Rechercher
Rechercher

Actualités - interview

Interview - La bataille contre Amine Gemayel au Metn est dirigée contre les options historiques chrétiennes, affirme le chef du PNL

Dory Chamoun : L’acquis fondamental à préserver, c’est la rencontre des Libanais le 14 mars autour de la souveraineté Il n’a pas été s’établir à l’étranger durant l’occupation syrienne, malgré les menaces qui pesaient sur sa sécurité et celle de sa famille. L’assassinat de son frère Dany avait été, en octobre 1990, le premier acte de barbarie suivant l’entrée des troupes syriennes dans le « réduit chrétien ». Il n’a pas brigué de poste électoral, pas fait de compromis avec les autorités de tutelle, mais a préféré se consacrer à la gestion de la municipalité de Deir el-Qamar, loin d’une politique officielle longtemps asservie à Damas. Sous l’hégémonie syrienne, au moment où beaucoup se dissimulaient derrière des formules de politesse, il n’a jamais mâché ses mots, jamais fait le moindre compromis. Au contraire, il se faisait un devoir d’ouvrir le siège du Parti national libéral (PNL) aux réunions des étudiants du CPL, des FL et des Kataëb de Pierre et Samy Gemayel, à l’heure où les services de renseignements libano-syriens se livraient à une véritable chasse aux sorcières contre les jeunes souverainistes. Évidemment, il n’en a rien tiré après le phénomène du 14 Mars. D’ailleurs, il n’était pas demandeur. Il n’a pas non plus pris part à l’alliance quadripartite des législatives. Par-delà toutes ces considérations, l’homme n’a pas changé. Il continue d’être fidèle à lui-même et à sa ligne politique souverainiste, haut en couleur, adepte des formules lapidaires et ennemi du langage diplomatique. Le 14 mars 2005, devant les foules rassemblées à la place des Martyrs, le chef du PNL adressait une mise en garde concernant l’avenir, affirmant : « Nous avons gagné une bataille en boutant la Syrie dehors, mais nous n’avons pas gagné la guerre. » C’est pourquoi sa première rencontre avec L’Orient-Le Jour depuis avril 2004 s’ouvre par une autocritique : « Nous avons raté le coche. Il n’y a pas eu de travail sérieux pour organiser l’après-14 Mars, et nous en payons le prix. Au contraire, il y a eu un certain enivrement. Il aurait fallu canaliser toute cette énergie humaine vers un courant politique bien encadré. Nous n’en serions pas là aujourd’hui. » Évidemment, les législatives ont constitué une rupture importante. « Chacun a été de son côté. Cela a permis plus tard à certaines personnes, comme le général Michel Aoun, bien encadrées par les services de renseignements syriens, de faire le travail de désinformation nécessaire auprès des masses chrétiennes, en leur affirmant que le vrai danger réside dans ceux qui veulent contrôler leur pays et réaliser leurs intérêts propres, en l’occurrence Walid Joumblatt et Saad Hariri », indique Dory Chamoun. « Le régime syrien et ses alliés se sont ressaisis et ont reformé leurs rangs. Ils se sont aussi lancés dans un travail de sape auprès d’organisations religieuses, du clergé et de certains évêques, faisant circuler cette théorie selon laquelle sunnites et druzes vont dévorer les chrétiens et leur ravir leurs droits, dans l’objectif d’implanter les Palestiniens, pour augmenter le poids de la population sunnite avec l’aide de l’Arabie saoudite. Et le bourrage de crâne se poursuit : c’est tantôt l’islamisation du Liban qui nous menace, tantôt l’implantation des Palestiniens, tantôt les projets de partition du Liban. L’argumentation politique se limite à cela », dit-il. Les options historiques chrétiennes Les effets de cette campagne se sont fait ressentir dans le dernier communiqué des évêques, poursuit M. Chamoun, avec l’évocation des achats de terrain ou encore de la question des fonctionnaires. « En réalité, il n’y a pas de problème à ce niveau. Le vrai problème réside au niveau de la propagande. Le gouvernement est tellement préoccupé par les batailles qu’il doit mener sur tous les fronts qu’il ne fait pas de communication pour montrer tout le travail qui a été accompli à ce niveau », souligne-t-il. « Je ne comprends pas : le Liban n’a jamais été présent, aussi soutenu par la communauté internationale, et c’est grâce à ce gouvernement. C’est grâce à lui que Paris III a été réalisé, grâce à lui aussi que le tribunal spécial, qui doit mettre fin à trente ans de terreur et de crimes, a été créé. La désinformation est partout, et le malheur, c’est qu’elle vise un nombre important de chrétiens », dit-il. « Ce gouvernement a essayé de faire entrer des chrétiens au sein des FSI ; nous-mêmes au sein du PNL avons mené campagne auprès de notre base pour le retour des chrétiens au sein de ces institutions. Mais les chrétiens ne veulent pas ; ils sont plus ambitieux que cela », précise Dory Chamoun. Ce qui répugne surtout au chef du PNL, c’est la surenchère chrétienne menée actuellement par le CPL. « Avec tout mon respect pour ceux qui sont pour Aoun, je ne pense pas que les fils de Béchara el-Khoury, de Camille Chamoun, d’Émile Eddé, de Pierre Gemayel et de Hamid Frangié puissent aller à l’encontre des intérêts du pays, a fortiori des chrétiens. Nous sommes tous pour un État de droit, indépendant et souverain, qui détienne le monopole de la violence légitime, qui soit ouvert sur la communauté internationale, avec une administration qui fonctionne, des frontières bien délimitées et qui possède des relations diplomatiques avec la Syrie. Telles ont toujours été les options historiques chrétiennes. Si cela est aujourd’hui considéré par les chrétiens comme allant à l’encontre des intérêts du Liban, où donc allons-nous ? » s’interroge-t-il. « Parallèlement, le Hezbollah est pour l’État dans l’État. Il n’est donc pas dans son intérêt qu’il y ait un État et une loi libanais. Lui et ses alliés ne veulent pas que le Liban devienne un État de droit, en conformité avec la légalité internationale. C’est dans ce cadre qu’on essaie de saboter le travail du gouvernement », dit-il. Dory Chamoun balaie ensuite d’un geste de la main les accusations lancées contre le gouvernement d’avoir soutenu Fateh el-Islam, évoquant rien moins qu’une « aberration ». C’est dans ce cadre général que le chef du PNL exprime son soutien total au président Amine Gemayel dans le cadre de la partielle du Metn. « Ce sont les options chrétiennes fondamentales et historiques qui sont dans le collimateur. La bataille contre Amine Gemayel est une bataille contre chacun de nous », souligne-t-il. Plutôt la majorité simple que le vide Dory Chamoun met en garde contre le vide constitutionnel qui pourrait advenir au terme du mandat Lahoud. « Je ne peux pas croire le Hezbollah dans ce qu’il dit, étant donné la duplicité dans ses positions. Nabih Berry a dit que l’élection aura lieu. Aoun veut se présenter, et c’est son droit. Mais l’essentiel est dans le mécanisme. Il faut qu’il y ait un nouveau président puis un nouveau gouvernement à même d’élaborer une nouvelle loi électorale, qui paverait à son tour la voie à des législatives. Cette loi est mauvaise, il faut en élaborer une nouvelle au plus vite. D’ailleurs, il y a une autre aberration, c’est que la minorité ne cesse de s’en prendre à la loi électorale de 2000, alors qu’ils ne remettent pas du tout en cause le poids politique qu’ils ont tiré de cette loi. C’est pour le moins paradoxal, non ? » poursuit le chef du PNL. M. Chamoun se prononce en faveur de l’élection du président à la majorité simple si l’opposition n’assure pas le quorum des deux tiers. « Le vide constitutionnel reste plus grave qu’une élection présidentielle à la majorité simple », souligne-t-il. Concernant cette affaire de révision de la parité consacrée à Taëf dans le sens d’une redistribution communautaire par tiers, le chef du PNL estime qu’« il ne faut pas toucher à Taëf maintenant ». Et de mettre l’accent sur l’importance des qualités de la personne qui accédera à la présidence : « La Constitution donne au président un pouvoir important ; la nuisance avec laquelle Émile Lahoud en use actuellement est significative. Il faut qu’il y ait un président un peu plus intelligent que lui pour faire un usage positif de ces prérogatives. » Dory Chamoun en profite pour mettre en évidence l’importance de la présidence pour que les chrétiens recouvrent toute leur place au sein de la formule actuelle. « Le vide sera comblé lorsqu’il y aura une personne plus respectable à ce poste », dit-il. Il en profite aussi pour fustiger ceux qui continuent de protéger Lahoud au nom de la préservation du rôle des chrétiens, « même s’il est après tout normal que ceux qui sont dans le giron de Damas trouvent que tout ce que fait Lahoud est excellent, Michel Aoun inclus ». Sur le phénomène Aoun, le chef du PNL pense qu’il est transitoire. « La courbe de Aoun est déjà descendante. Les Libanais ne peuvent qu’aller dans le bon sens : édifier un pays valable avec l’aide de tous ses fils, même si les représentants actuels de la communauté chiite continuent d’œuvrer pour un autre projet. Ils finiront par se ranger », souligne-t-il. « L’essentiel, c’est le respect des constantes libanaises, qui n’ont pas changé et qui changeront pas. J’étais le seul leader au Liban, à une époque, à combattre ouvertement l’hégémonie syrienne. Je ne le suis plus. La majorité des Libanais est désormais avec nous. Elle nous a rejoints. J’ai toujours l’image du 14 mars en tête, celle de la population libanaise unie sur la souveraineté et sous les couleurs du drapeau libanais, chantant l’hymne national. L’essentiel est là. Il ne faut pas éroder cet acquis fondamental, mais le consolider », dit-il. La convergence syro-israélienne En ces temps difficiles que le Liban traverse, le souvenir de Camille Chamoun reste aussi très présent chez Dory Chamoun : « Il avait une vision politique claire. Dès le début des années 80 et la chute du chah, il a su que le courant khomeyniste arriverait jusqu’à nos côtes et qu’il ferait front avec le régime syrien, une coopération de ce genre étant inévitable. À cela, il faut ajouter le rôle très négatif que joue Israël. Même du temps de Khomeyni, Israël fournissait des accessoires militaires à l’Iran. Et si le régime syrien a été soutenu de cette manière par l’Administration US, c’est grâce à Israël. » « Dans ce sens, il y a beaucoup de points d’interrogation sur cette conjonction d’intérêts : aussi bien concernant le retrait israélien du Sud en l’an 2000 que pour ce qui est de cette rencontre objective aujourd’hui entre les positions syrienne et israélienne sur le fait de ne pas restituer les hameaux de Chebaa au Liban... » dit-il. « Le Hezbollah est excessivement dangereux » Au sujet du Hezbollah, Dory Chamoun est catégorique : « Notre repère est la Constitution libanaise, le leur est le wilayat el-faqih. » Et de poursuivre : « À son retour de ses rencontres à Damas avec Bachar el-Assad et Ahmadinejad, Hassan Nasrallah a affirmé que ses roquettes peuvent atteindre Israël n’importe où. Je ne sais pas si ces propos sont pour la consommation intérieure. Mais je ne pense pas qu’Israël sera particulièrement bien disposé cette fois, après son revers de l’an dernier, si l’on s’en prend à lui. » « Le Hezbollah est excessivement dangereux. Il vise toujours à faire du Liban une république islamique, et je ne suis pas convaincu par ce qu’il dit aujourd’hui pour cacher cela. Maintenant qu’ils ont avec eux un leader chrétien, Michel Aoun, ils peuvent user de cette couverture pour atteindre leur objectif. Le jour où ils y arriveront, où sera Michel Aoun ? » s’interroge Dory Chamoun. Propos recueillis par Michel HAJJI GEORGIOU
Dory Chamoun : L’acquis fondamental à préserver,
c’est la rencontre des Libanais le 14 mars autour de la souveraineté


Il n’a pas été s’établir à l’étranger durant l’occupation syrienne, malgré les menaces qui pesaient sur sa sécurité et celle de sa famille. L’assassinat de son frère Dany avait été, en octobre 1990, le premier acte de barbarie suivant...