les autorités intéressées. D’une part, collaboration entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. En effet, les actes législatifs exigent la participation de la Chambre pour voter les lois, du Conseil des ministres...